L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006( Télécharger le fichier original )par Corneille YAMBU -A- NGOYI Université de Kinshasa - DES 2005 |
B. L'impact du pouvoir institutionnalisé sur la genèse de l'Etat.Un regard rétrospectif dans la société occidentale renseigne que le pouvoir considéré sous son apparence historique, c'est-à-dire des chefs a une large part dans la construction de l'Etat. La création de l'Etat, par le fait de la mutation du pouvoir n'est pas une génération spontanée. L'institutionnalisation implique que l'idée dont elle est tributaire ait de l'emprise sur les consciences et crée un environnement favorable. G. Burdeau affirme que l'institutionnalisation est ainsi « le résultat d'un phénomène de psychologie collective »89(*). Il explique le rôle des chefs, détenteurs du pouvoir de fait dans la création de l'institution étatique. Nous suivons ce rôle à trois niveaux, avec G. Burdeau. D'abord la recherche de la légitimité par le chef pour se purifier du phénomène de force auquel il doit sa situation prépondérante ; ensuite la recherche de la continuité du pouvoir pour assurer sa succession, et enfin la recherche de la supériorité de ses compétences sur les autres, relative au problème de la souveraineté. 1. La recherche de la légitimité.En dehors de l'institutionnalisation au sens où nous venons de l'expliquer, il n'existe pas de solution au problème de la légitimité. Or il s'agit d'un problème aussi grave pour les gouvernés qui doivent subir les caprices d'un pouvoir arbitraire, que pour le gouvernant qui doit souffrir à chaque instant des menaces des pouvoirs concurrents susceptibles de mettre définitivement un terme à son pouvoir. L'avantage de l'institutionnalisation est de purifier le pouvoir quelle que soit sa source du péché originaire. G. Renard cité par Burdeau, constate à juste titre, qu'il y a toujours quelques traces de force à l'origine du pouvoir ; or dans l'institution ce péché est effacé, le vice du point de départ ne réfléchit pas jusqu'au point d'arrivée : il se produit une purification en cours de route »90(*). C'est pourquoi, même le chef le plus despote est préoccupé par un minimum d'idée de droit, c'est-à-dire institutionnelle. Mais non pour favoriser une construction juridique de l'Etat mais pour placer son titre à l'abri de revendications des rivaux redoutables d'une défaillance de la force ou d'un abandon de la chance91(*). C'est mus par cette préoccupation, comme l'explique P. Mesnard cité par G. Burdeau, que les gouvernants doivent donc inventer et faire accepter par le groupe, un fondement de leur légitimité qui mette leur situation à l'abri de l'instabilité92(*). Ainsi, la légitimation du pouvoir monarchique en Europe occidentale n'eut pour solution que de rattacher directement les prérogatives du principe au droit valable dans la communauté. Ce fut l'unique solution susceptible d'assurer l'exercice du pouvoir sans en compromettre son indépendance. L'évolution à signaler est que par la force des choses, le prince devait se tourner vers l'idée que le droit crée la légitimité et admettre que le pouvoir n'était pas un effet des qualités personnelles des gouvernants, mais une conséquence de l'idée de droit elle-même, son prolongement en quelque sorte93(*). Il en est résulté que le pouvoir devenait une entité abstraite exigeant un support de même nature. Ce support c'est l'institution étatique. * 89 idem * 90 G. Renard, Théorie de l'institution, 1930, p. 160, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 190. * 91 Boutruche, (R.), seigneurie et féodalité, 1959. I, p. 296, cité par Burdeau, (G.), idem. * 92 Burdeau, (G.), op.cit. * 93 Sanchez, (A.), cité par Burdeau (G.), op.cit, p. 192. |
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