I. L'inefficience du pouvoir
politique « constitutionnalisé ».
Par pouvoir « constitutionnalisé »,
nous entendons le pouvoir politique tel qu'il est théoriquement
institué par le texte constitutionnel. En l'occurrence, l'Acte
constitutionnel de la transition.
L'organisation et l'exercice du pouvoir initialement
institué procédait d'une démocratie parlementaire à
l'opposé du monolithisme dictatorial sous la constitution du 24 avril
1967.
Aux termes de l'Acte constitutionnel de la transition le
Président de la République cessait d'être le Chef du
gouvernement et le conducteur de la Politique Nationale.
Mais refusant d'« inaugurer les
chrysanthèmes », le Président Mobutu est demeuré
la pièce maîtresse de la machine politique congolaise. Faisant et
défaisant les règles du jeu, il rendit tout le système
constitutionnel aussi inefficace qu'inutile comme en 1961 où au
gré de sa volonté il marcha sur la loi fondamentale et en 1965
où il enterra la constitution du 1er août 1964. Il
importe de rappeler que l'Acte constitutionnel de la transition est
lui-même le résultat de velléité dictatorial du
Président Mobutu. Car pour noyer les résolutions de la
Conférence Nationale Souveraine et sa charte de la transition, il fit
provoquer un conclave politique qui révisa unilatéralement l'Acte
constitutionnel de la CNS, sous le titre de l' « Acte
constitutionnel harmonisé ». Dans les faits, les textes
n'eurent pas raison de la personnification du pouvoir. Le Président
Mobutu continuait d'agir selon son bon vouloir et ses intérêts en
dépit des dispositions constitutionnelles contraires. Il pouvait
désigner un gouverneur à la Banque centrale prérogative
reconnue au Premier Ministre, nommer et révoquer le Premier Ministre
sans se soucier de la constitution, se passer des avis conformes du Parlement
et même menacer les membres de cette institution législative de
faire cesser leur « recréation ».
Le Pouvoir était caractérisé par les
luttes stratégiques d'anéantissement de l'un par l'autre à
tous les trois niveaux des institutions. D'abord l'exécutif était
tantôt secoué par la querelle Tshisekedi, chef du gouvernement et
Mobutu, Chef de l'Etat chacun avec son camp offrant chaque fois un spectacle
défavorable à la consolidation de l'autorité de l'Etat
tantôt confronté à la bataille de repositionnement entre
Tshisekedi évincé par Mobutu et chaque nouveau Premier Ministre
désigné considéré à tort ou à raison
comme traître à la cause de l'opposition.
Ensuite, au niveau du gouvernement, l'ouverture
démocratique consacrée par les discours du Président
Mobutu du 24 avril 1990 et constitutionnellement, par l'Acte de la transition
connut des phénomènes de dédoublement entre le
gouvernement de l'opposition et le gouvernement du Premier Ministre
désigné en vertu du vote de la CNS
« arbitrairement » selon les uns et
« légalement » selon les autres par le
Président Mobutu. Ce qui nous intéresse est de constater qu'un
tel dédoublement a eu un effet négatif remarquable sur
l'existence d'une puissance publique étatique.
Enfin, le pouvoir législatif fut tellement
contorsionné entre les différentes forces politiques en
lutte de leadership, qu'il ne put produire un travail conforme à son
rôle constitutionnel au point que son Président pourtant
constitutionnellement investi du mandat d'assurer l'intérim du
Président de la République en cas de vacance fut contraint
à la démission laissant un vide juridique longtemps non
comblé.
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