5. Les spécificités des compétences
professionnelles de l'inspecteur
Le professionnel que se veut l'inspecteur de
l'éducation doit l'amener à une pratique qui se fonde sur une
base de connaissances scientifiques et rationnelles lui permettant de
répondre et de s'adapter à la demande du système. Il doit
être capable
18 Le terme fonction est entendu
ici dans le sens de ce qui relève globalement de la
responsabilité l'inspecteur dans le cadre de l'exercice de son
métier. Le rôle, par contre, définit une tâche ou
intervention particulière attendues de l'inspecteur, eu égard aux
fonctions qu'il assume. De ce point de vue, le rôle est le
résultat d'une déclinaison des fonctions en activités plus
ou moins spécifiques (Plan de formation section F2, janvier 2001).
19 Le tableau est tiré du plan de formation de
la section F2 de la FASTEF (ex ENS) établi en janvier 2001.
de se déployer dans n'importe quel contexte face
à des situations aussi complexes que diversifiées. C'est pourquoi
nous pensons que la profession d'inspecteur demande de développer des
aptitudes fractales comme :
? L'aptitude à communiquer :
La qualité de l'expression orale constitue une
compétence professionnelle essentielle pour l'inspecteur. C'est une
compétence que l'on pourrait tenter de définir comme étant
la capacité pour lui de comprendre les autres et de se faire comprendre
par eux. Et ceci dans le traitement de situations d'encadrement, de formation
et de production avec une correction linguistique.
Dans l'exercice de son métier, l'inspecteur a la
délicate et lourde tâche d'organiser et d'animer des situations
d'apprentissage aussi bien dans le cadre de la formation initiale que dans le
cadre la formation continuée des enseignants.
Il va aussi participer à d'importantes rencontres
où il doit faire montre de bonnes habiletés communicatives, une
prononciation normée, une morphosyntaxe irréprochable et un
vocabulaire précis et étendu : cela peut s'agir de l'entretien
d'explicitation, de l'entretien d'évaluation, des différentes
manières de travailler verbalement en groupe, pour exercer la
créativité (brainstorming), pour envisager différents
points de vue (symposium), pour résoudre les conflits (approfondissement
professionnel, étude de cas), pour établir des synthèses
et décider (panel-discussion).
D'ailleurs, l'un des objectifs du plan de formation de la
section F2 est de doter l'inspecteur de capacités d'échanges et
de communication au sein de l'école et avec les différents
partenaires de l'éducation (Plan de formation F2, 2001). En plus de
cela, son rôle de formateur et de négociateur en tant qu'interface
avec les autres partenaires de l'école l'amène à
développer ces compétences communicatives.
Alors, si l'inspecteur n'a aucune compétence dans ce
domaine, on peut se demander pourquoi il a choisi ce métier. Et cette
aptitude à communiquer ne se limite pas seulement à la
réception ou à l'émission de messages écrits ou
verbaux : elle couvre également tout ce qui relève de la
gestuelle, des images et des symboles dont il excipera pour capter l'attention
de son auditoire.
? Le sens de l'écoute
Les missions des inspecteurs même si elles sont
présentées précédemment en quatre grands chapitres
à savoir l'évaluation, l'animation et l'impulsion, la formation
et l'expertise il en reste aujourd'hui une, dont la dénomination est
très évocatrice : le management qui se trouve dans le Module
III20. Or pour manager certaines aptitudes sont fondamentales. Parmi
elles on peut citer : l'écoute.
Un inspecteur de l'éducation, quelle que soit sa
spécialité, se trouvera très fréquemment en
situation de dialogue avec ses supérieurs hiérarchiques, avec les
enseignants, avec d'autres services de l'État ou avec des élus,
des organisations syndicales ou associatives. Aussi, en France, lors du
concours de recrutement aux fonctions d'inspecteur de l'éducation
n'est-il pas surprenant que le jury attache une telle importance au sens de
l'écoute : le candidat doit faire la preuve de son aptitude à
dialoguer21.
Couchaere (2007) montre que notre société actuelle
dite " de communication ", voit l'écoute plus que jamais
parasitée, déficiente, galvaudée, menacée...
Aujourd'hui, l'écoute est au coeur des revendications
professionnelles et sociales car développer son écoute est le
gage d'un savoir-être indispensable au développement personnel et
professionnel (Couchaere, 2007). Partant, améliorer son sens de
l'écoute donne à l'inspecteur la capacité de mieux
manager.
En effet, devant une information marquante, on a souvent
tendance à réagir par un flot de paroles, expression de notre
indignation, de notre inquiétude ou de notre enthousiasme. Pourtant,
dans un premier temps, l'émotion l'emporte sur la raison c'est pourquoi,
l'inspecteur doit attendre que cette phase d'excitation retombe en restant
silencieux pour revenir ensuite avec un échange plus serein. Et comme
20 Dans le plan de formation, il ya une partie qui
parle des Modules et Unités de formation. Il s'agit du Module
III : Formation à la gestion de l'éducation et dont
l'Unité 3. 1 traite de l'Administration, de la
Législation et du Management
21 Rapport CRIEN de France session 2008
disait Léonard de Vinci : « Savoir écouter,
c'est posséder, outre le sien, le cerveau des autres ».
? L'aptitude à la concision
Pour l'inspecteur, la capacité de faire preuve de
concision dans ses propos, le recentrage de son intervention constituent les
meilleurs garde-fous pour une réussite de sa communication qu'elle soit
écrite ou orale.
