La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois( Télécharger le fichier original )par Ulrich DJIVOH Université d'Abomey-Calavi - DEA en droits de la personne humaine et démocratie 2009 |
B) La typologie des renvoisLe code de procédure pénale ne distingue que trois types de renvois. Il s'agit du renvoi d'un tribunal à un autre, pour cause de suspicion légitime, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice215(*)et celui pour cause de sûreté publique216(*). Cependant, seuls les renvois représentant des garanties contre la partialité seront intéressés ici. C'est à ce titre qu'il convient de se pencher d'une part sur, le renvoi pour cause de suspicion légitime comme garantie principale d'impartialité (1) et d'autre part sur, le renvoi pour cause de sûreté publique comme garantie secondaire d'impartialité (2). 1) Le renvoi pour cause de suspicion légitime comme garantie principale d'impartialité La « suspicion » traduit l'idée d'un « sentiment de défiance que suscite la juridiction »217(*). La suspicion légitime peut être définie comme un sérieux motif laissant penser que les juges ne peuvent, en raison, de leurs tendances ou intérêts, se prononcer avec impartialité218(*). Elle peut aussi être conçue comme un soupçon de partialité contre la juridiction saisie, permettant à la juridiction supérieure, à la demande d'une partie, de dessaisir la première et de renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature219(*). Elle traduit l'idée d'une crainte légitime, due à toutes circonstances, autres que celles liées aux tendances et intérêts des juges composant une juridiction220(*). Ainsi, il y aura renvoi pour cause de suspicion légitime, si l'ensemble des magistrats est incapable de se prononcer d'une manière impartiale et par conséquent, le renvoi ne s'opèrera que lorsque la valeur qu'il est destiné à garantir n'est pas respectée par les membres de la juridiction221(*). Lorsque le soupçon de partialité frappe dans son entier la juridiction régulièrement saisie d'un litige, le renvoi demandé pour cause de suspicion légitime, vise à soustraire à la juridiction soupçonnée, le litige, pour le transmettre à une juridiction de même ordre et de même degré222(*).Mais le plaideur est appelé à prouver l'existence d'un réel et sérieux soupçon annihilant l'impartialité. De ce fait, le demandeur est tenu de fonder sa suspicion sur des éléments à la fois précis et objectifs, revêtant une certaine gravité223(*). Le renvoi pour cause de suspicion légitime est ainsi une garantie d'impartialité puisqu'elle permet de dessaisir une juridiction présentant des risques de partialité pour une autre juridiction, a priori impartiale. Il est une garantie principale car il a pour objectif principal d'annihiler tout pré-jugement, défavorable à l'impartialité de la juridiction saisie. Lorsqu'il est exercé, il touche la juridiction dans sa collégialité, c'est-à-dire l'entièreté de celle-ci. Toutefois lorsqu'il concerne une juridiction à juge unique, tel le juge d'instruction, le renvoi reste plus concevable que la récusation, bien qu'un seul juge soit visé225(*). En effet, il s'agit moins d'un préjugé né d'une intervention dans la procédure ou d'un parti pris du juge, que d'un préjugé propre à l'existence de l'instance pénale. De plus, on assiste à un dessaisissement automatique de la juridiction saisie ainsi qu'à un renvoi de la cause vers une autre juridiction habilitée à en connaitre par prorogation de compétence. L'environnement interne de la juridiction est ici l'élément déterminant, celui là même qui permet de différencier le renvoi pour cause de suspicion légitime des autres types de renvoi. 