CHAPITRE 2:
L'ABSENCE DE FAUTE LORS DES EVENEMENTS DEPENDANTS DE
LA VOLONTE DU TRANSPORTEUR
Dans le cadre de ces événements dépendant
de la volonté du transporteur, nous examinerons successivement, le
déroutement raisonnable (Section 1), l'assistance et la sauvegarde des
vies et des biens en mer et l'institution des avaries communes (Section 2) et
le transbordement pour des raisons commerciales (Section 3).
· Section 1: Le déroutement raisonnable
Avant d'étudier l'incidence de l'absence de faute dans
le déroutement raisonnable (§2), nous commencerons par
préciser le caractère raisonnable de ce déroutement
(§1)
§ 1 : le caractère raisonnable du
déroutement
Aux termes de l'art 4§4 de la Convention de Bruxelles du
25 août 1924, << Aucun déroutement pour sauver ou pour
tenter de sauver des vies ou des biens en mer ni aucun déroutement
raisonnable ne sera considéré comme une infraction à la
présente convention ou au contrat de transport, et le transporteur ne
sera responsable d'aucune perte ou dommage en résultant >>
En ce qu'il s'agit du caractère raisonnable du
déroutement, citons Lord Atkin qui dans une décision de la
chambre des lords observait que << Le véritable critère
consiste à se demander quel déroutement pourrait entreprendre une
personne prudente, contrôlant le voyage au moment où le
déroutement est décidé, et ayant en tête toutes les
circonstances pertinentes, y compris les termes du contrat et les
intérêt des parties intéressées, mais sans
être obligée de considérer l'intérêt d'aucune
de ces parties comme déterminant >>1.
Tout comme pour la diligence raisonnable en matière
d'innavigabilité du navire, la faute du transporteur et le
caractère raisonnable du déroutement se doivent d'être
apprécié a priori en se fondant sur les obligations normales d'un
bon professionnel.
1 Chambre des lords, 10 déc.1931 A.C. 1932, p.
328, cité par Seriaux A. La faute du transporteur, 2eme
édit., 1998, n ° 262.
De plus, pour revêtir un caractère raisonnable, le
risque encouru doit être
suffisamment important et se révéler à la
hauteur du déroutement envisagé.
Contrairement à Katsigeras, le professeur Seriaux
considère que tout déroutement , du moment qu'il est raisonnable,
doit exonérer le transporteur pour les dommages aux marchandises qu'il
occasionne, même s'il est initialement dû à la faute du
transporteur. Ce qui importe ici, c'est le danger à éviter lors
même que celui-ci aurait pour origine la faute du transporteur. Le
déroutement n'en sera pas moins considéré comme
raisonnable.
La Cogsa considère déraisonnable le
déroutement pour cause d'innavigabilité connue avant de quitter
le dernier port de chargement. C'est ainsi que la Cour Suprême des
Etats-Unis a admis que le déroutement ne devenait injustifié que
lorsque le transporteur pouvait, au départ, se rendre compte que son
manque de diligence dans la mise en état de navigabilité allait
rendre le déroutement obligatoire. En l'espèce il s'agissait d'un
manque de combustible pour assurer la totalité du voyage1.
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