§2 : La responsabilité du transporteur pour les
dommages encourus en dehors de la faute de ses préposés et des
cas d'abordage.
La responsabilité du transporteur maritime de
marchandises peut aussi consister en une responsabilité objective. Il
s'agit, plus précisément là, de la responsabilité
du fait du navire applicable en droit maritime. Le transporteur maritime de
marchandises devra encore ici tenir compte de cette éventualité
et faire diligence nécessaire pour ne pas se voir reprocher une faute
En cas de dommages encourus en raison des faits du navire, la
jurisprudence fait application de l'article 1384 al 1 du code civil. Le recours
à cette règle a été clairement affirmé par
la Cour de cassation dans l'arrêt Lamoricière3
en 1951. Cette jurisprudence a par la suite été
réaffirmée dans l'affaire du navire
Champollion4 ainsi que par un célèbre
arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation dans l'affaire du
France5. Dans tous ces arrêts, la Cour de cassation
considère le transporteur comme gardien du navire et c'est à ce
titre là que le transporteur se fait sanctionner.
La responsabilité du transporteur a ainsi
été retenue dans la cas d'une noyade provoquée par des
vagues ayant déséquilibre la victime se trouvant sur une
crique
1 CA Aix-en-Provence 30 nov. 77
2 CA Bordeaux 8 jan 87
3 Cour de cassation 19 juin 1951, D 1951, p.717.
4 Cour de cassation 23 janvier 1969, D 1959, p. 281
5 Cour de cassation 4 déc. 1981, DMF 1982, p.
140.
fréquentée lors du passage d'un navire au cours
d'une journée oü le temps était beau et calme1.
Le transporteur ne peut donc pas invoquer son absence de faute pour les
dommages causés par les remous (wash) provoqués par son
navire.
Le problème des dommages à terre par des remous a
également été rencontré dans l'affaire du navire
Neinburg2
L'article 1384 trouvera également à s'appliquer
dans les cas oü le navire entre en collision avec des installations
terrestres, ou même des installations maritimes n'ayant pas le statut de
navire, voire lorsqu'il périt en mer hors abordage. De plus, les
dommages corporels subis par les membres de l'équipage, victimes de la
chute d'un élément ou apparat du navire, devront être
réparés sur le fondement de l'article 1384.
Toutefois il convient de préciser que le fondement de
l'article 1384 al 1 ne peut sans doute pas être retenue pour les cas
d'abordages. En effet cette institution obéit à des règles
précises du droit maritime qu'il nous convient d'ès à
présent d'aborder.
· Section 2 :L'absence de faute dans les incidents
d'abordage.
Le code de commerce désigne l'abordage comme le
<< heurt de deux navires au cours de la navigation ». Le doyen
G.Ripert mettait déjà en relief les deux caractères
nécessaires de l'abordage. D'une part la collision doit
intéresser un bâtiment de mer et il faut que l'avarie provienne du
heurt matériel entre deux bâtiments d'autre part3.
Autrefois les abordages étaient rares et sans grande
conséquence comme le disait expressément Valin, cité par
le doyen Rodière, << Les abordages en route se font rares ; ceux
en rade le sont en peu moins ; mais au port, ils sont assez communs par la
quantité de navires qui abordent au quai ou qui le quittent
»4.
L'abordage est aujourd'hui régi par la convention de
1910 dont l'essentiel des dispositions a été reprise par la loi
du 7 juillet 1967. L'article 3 de cette loi précise que << si
l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la
réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ».
Ce régime est donc basé sur la faute et cette faute, aux termes
de l'article 6 de la convention, n'est pas présumée. Il s'ensuit
que la victime des dommages souhaitant obtenir réparation du
préjudice qu'elle a subi, devra démontrer la faute du
transporteur. Celui-ci devra bien évidemment tout faire pour
établir son absence de faute.
Précisons tout de même que le régime
d'abordage, qui s'applique que dans les relations extracontractuelles, ne
trouve pas application dans les cas de collisions entre
1Civ 10 juin 2004 DMF fév. 2005. p109
2 CA Rouen 24 nov. 1983, DMF 1984, p. 736.
3 G.Ripert, Droit Maritime, t III, n°2068.
4 R.Rodière, Traité
général de Droit Maritime, t I, n°8.édition 1972.
deux bâtiments qui sont liés par un rapport
contractuel et pendant l'exécution dudit contrat. Tel est le cas pour
des opérations de lamanage, de remorquage, de pilotage ...etc.
Le transporteur maritime de marchandises peut rarement
invoquer son absence de faute dans les cas d'abordages. Ils sont en effet la
plupart du temps le fait d'une décision humaine. Par exemple en cas de
disfonctionnement de la barre, c'est jusqu'au transporteur que la
responsabilité remontera en raison d'un problème de
navigabilité dont son navire fait l'objet.
Cependant dans d'autres cas le transporteur maritime de
marchandises pourra tout de même invoquer son absence de faute si le
heurt a pour origine l'exécution d'un ordre du capitaine ou encore d'une
mauvaise manoeuvre de la passerelle.
L'absence de faute du transporteur peut aussi se retrouver dans
le cas de l'abordage fortuit dû à un cas de force majeure.
Toutefois, il ne peut y avoir absence de faute du transporteur
en cas d'abordage douteux car cette institution retient par essence le concours
des fautes des navires impliqués dans la collision, d'où
l'idée de partage de torts et de responsabilités.
La notion d'abordage a été étendue
à celle d'abordage sans heurt. Il convient donc d'étudier si,
dans une telle hypothèse, le transporteur pourra invoquer son absence de
faute. Dans l'affaire du Ginousse1, la responsabilité du
transporteur a été retenue car l'ancre du navire avait
arraché des canalisations de gaz et ainsi provoqué une explosion
projetant en l'air une embarcation qui assistait le Ginousse dans le relevage
de son ancre.
Le Professeur Bonassies avance que la notion d'abordage ne
devrait pas être retenue dans un tel cas car le dommage trouve son
origine dans le fait d'un apparat du navire et non pas dans le fait du navire
lui même2.
Pour notre part, nous ne partageons pas cet avis car en
matière de la responsabilité du fait des navires, les
éléments et apparats du navire devraient être
rattachés à celui-ci en tant qu'immeubles par destination.
Prenons comme exemple la roue avant d'une voiture qui s'arrache pendant que la
voiture circule pour aller écraser une vitrine, peut on écarter
l'application de la Loi n° 85/677 du 5 juillet 1985 en matière
d'indemnisation des victimes d'accidents impliquant un véhicule
terrestre à moteur au motif que ce n'est pas la voiture qui est à
l'origine du dommage mais bien la roue de celle-ci ?
1 CA Aix-en-Provence 14 sept. 1984, confirmé
par Cour de cassation 7 avril 1987, DMF 1988, p 67.
2 Note du Professeur Bonassies au DMF 1989, p. 16.
|