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L'absence de faute du transporteur maritime de marchandises

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par Didier PICON
Université Paul Cézanne - Aix-Marseilles III - Master Droit des Affaires  2004
  

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§ 2: L'abstention volontaire et involontaire de prendre des réserves

Le transporteur n'ayant pris aucune réserve au moment de la prise en charge est présumé avoir reçu la marchandise en bon état ou complètes. Il s'agit d'une présomption simple dont la preuve contraire peut être rapportée par tous moyens en matière

1 CA Aix-en-Provence 16 sept 1993, BTL 1993, p. 918, cite au Lamy Transports 2004 n* 472.

2 Exemple : << sans responsabilité pour les manquants ou avaries pouvant survenir au cours des opérations d'embarquement ou de déchargement, ainsi qu'au cours du transport

3 CA Rouen 29 juin 1989 DMF 1991, p. 638.

4 CA Aix-en-Provence 5 juillet 1985.

5 Rodière BT 1975, p. 307, cité au Lamy Transports n° 469.

commerciale. Par conséquent, l'émission d'un connaissement net de réserves n'empêche pas le transporteur d'établir valablement sa non responsabilité1.

La Convention de Bruxelles du 25 août 1924 dans son article 3-4 dispose que le connaissement vaut présomption de la réception par le transporteur des marchandises telles qu'elles y st décrites. Cette preuve contraire peut être établie pour toute cause ne provenant pas du fait du transporteur : le vice propre de la marchandise, les manquants au départ, l'insuffisance d'emballage, etc.

Il convient de rappeler que la mention << quality unknown >> sur le connaissement enlève le caractère << clean on board >> du document de transport.2

La loi française du 18 juin 1966 dispose quant à elle dans son article 18 al 2

que le connaissement fait preuve absolue de ses énonciations relatives à la marchandise à l'égard du tiers porteur de bonne foi.

En raison des insuffisances de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 relatives aux tiers porteur du connaissement, le protocole du 23 février 1968 vînt ajouter une disposition selon laquelle << La preuve contraire n'est pas admise lorsque le connaissement a été transféré a un tiers porteur de bonne foi >> ; solution confirmée par la Cour de cassation3

Concernant les Règles de Hambourg du 31 mars 1978, l'article 16 dicte que le transporteur n'ayant pas fait mention de l'état apparent des marchandises est réputé avoir mentionné dans le connaissement que les marchandises étaient en bon état apparent.

En cas d'abstention volontaire de réserves à l'embarquement, << l'article 20, al2 de la loi du 18 juin 1966 interdit au transporteur de se prévaloir de la dite absence de réserve qui eût dû être portée au connaissement, d'ès lorsqu'il avait connaissance, lors de la signature de connaissement, de l'état défectueux de la marchandise, décrit sur le bon d'embarquement La Cour d'Appel ajoute que le transporteur ne peut ainsi << invoquer une faute du chargeur relativement à des dommages (subies par) la marchandise dont il a eu connaissance, ayant accepté en connaissance de cause d'émettre un connaissement omettant les réserves qui eussent dû y être portées >>4.

<< L'absence de réserves sur le connaissement ne prive pas le transporteur de la possibilité d'établir que le dommage est dû au vice propre de la marchandise5 ; quelque soit la nature de celui-ci, vice caché ou apparent même lorsque le connaissement a été transmis à un porteur de bonne foi6

1 Com 15 mai 2001 et CA Versailles 30 mars 2000, BTL 2000, p.541.

2 CA Rennes 10 oct. 1985, DMF 1987, p. 46.

3 Com 7 dec. 1983, BT1984, p. 414 et Com 25 sept 1984, Revue Scapel 1986, p. 22.

4 CA Paris 12 sept. 2002, DMF 2003. 665, note Tassel, cite au DMF 2004, hors série n° 6, n° 83.

5 Aix-en-Provence 16 déc. 99.

6 Com 16 fév. 88.

Le transporteur ayant volontairement omis d'apposer des réserves sur le connaissement, ne peut plus ensuite « se prévaloir de ce défaut pour éluder sa responsabilité et ne bénéficiera pas de la limitation légale de responsabilité prévue » par la loi1

Cette abstention volontaire d'apposition de réserves est interprétée par la Cour de cassation comme une négligence de nature à engager la responsabilité du transporteur2.

Les juridictions du fond se rangent sur cette position de la Cour de cassation3, et vont encore plus loin en décidant que le transporteur commet non seulement une faute, il se fait aussi, en quelque sortes, le complice de la fraude commise par le chargeur au détriment du porteur du connaissement4.

Une telle omission fautive interdit au transporteur de réclamer des surestaries pour le retard apporté au déchargement d'une cargaison de grains rendue impossible par l'aspiration en raison des avaries5, on encore d'invoquer, vis à vis du destinataire, le vice propre de la marchandise, quand bien même celui-ci aurait connu antérieurement au chargement, les mauvaises conditions de stockage6.

Par contre la responsabilité du transporteur n'a pas été retenue dans des situations où il n'avait aucune raison de douter de l'exactitude des déclarations du chargeur, ni dans le cas ou l'emballage de la marchandise était normal d'apparence et ne présentait extérieurement pas de traces7

Le transporteur ne peut non plus être rendu responsable pour absence volontaire de réserves, lorsqu'il est constant que les méthodes de calcul de poids de la marchandise sont imprécises8

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