§ 2: L'abstention volontaire et involontaire de
prendre des réserves
Le transporteur n'ayant pris aucune réserve au moment
de la prise en charge est présumé avoir reçu la
marchandise en bon état ou complètes. Il s'agit d'une
présomption simple dont la preuve contraire peut être
rapportée par tous moyens en matière
1 CA Aix-en-Provence 16 sept 1993, BTL 1993, p. 918,
cite au Lamy Transports 2004 n* 472.
2 Exemple : << sans responsabilité pour
les manquants ou avaries pouvant survenir au cours des opérations
d'embarquement ou de déchargement, ainsi qu'au cours du transport
3 CA Rouen 29 juin 1989 DMF 1991, p. 638.
4 CA Aix-en-Provence 5 juillet 1985.
5 Rodière BT 1975, p. 307, cité au Lamy Transports
n° 469.
commerciale. Par conséquent, l'émission d'un
connaissement net de réserves n'empêche pas le transporteur
d'établir valablement sa non responsabilité1.
La Convention de Bruxelles du 25 août 1924 dans son
article 3-4 dispose que le connaissement vaut présomption de la
réception par le transporteur des marchandises telles qu'elles y st
décrites. Cette preuve contraire peut être établie pour
toute cause ne provenant pas du fait du transporteur : le vice propre de la
marchandise, les manquants au départ, l'insuffisance d'emballage,
etc.
Il convient de rappeler que la mention << quality unknown
>> sur le connaissement enlève le caractère << clean
on board >> du document de transport.2
La loi française du 18 juin 1966 dispose quant à
elle dans son article 18 al 2
que le connaissement fait preuve absolue de ses
énonciations relatives à la marchandise à l'égard
du tiers porteur de bonne foi.
En raison des insuffisances de la Convention de Bruxelles du
25 août 1924 relatives aux tiers porteur du connaissement, le protocole
du 23 février 1968 vînt ajouter une disposition selon laquelle
<< La preuve contraire n'est pas admise lorsque le connaissement a
été transféré a un tiers porteur de bonne foi
>> ; solution confirmée par la Cour de cassation3
Concernant les Règles de Hambourg du 31 mars 1978,
l'article 16 dicte que le transporteur n'ayant pas fait mention de
l'état apparent des marchandises est réputé avoir
mentionné dans le connaissement que les marchandises étaient en
bon état apparent.
En cas d'abstention volontaire de réserves à
l'embarquement, << l'article 20, al2 de la loi du 18 juin 1966 interdit
au transporteur de se prévaloir de la dite absence de réserve qui
eût dû être portée au connaissement, d'ès
lorsqu'il avait connaissance, lors de la signature de connaissement, de
l'état défectueux de la marchandise, décrit sur le bon
d'embarquement La Cour d'Appel ajoute que le transporteur ne peut ainsi
<< invoquer une faute du chargeur relativement à des dommages
(subies par) la marchandise dont il a eu connaissance, ayant accepté en
connaissance de cause d'émettre un connaissement omettant les
réserves qui eussent dû y être portées
>>4.
<< L'absence de réserves sur le connaissement ne
prive pas le transporteur de la possibilité d'établir que le
dommage est dû au vice propre de la marchandise5 ; quelque
soit la nature de celui-ci, vice caché ou apparent même lorsque le
connaissement a été transmis à un porteur de bonne
foi6
1 Com 15 mai 2001 et CA Versailles 30 mars 2000, BTL
2000, p.541.
2 CA Rennes 10 oct. 1985, DMF 1987, p. 46.
3 Com 7 dec. 1983, BT1984, p. 414 et Com 25 sept 1984,
Revue Scapel 1986, p. 22.
4 CA Paris 12 sept. 2002, DMF 2003. 665, note Tassel,
cite au DMF 2004, hors série n° 6, n° 83.
5 Aix-en-Provence 16 déc. 99.
6 Com 16 fév. 88.
Le transporteur ayant volontairement omis d'apposer des
réserves sur le connaissement, ne peut plus ensuite « se
prévaloir de ce défaut pour éluder sa
responsabilité et ne bénéficiera pas de la limitation
légale de responsabilité prévue » par la
loi1
Cette abstention volontaire d'apposition de réserves
est interprétée par la Cour de cassation comme une
négligence de nature à engager la responsabilité du
transporteur2.
Les juridictions du fond se rangent sur cette position de la
Cour de cassation3, et vont encore plus loin en décidant que
le transporteur commet non seulement une faute, il se fait aussi, en quelque
sortes, le complice de la fraude commise par le chargeur au détriment du
porteur du connaissement4.
Une telle omission fautive interdit au transporteur de
réclamer des surestaries pour le retard apporté au
déchargement d'une cargaison de grains rendue impossible par
l'aspiration en raison des avaries5, on encore d'invoquer, vis
à vis du destinataire, le vice propre de la marchandise, quand bien
même celui-ci aurait connu antérieurement au chargement, les
mauvaises conditions de stockage6.
Par contre la responsabilité du transporteur n'a pas
été retenue dans des situations où il n'avait aucune
raison de douter de l'exactitude des déclarations du chargeur, ni dans
le cas ou l'emballage de la marchandise était normal d'apparence et ne
présentait extérieurement pas de traces7
Le transporteur ne peut non plus être rendu responsable
pour absence volontaire de réserves, lorsqu'il est constant que les
méthodes de calcul de poids de la marchandise sont
imprécises8
|