Le thème de la professionnalisation demeure
aujourd'hui un réel objet de débat dans le champ de la formation,
mais aussi dans celui du travail. De plus en plus, on insiste sur l'importance
et la nécessité d'articuler plus étroitement travail et
formation, de développer des compétences et des expertises
multiples en finalisant davantage les apprentissages par rapport à la
profession future. Les situations d'activités qui changent de
façon quasi permanente dans ce contexte de mondialisation orientent la
question de la professionnalisation vers trois espaces: espace social, espace
du travail et de la formation.
Selon Wittorski (2001), le mot « professionnalisation
» revêt trois sens différents:
o la professionnalisation des activités, voire des
métiers, au sens de l'organisation sociale d'un ensemble
d'activités (création de règles d'exercice de ces
activités, reconnaissance sociale de leur utilité, construction
de programmes de formation à ces activités,...) ;
o la professionnalisation des acteurs, au sens à la
fois de la transmission de savoirs et de compétences
(considérées comme nécessaires pour exercer la profession)
et de la construction d'une identité de professionnel ;
o la professionnalisation des organisations, au sens de la
formalisation d'un système d'expertise par et dans l'organisation.
Wittorski (2005) résume la professionnalisation comme
un processus de négociation, par le jeu des groupes sociaux, en vue de
faire reconnaître l'autonomie et la spécificité d'un
ensemble d'activités et un processus de formation d'individus aux
contenus d'une profession existante. Dans le premier cas, il s'agit de
construire une nouvelle profession et, dans le second, de former des individus
à une profession existante.
Elle conjugue des acquis personnels ou collectifs tels les
savoirs, les connaissances, les capacités et les compétences qui
dotent le professionnel d'une professionnalité.
Perrenoud (1994) part des travaux des anglo-saxons et propose
la professionnalisation du métier d'enseignant par le contrôle et
la supervision par des pairs, l'auto-organisation de la formation continue, une
autonomie liée à une prise de risque et donc également
à une responsabilisation, avec une approche éthique
développée, le développement du travail en équipe,
un partenariat avec les professionnels liés à l'éducation,
la mise à jour continue des savoirs et compétences, un rapport
stratégique et distancié au rôle, et une identité
professionnelle claire, alimentée basée sur une culture commune
de coopération.
Charlot et Beautier (1991)8 définissent la
professionnalisation selon six critères:
? une base de connaissances ;
? une pratique en situation ;
? une capacité à rendre compte de ses savoirs, de
ses savoir faire, de ses actes ; ? une autonomie et une responsabilité
personnelle dans l'exercice de ses compétences ;
? une adhésion à des représentations et
à des normes collectives, constitutives de l'identité
professionnelle ;
1' l'appartenance à un groupe qui développe des
stratégies de promotion des discours de valorisation et de
légitimation.
Nous considérons par ailleurs que toutes ces
caractéristiques peuvent se retrouver dans le processus actuel de
professionnalisation des inspecteurs de l'éducation.
? 8 Cité in pédagogie : Raynal. F.,
RIEUNER, A., Pédagogie, Dictionnaire des concepts clés, Paris,
ESF, 1997, 405p
Pour Schön (1984), la professionnalisation inclut la
mise en oeuvre d'une réflexivité de la part des enseignants.
Cette réflexivité est le fruit d'un travail d'élaboration
qui nécessite la présence d'une médiation et donc d'un
tiers pour parvenir à la décentration.
Enfin, le paradigme de la professionnalisation est
complémentaire de celui de la construction des savoirs et
particulièrement d'une approche socioconstructiviste des apprentissages.
Vygosky (1997) et les psychologues interactionnistes ont bien mis en
évidence les médiations langagières nécessaires
à la construction de savoirs chez les apprenants.
Seulement en formation des inspecteurs, il faut ajouter les
notions d'identité et de développement professionnel, et analyser
leurs évolutions en formation initiale et continuée.
La récurrence des termes à connotation «
interactionniste » relevés dans les propos de ces auteurs
cités comme groupe, coopération, travail en équipe,
négociation, supervision par les pairs, médiation,
décentration etc. nous conforte dans l'idée de proposer le
modèle de la « stivation »9 comme visée de
la professionnalisation.
Le projet consiste ici à présenter ce qui est
attendu des inspecteurs de l'éducation, ce qui est fait en situation de
formation pour la professionnalisation des inspecteurs à travers les
interactions nées de la coopération et de la collaboration dans
les dispositifs d'apprentissage. Tout cela pour mieux voir s'il y a
décalage entre la professionnalité des inspecteurs et les
attentes du système en matière de gestion, d'encadrement,
d'impulsion, d'expertise, etc., mais aussi, si les différentes
stratégies de formation déroulées permettent aux
inspecteurs d'assumer pleinement leurs fonctions. Car on commence à
peine, en effet, à concevoir la nature et les implications des liens
entre la formation, le développement professionnel des
9 La stivation est un concept que nous avons
créé pour résumer l'apport considérable des
interactions qui se passent hors des lieux habituels de formation et qui sont
une véritable source de stimulation et de motivation chez des apprenants
en formation.
inspecteurs, le développement institutionnel de la
qualité du système éducatif et la culture de ce dernier
comme exigence du moment.