II.
Relations entre les institutions.
A. Le Président de la République et le
Gouvernement.
A ce point la constitution de la République
Démocratique du Congo suscite des curiosités non sans
intérêt pratique. L'analyse des attributions constitutionnelles
des eux institutions laisse paraître des zones d'ombre sur certaines
questions fondamentales. Le Président de la République est-il
membre du gouvernement ou non ? qui en est véritablement Chef de
l'Exécutif ? Le Président de la République jouit-il
de la liberté absolue de mettre fin aux fonctions du Premier
Ministre ?
Aussi simple qu'elles puissent paraître, ces questions
sont d'un intérêt primordial car les réponses y
apportées ont une incidence considérable sur l'objet de notre
préoccupation majeure, l'institutionnalisation du pouvoir et la
formation de l'Etat au Congo. Depuis l'indépendance, on peut constater
que les tentatives d'instauration d'un régime parlementaire aboutit
presque toujours à un blocage du mécanisme institutionnel
à cause des relations conflictuelles entre un chef de l'Etat
théoriquement sans compétence de gouverner et un Premier Ministre
Chef de gouvernement théoriquement soumis à l'orientation du Chef
de l'Etat. Dans ce jeu les relations entre le Président de la
République chef de l'Etat et le Premier Ministre chef de gouvernement ou
non ont souvent pesé dans l'échec de la stabilisation du pouvoir
et conduit notre pays au désastre. Comme nous l'avons
démontré, le conflit Kasa-Vubu - Lumumba et ses
conséquences a brisé l'élan du Congo dans
l'édification de l'Etat jusqu'en 1964 ; le conflit Kasa-Vubu -
Tshombe a ruiné les efforts du constituant de Luluabourg et
justifié le camp d'Etat du 24 novembre 1965 par Mobutu et enfin le
conflit Mobutu - Tshisekedi a hypothéqué tous les efforts de la
conférence nationale souveraine jusqu'à l'anéantissement
de deux protagonistes par les Forces de l'AFDL.
Sous la première République, l'on a
attribué la crise entre autre aux ambiguïtés de la loi
fondamentale dont l'article 22 laisser le champ libre au Président de la
République pour révoquer le Premier Ministre, sans se soucier de
savoir si celui-là conservait encore la confiance du Parlement.
Revenant à notre interrogation, abordons en les trois
aspects :
- Le Président de la République
Démocratique du Congo membre du gouvernement ou non ;
L'article 90 de la constitution de la République
Démocratique du Congo qui définit la composition du gouvernement
ne cite pas le Président de la République comme c'est le cas de
l'article 89 de la constitution de la transition du 03 avril 2003.
En effet, l'article 89 alinéa 1 de ce texte
dispose : « le gouvernement est composé du
Président de la République, des Vice-Présidents, des
ministres et vice-ministres ». Tandis que l'article 90 de la
nouvelle constitution précitée porte : « le
gouvernement est composé du Premier Ministre, de Ministres, de
Vice-Ministres et, le cas échéant, de Vice-premier ministres
d'Etat et de ministres délégués ». Il est
important de bien clarifier la forme de l'Exécutif congolais. Son
caractère mono ou bicéphale n'est pas clairement posé en
ce sens que l'article 79 fait du Président de la République
autorité compétente de convoquer et de présider le Conseil
des Ministres, avec possibilité de déléguer ce pouvoir au
premier Ministre. Il en découle logiquement que le Premier Ministre qui
ne peut convoquer et présider un Conseil que par
délégation en cas d'empêchement du Chef de l'Etat ne serait
pas à considérer comme le chef de ce Conseil des Ministres qui
est en même temps le gouvernement. Cependant là s'arrête la
clarté car l'alinéa 2 de l'article 90 est susceptible
d'équivoque car il est dit que le « gouvernement est
dirigé par le Premier Ministre, chef du gouvernement. En cas
d'empêchement, son intérim est assuré par le membre du
gouvernement qui a la préséance ». En plus,
l'article 91 donne au gouvernement la compétence non seulement de
conduire mais de définir la politique de la Nation. Nonobstant
l'expression « en concertation avec le Président de la
République » ajoutée au terme
« définit », il n'est pas facile de voir sans
embarras laquelle de deux institutions conçoit la politique de la
Nation, entre le Président de la République et le gouvernement
d'une part et lequel de deux dirige réellement le gouvernement.
Une tentative de réponse serait que sur le plan
hiérarchique, le Président de la République soit le Chef
de l'Exécutif mais encore qu'il se situe également au sommet de
l'édifice institutionnel non seulement sur base de l'ordre
d'énumération de cette institution qui vient occuper la
première place à l'article 68 mais aussi du fait du rôle
d'arbitrage que lui confère l'article 69 pour le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et des institutions. A cela il faut
ajouter l'origine électorale de l'un par rapport au Premier Ministre.
Cependant ce qui est de la conduite du gouvernement il est difficile de trouver
un appui constitutionnel susceptible d'en conférer la conduite au
Président de la République dont le contreseing des actes par le
Premier Ministre en fait endosser à ce dernier, la
responsabilité. Faut-il considérer qu'hormis les domaines de
collaboration, le Président de la République joue le rôle
d'un monarque régnant, sans gouverner ! Cela nous semble plus
logique. Sur ce point nous pouvons dire qu'il y a risque de considérer
que l'Exécutif est bicéphale ayant à sa tête le
Président de la République et le Premier Ministre. Ce qui
pourrait être dangereux dans la mesure où cela conduirait à
une lutte de leadership entre le Président de la République et le
Premier Ministre comme par le passé.
L'on peut dès lors déduire que le Premier
Ministre une fois nommé, et investi avec les membres de son gouvernement
ne peut être révoqué par le Président de la
République tant qu'il jouit de la confiance du parlement. Il faudra
attendre l'installation des nouvelles institutions pour en apprécier le
fonctionnement. A cet effet, l'ordonnance dont question à l'article 91,
fixant l'organisation du gouvernement et des modalités de collaboration
entre le Président de la République ainsi qu'entre les membres du
gouvernement sera d'une importance considérable.
B. L'Exécutif et le
législatif.
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