Dans ces conditions, la concision est un atout
indéniable pour se faire écouter ou lire. Sa fonction et son
statut de cadre l'obligent quelques fois à annoncer les
événements, d'en donner la description la plus exacte et la plus
pertinente possible. Ces informations permettent aux enseignants d'orienter
leurs actions, de prendre des décisions éclairées, mais
aussi d'avoir le plaisir de découvrir et de connaître de nouvelles
choses.
Et pour arriver à bâtir un discours court,
réaliste, efficace, il est bon pour l'inspecteur d'avoir
préalablement préparé ce qu'il va dire, comment il va le
dire, de déterminer quelles seront les conditions matérielles de
la situation de communication, mais surtout quel est le changement visé
après cette communication.
? L'aptitude à l'analyse
L'aptitude à analyser renvoie à la
capacité de l'inspecteur d'adopter une logique pour structurer sa
pensée et son action dans le traitement de situations. Elle
s'avère essentielle lorsqu'il est nécessaire, de clarifier un
problème lors d'une situation de formation au moyen d'une analyse
rigoureuse des faits et des éléments de la situation, de trouver
et d'indiquer des pistes de solutions reposant sur la compréhension de
principes et la recherche de liens de cause à effet, de
déterminer des conséquences à court, à moyen et
à long terme; de faire une planification des actions pertinentes et
cohérentes appuyées par une argumentation construite et solide.
La compétence d'analyser avec logique contribue à la mise en
place et au développement du traitement adéquat de situations
dans lesquelles l'inspecteur doit pouvoir, entre autres, justifier ses
choix.
Enfin, la capacité d'analyse critique permet d'aller
au-delà des apparences et des discours et de développer surtout
l'empowerment ou le pouvoir d'agir (Deslauriers, 2007).
? L'aptitude à la
synthèse
Face au flot croissant d'informations à filtrer,
l'inspecteur est souvent amené à faire spontanément la
synthèse des « messages » qu'il reçoit ou
délivre. L'aptitude à synthétiser, c'est à dire
à savoir dégager puis présenter l'essentiel d'un propos ou
d'un texte, est une qualité primordiale exigée à tous les
niveaux.
Le travail de l'inspecteur est un échange
perpétuel d'informations qui doivent aboutir à des prises de
décision. La rédaction de notes et de rapports est une constante
du travail de l'inspecteur. Ceux-ci sont nécessaires pour clarifier
l'information, pour faire le point sur un sujet précis et indiquer des
orientations. Et comme toutes les facultés de l'esprit, l'esprit de
synthèse nécessite un entraînement. Il faut que
l'inspecteur apprenne donc à reformuler une idée avec ses propres
mots, tout en visant la plus grande précision possible.
? L'aptitude à la
problématisation
Aussi bien en formation initiale que continue, aussi bien dans
les situations d'apprentissage que dans les situations d'encadrement ou
d'évaluation, se manifeste aujourd'hui une injonction à se
confronter à des problèmes. Un problème naît
lorsqu'il met en relation deux ou plusieurs concepts. Mais
généralement, nous avons du mal à relier les
différents concepts entre eux. En effet, si l'on veut éviter de
céder aux effets de mode (Benoît, 2005), les notions de
problème, de problématisation doivent être rigoureusement
définies en vue de développer leur pouvoir heuristique et de
repenser, à partir d'elles, l'apprentissage et le savoir scolaire
(Fabre, 2005).
Pour l'inspecteur, l'aptitude à problématiser
pourrait être assimilée à un mouvement de l'esprit sous
forme de questionnement que soulève un objet d'étude lui offrant
ainsi l'angle d'approche et le fil directeur indispensables à la
constitution d'une réflexion, la possibilité de mettre en route
sa pensée et de lui tracer un chemin. Elle constitue la condition de
l'expression d'une pensée construite.
? L'intérêt pour le travail
d'équipe
Travailler en équipe en formation initiale et continue
est définie comme l'aptitude à contribuer, avec une ou plusieurs
personnes, au traitement cohésif de situations
d'enseignement-apprentissage. Les inspecteurs mènent des
activités coopératives ou collaboratives en visant un même
but à partir de rôles parfois identiques, parfois
différents. Le travail de chacun doit accroître la cohésion
du travail commun.
Une collaboration véritable ne peut pas fonctionner
sous la menace d'une centralisation des pouvoirs décisionnels. Bien au
contraire, les collaborateurs doivent se sentir associés dans « un
rapport d'égalité » (Goupil, 1996), dans un processus
facilitant la mise en valeur des relations positives.
C'est pourquoi, l'inspecteur doit développer l'aptitude
à interagir en coopération avec ses pairs dans de nombreuses
situations pour lesquelles le partage des tâches, du savoir-faire ou des
responsabilités sont nécessaires. C'est une compétence
essentielle pour un futur responsable comme l'inspecteur surtout dans la
gestion de conflits, dans l'élaboration de solutions pour des
problèmes touchant la collectivité. Cette collaboration rend
ainsi possible une réflexion sur et dans l'action, un partage des
expériences de chacun, de même qu'une ouverture à des
situations particulières (Bouchard, 1999).
La mise en oeuvre harmonieuse et efficace de toutes ces
compétences nécessite une organisation spécifique et
l'élaboration d'un cadrage académique visible aussi bien en
formation initiale qu'en formation continue des inspecteurs.
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