L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006( Télécharger le fichier original )par Corneille YAMBU -A- NGOYI Université de Kinshasa - DES 2005 |
II. La dislocation et le relâchement du lien national et la résurgence des sentiments ethniques.Un regard impartial sur l'histoire du Congo-Kinshasa, nous révèle qu'avant 1965, le pays était miné par le tribalisme qui fut un facteur d'échec du multipartisme et du fédéralisme. En effet, les partis politiques et les provinces ou Etats fédérés se voulaient plus tribalo - ethniques que nationaux. Certains auteurs affirment que « le multipartisme organisé par la loi fondamentale et la constitution de Luluabourg avait donné lieu, sous la première République, à la création de formations politiques simplement tribales et ethniques, et avait favorisé la lutte entre clans, tribus et ethnies pour la conquête du pouvoir et de leadership, abandonnant les idéaux de mutuelle confrontation d'idées politiques généreuses et nationalistes en vue de bâtir une société congolaise unie et prospère ». De même, ils sont d'avis que « les partis politiques étaient un facteur détonateur de l'éclatement de l'unité du Congo, en sus de la balkanisation du pays en Etats ethniques et tribaux sur le plan territorial441(*). Cependant, ils reconnaissent que le régime autoritaire instauré par le général Mobutu de 1965 à 1990 eut à son actif la lutte pour la détribalisation de la vie nationale442(*). Tel fut d'ailleurs l'objectif au Congo. Analysant le phénomène du Parti unique Shirishungu, à ce propos, Shirishungu décrit son processus de suppression multipartisme ethno - tribal : La détribalisation recherchée des masses s'appuierait sur :
La suppression des partis politiques multiple et ethno - tribaux opère dès lors :
La stabilité institutionnelle et la paix sociale sous le règne du Président Mobutu furent effectives. Cependant bâties sur la force de l'homme Mobutu et non sur l'institution Etat, elles cessèrent dès 1990 avec la fin du monopartisme. Mobutu mécontent du combat que lui menait l'opposition politique symbolisée au début par Etienne Tshisekedi et d'autres, se mit à saper les colonnes de son propre édifice. Attisant habilement les appétits du pouvoir chez les leaders politiques, il parvint à les opposer les uns aux autres selon leur tribus. Ainsi on pu assister à la radicalisation de la querelle entre Kyungu-wa-Kumwanza, gouverneur du Katanga, soutenu par Nguza-Karl-Bond, alors président de l'UFERI443(*) et Tshisekedi -wa - Mulumba, président de l'UDPS. Ce conflit artificiel, conduisit à l'expulsion de tous les ressortissants des provinces des « Kasaï » de l'ethnie Luba, du « Katanga »444(*). Des expressions nouvelles firent leur apparition telles que : « la territoriale des originaires » ; « la géopolitique » ; « kilamutu kwabo »....445(*). Après le triste exemple du Katanga, on assiste impuissant aux revendications ethniques et tribales, lesquelles exacerbées à l'Est du pays servirent de détonateur aux deux guerres de 1996 et du 2 août 1998. L'ethnie Banyamulenge frustrée par la non reconnaissance de sa nationalité congolaise rallia tous les mécontents du régime Mobutu et avec l'alliance du Rwanda sonna le glas de la fin du système Mobutu qui fut démantelé complètement le 17 mai 1997 avec l'entrée des troupes de Kabila à Kinshasa446(*). * 441 Lire Shirishungu, (D.), Organisation Politique Administrative et Développement, Contribution de la décentralisation politico - administrative, économico - financière et territoriale à l'émergence d'une société de développement dans les jeunes Etat, cas de la République du Zaïre, Bukavu, Ed. Bushiri, 1993, p. 111, et aussi Mpinga Kasenda, op.cit, p. Ndaywel (I.), op.cit, p.p. 565 et s. * 442 Idem. * 443 Union de Fédéralistes Républicains Indépendants (UFERI) parti de Nguza et Kiungu était comme fondamentalement du Katanga et des ethnies de cette province essentiellement les Balubakat tandis que l'UDPS d'Etienne Tshisekedi, bien qu'implanté sur tout le territoire national, était présenté comme le parti de « Baluba » du Kasaï - oriental. * 444 Ces événements débutèrent le 14 janvier 1992. Lire AFANA (D.), op.cit, p. 26. * 445 « Kila mutu kwabo » (chaque personne chez lui) slogan véhiculé à Lubumbashi à la fin du monopartisme. * 446 Le 17 mai 1997. |
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