(2) Le sas communautaire
Les migrants chinois ont développé et
organisé une vie intra-communautaire quasiment fermé et en
relative autonomie vis-à-vis de la société
française et parfois de ses lois (notamment sur la législation du
travail). Selon Monsieur D. journaliste français spécialiste de
la Chine et sinophone : « il suffit de regarder dans le
quartier. Les petites annonces que tu vois scotché sur les cabines de
téléphone, les poteaux, les magasins ce sont des offres de
services de traduction, de la location de dortoirs et même de la
publicité pour des passeurs ! ».
Ce sas communautaire répond à l'urgence et
répond aux projets migratoires qu'ils ont intégrés de
manière plus ou moins inconsciente pris dans un processus historiquement
établi depuis longtemps. Cette urgence est incompatible avec le parcours
administratif régulier que demande la société d'accueil ou
même avec le temps de l'apprentissage du français. Cette urgence
est principalement symbolisée par l'obligation de rembourser la dette
qui a servi pour le voyage. Le poids de celle-ci pèse lourd dans le mode
de vie des migrants puisque les sommes engagées, souvent par la famille
restée au pays, oscillent entre 18 000 et 27 000 euros. Il faut aux
migrants chinois 3 à 10 ans de labeur journalier afin de rembourser la
totalité de la dette. Le coût du périple est moins pesant
pour les chinois du nord plus riche que le reste de la population et qui
réussissent parfois à payer sur leurs propres économies.
Eux ont un projet de retour dès le départ, ils souhaitent
s'installer en France, y travailler, économiser et « se
refaire » en Chine au bout de 2 ou 3 années d'exil. Les
migrants chinois perdent rarement le but de leur venue en vue, travailler et
économiser rapidement. Ils savent qu'ils peuvent compter sur le
système communautaire pour s'installer, trouver un logement ou du moins
un lit et vivre en marge de la société française. La
langue n'est donc pas une nécessité. Du moins à court
terme.
C'est donc la communauté installée qui va offrir
aux migrants arrivants des solutions afin de répondre à leur
urgence. En revanche, l'accès à la société
française est fastidieux et difficile. Le réseau communautaire
procurera rapidement le nécessaire vital, logement (dortoir) et travail.
Cet espace intra-communautaire représente un premier réseau de
sociabilité qui s'avère primordial pour l'obtention
d'informations concernant les démarches à suivre en France. Le
courant migratoire porte les primo-arrivants chinois sur un voie très
organisée. Le travail se trouve au sein du réseau, par des
intermédiaires ou par des annonces collées un peu partout ou dans
les journaux chinois. Celui-ci est quasi exclusivement communautaire. L'emploi
au sein de la communauté est pour les chinois et proposé par des
patrons chinois. Cependant, d'après Monsieur G., président d'une
association de jeune chinois, cette dernière dimension n'est plus
forcément vraie : « aujourd'hui, il y a dans les secteurs
de la restauration, confection et maroquinerie beaucoup plus d'offres d'emploi
que de demandes. Si les patrons ne réservaient ces postes qu'aux
chinois, il y aurait pénurie de main d'oeuvre. C'est pour cela que l'on
retrouve dans les cuisines des restaurants, ou dans les ateliers de confection,
des pakistanais, des indiens, et des africains
également ».
Par la suite il arrive que certains migrant veuillent sortir
de travail au sein de la communauté et cherchent d'autres patrons, la
plupart du temps dans la communauté turque ou juive de Paris travaillant
dans la confection. Il est à noter que cette sortie de
l'intra-communautaire correspond également à une certaine
mobilité professionnelle et salariale.
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