2) Le renvoi pour cause de sûreté publique comme garantie secondaire d'impartialité La sûreté publique induit de manière expresse la cause du renvoi. Elle est l'une des trois composantes de la notion d'ordre public226(*). L'ordre public est relatif aux règles nécessaires au bon fonctionnement des institutions sociales. On se convainc alors de l'existence entre la sûreté publique et l'ordre public, d'un « lien ombilical» et par conséquent il parait normal que tout trouble susceptible de faire obstacle à l'indépendance et à l'impartialité de la juridiction, puisse motiver le renvoi pour cause de sûreté publique227(*). En France, les parties se sont toujours vues refuser l'initiative pour provoquer un tel renvoi. L'appréciation de l'opportunité du renvoi, fut confiée au ministre de la justice et par lui, au pouvoir exécutif, mais avec une exclusion des parquetiers hiérarchiquement subordonnés228(*). Le renvoi pour cause de sûreté publique se différencie du renvoi pour cause de suspicion légitime. Dans le cas du renvoi pour cause de sûreté publique, c'est l'environnement extérieur qui fait pression sur la juridiction, telle la pression exercée par les médias. Or la suspicion légitime induit des causes de renvoi qui résident au sein même de la juridiction. Ainsi dans le cadre de la suspicion légitime, l'élément déterminant est l'environnement interne de la juridiction, alors que dans le cadre de la sûreté publique, il s'agit de l'environnement malsain qui entoure le « cadre géo judiciaire du tribunal»229(*). Dominée par la notion de sauvegarde de l'ordre public, le renvoi pour cause de sûreté publique peut être ordonné si le procès est susceptible d'entraîner des scènes de désordre ou des tentatives d'évasions concentrées. Dans ce sens, il .est une garantie secondaire d'impartialité230(*).En effet, si aucune décision impartiale ne peut être prise dans un contexte dominé par des pressions diffuses, c'est bien la preuve que par le dépaysement de l'affaire qu'il entraine, le renvoi pour cause de sûreté publique, stigmatise les éventuels risques de partialité. Mais il est une garantie secondaire, car préserver l'impartialité n'est pas la mission première qui lui a été assigné. La preuve, la sureté publique induit irrémédiablement l'objet du renvoi : à savoir la préservation de la paix et de la sécurité de la cité. 231(*) Cependant qu'en est-il de l'exercice de ces différents mécanismes ? * 215 Le renvoi dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, semble destiné à préserver l'avancée du procès, des entraves tenant à l'organisation et au fonctionnement interne du service public de la justice. La bonne administration de la justice défend des valeurs que les parties ne sont pas à même d'apprécier, puisqu'elles ne sont pas destinées à préserver leurs intérêts particuliers. Ainsi, lorsqu'un condamné à une peine privative de liberté est détenu au siège de la juridiction de condamnation, et que ni le juge d'instruction, ni le procureur de la république ou le tribunal de ce lieu de détention ne peuvent connaitre des infractions qui lui sont imputées, seul le ministère public pourra demander le renvoi. Ce renvoi semble être opéré pour le bon fonctionnement de la justice. * 216 Cf. Article 534 du code de procédure pénale * 217 JOSSERAND (S.), op. cit., p 115 * 218GUILLIEN (R.), et VINCENT (J.) (Sous la direction de), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 13éd, p 532 * 219 CORNU (G.), (Sous la direction de), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 7°éd, 2004 p 800 * 220 ASSOUMOU (C.E.), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 1998, p 48 * 221 JOSSERAND (S.), op. cit., p 115 * 222 DEFFERRARD (F.), la suspicion légitime, Paris, L.G.D.J, 2000, p 267 * 223 224 DEFFERRARD (F.), op. cit., p268 * 225 ASSOUMOU (C.E.), op. cit., ,p 49 * 226 Aux termes des dispositions de l'article L 131-2 du code des communes en vigueur en France, l'ordre public consiste en la tranquillité, la sécurité et la salubrité publique * 227 ASSOUMOU (C.E.), op. cit., p 47 * 228 JOSSERAND (S.), l'impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998, p119 * 229 ASSOUMOU (C.E.), op. cit., p 49 * 230 ASSOUMOU (C.E.), op. cit., p 57 * 231 JOSSERAND (S.), op. cit., p119 |
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