j) La position des jeunes migrants
Les adolescents ont souvent un rôle difficile à
tenir dans cette situation, à cheval entre deux cultures. Pris dans les
exigences d'organisation de la part des parents, mais qu'ils s'imposent
également à eux-mêmes au regard de leur appartenance
à la famille, cette situation leur est difficile à vivre. Ils
tiennent le rôle principal dans la famille car sans eux, les parents
perdent leur point de pivot avec la société française. Ils
doivent accompagner leurs parents dans des tâches administratives,
s'impliquer dans l'apprentissage de la langue qu'ils doivent maîtriser
rapidement malgré des difficultés. La question du choix personnel
ne se pose pas. Lors d'un entretien ce jeune lycéen me
dit : « pour moi c'est normal de faire ça, c'est
ma famille, mes parents parlent pas le français et je suis le plus
grand, parfois je vais pas en classe si mes parents on besoin de moi. Mais
c'est pas tous les jours non plus, c'est quand ils ont des démarches
administratives à faire le plus souvent, les papiers, tout
ça... ».
Aussi, le facteur de la clandestinité est difficile
à gérer psychologiquement pour ces jeunes. Cela conduit toute la
famille à un mode de vie marginal qui fabrique de la méfiance
envers tout et tout le monde surtout envers les personnes n'appartenant pas
à la communauté chinoise. Les enfants sont amenés à
mentir quasiment tout le temps sur tout et n'importe quoi pour se
protéger et protéger leur famille, même à leurs amis
français. La confiance n'existe pas, le mensonge en devient presque
naturel. Ils surfent sur de multiples identités en induisant en erreur
sur l'âge, les papiers, les parents, les adresses etc. Tous les sujets
peuvent faire l'objet de mensonges, leur âge, les papiers, les parents,
les adresses etc. toute information pouvant mettre en péril leur
situation de près ou de loin, est sujette à un mensonge, ou une
déformation de la réalité. Dès lors, certains
jeunes, en pleine construction identitaire, sont réellement
perturbés par ces mensonges, d'autant plus qu'ils voient certains
adultes leur faire confiance Madame F assistante sociale à
l'association franco-chinoise P : « je suis d'origine
chinoise et mon contact est forcément plus facile avec les usagers
chinois car la barrière de la langue n'existe pas. Malgré tout,
le travail de mise en confiance reste difficile, les récits de vie sont
parfois contradictoires, ça ne me dérange pas, je travaille avec
la parole de l'usager, mais je tiens compte de ce paramètre. Même
avec moi la relation d'aide n'est pas aisée, alors imaginez pour des
« blancs » ! C'est un travail de longue haleine, il
faut être patient ».
Les relations de confiance sont altérées avec
les adultes. Madame F constate « une grande détresse
» et reconnait qu'il y a des situations où elle se sent
totalement impuissante.
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