La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois( Télécharger le fichier original )par Ulrich DJIVOH Université d'Abomey-Calavi - DEA en droits de la personne humaine et démocratie 2009 |
Paragraphe 2 : L'exercice du renvoi face à un pré-jugement secrètement portéLa mise en oeuvre du renvoi nécessite que l'on connaisse la procédure de renvoi (A), mais aussi que l'on en maîtrise la portée (B). A) La procédure de renvoi Le code de procédure pénale ne prévoit que trois dispositions pour traiter du renvoi232(*). Plus précisément, quel que soit le type de renvoi visé, l'article 534 dudit texte renvoie aux lois et règlements régissant la Cour suprême233(*). Mais il faut déjà préciser que le texte234(*) régissant la haute juridiction ne réglemente que la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime, bien que, au Bénin, le droit positif répressif235(*) distingue trois sortes de renvois236(*). Le droit de demander le renvoi pour cause de suspicion légitime, appartient au procureur général près la Cour suprême, au ministère public près la juridiction saisie, à l'inculpé ainsi qu'à la partie civile237(*). Ces derniers présentent en effet une requête à cette fin, et la signifie aux autres parties, qui eux doivent dans les dix jours déposer leur mémoire au greffe de la Cour suprême238(*). La chambre judiciaire de la Cour suprême est la juridiction compétente pour admettre ou rejeter le renvoi. Ainsi, lorsqu'elle admet l'existence d'une suspicion légitime, elle ordonne la suspension des poursuites devant les juges du fond, et renvoie l'affaire devant la juridiction qu'elle désigne. Elle peut renvoyer, toutefois devant la même formation, mais autrement composée. Il est toutefois important de noter que la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ne peut être orientée devant l'une quelconque des formations de la Cour suprême239(*). Mais qu'en est-il de la portée d'un tel outil procédural ? B) La portée du renvoiLe renvoi a pour conséquence d'entraîner un dépaysement de l'affaire. Il dessaisit une juridiction territorialement compétente, pour confier la cause à une juridiction territorialement incompétente, mais qui le devient par prorogation de compétence. Le dessaisissement touche l'ensemble des membres composant la juridiction, ce qui montre qu'il ne s'attache pas à la personne du magistrat, mais au lieu d'exercice de leurs tâches240(*). Le renvoi de par son effet ou sa portée se distingue de la récusation. Mais il n'en demeure pas moins que le renvoi a pour effet le dessaisissement de chacun des juges composant la juridiction. Cependant, ce dessaisissement ne se fonde point sur la personne ou l'activité du juge comme dans le cadre de la récusation. Le fondement du dessaisissement de chacun des juges est plutôt inhérent à leur appartenance à la juridiction, car c'est bien leur qualité de membre de la juridiction qui fonde la mise à l'écart241(*). Le choix d'une juridiction de renvoi géographiquement éloignée de celle dessaisie traduit l'exclusion de la procédure d'un « périmètre institutionnel » soumis à la même hiérarchie judiciaire242(*). La demande vise à obtenir que l'affaire soit enlevée à la juridiction soupçonnée et transmise pour y être jugée à une autre juridiction, de même ordre et de même degré243(*) . Puisque la situation actuelle du juge crée chez le justiciable, la crainte que ce magistrat n'offre pas lui-même et la juridiction au sein de laquelle il opère, n'offre pas avec lui, des garanties suffisantes d'impartialité244(*) , on peut en déduire que la finalité poursuivie par le renvoi, est la préservation de l'indépendance et de l'impartialité de la juridiction. Dans le cadre de la suspicion légitime, il est une garantie principale d'impartialité, alors que dans le cadre du renvoi pour cause de sûreté publique, il est une garantie secondaire d'impartialité.245(*) En effet, la vocation première du renvoi pour cause de sureté publique, reste la préservation de la paix et de la sécurité dans la cité246(*). Cependant, ce serait une erreur de considérer la protection de l'ordre public comme seul but de ce renvoi, car aucune décision ne peut objectivement se prendre en cas de troubles agitant la juridiction. L'on en déduit que le renvoi pour cause de sureté publique doit être demandé pour éviter un procès bâclé teinté aux couleurs des pressions les plus fortes. Dans ce sens, ce renvoi présente bien une finalité cachée ou lointaine qui est celle d'assurer l'impartialité de la juridiction saisie247(*). Enfin, la portée du renvoi, nécessite que l'on ne l'exerce pas aux lieux et places de la récusation, car les deux mécanismes ne sont pas d'une égale portée. Cette confusion parait plus flagrante lorsqu'il s'agit de s'interroger sur la possibilité ou non de récuser plusieurs juges ou tous les membres d'une même juridiction. Certes, plusieurs récusations peuvent être exercées au cours de la même cause, contre différents juges. Mais lorsque l'exercice de plusieurs récusations, est tel, qu'il entraine une impossibilité pour le tribunal de statuer, elle doit s'analyser en un renvoi pour cause de suspicion légitime. Cette position a été suivie en droit béninois, notamment par la Cour constitutionnelle, dans une de ses décisions. La Cour a en effet, considéré « qu'en demandant à la Haute Juridiction d'écarter de la connaissance du litige tous les membres composant la juridiction de jugement pour cause de partialité, le requérant sollicite en réalité le dessaisissement de ladite juridiction pour cause de suspicion légitime »248(*) . En marge de ces garanties d'impartialité, le plaideur dispose aussi, lorsque la partialité est effective, de moyens pouvant lui permettre de réparer le tort qu'il a subi, ou de réprimer le vice de partialité. * 232 Ceci se déduit de la lecture du titre V, du livre IV, du code de procédure pénale, intitulé « Des règlements de juges et des renvois d'un tribunal à un autre » * 233 Ainsi, ces dispositions seront complétées par celle de l'article 66 de la loi n°2004-20 du 17 Août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême * 234 Il s'agit en l'occurrence de la loi n°2004-20 du 17 Août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême * 235 Il est important de spécifier qu'il s'agit ici du droit et de la procédure pénale car il n'existe pas de renvoi pour cause de suspicion légitime en procédure civile au Bénin. * 236 En effet, l'article 534 du CPP distingue trois types de renvois : le renvoi pour cause de suspicion légitime, celui pour cause de sureté publique et le renvoi dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice * 237 Cf. Article 66 alinéa 1er de la loi n°2004-20 du 17 Août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême * 238 Cf. Article 66 alinéa 2 de la loi précitée * 239 Cf. Article 66 in fine de la loi précitée. * 240 JOSSERAND (S.),op. cit p 96 * 241 JOSSERAND (S.),op. cit p 97 * 242 JOSSERAND (S.),op. cit., p99 * 243 DEFFERRARD (F.), la suspicion légitime, Paris, L.G.D.J, 2000, p287 * 244 DEFFERRARD (F.), op. cit., p 281 * 245 ASSOUMOU (C.E.), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 1998,p 57 * 246 JOSSERAND (S.),op. cit., p 119 * 247 ASSOUMOU (C.E.), op. cit., p 57 * 248 Décision DCC 01-105 du 10 décembre 2001, Cour constitutionnelle, HOUNNOU A. Sévérin, Recueil des décisions et avis, 2001, |
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