Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux( Télécharger le fichier original )par Clément TCHUISSEU NGONGANG Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011 |
II- THEOLOGIE MEDIEVALE ET D'APRES ET LE PLURALISME RELIGIEUX1- Aux origines de l'exclusivisme ecclésiologique: « Hors de l'Eglise, pas de salut »Les théologies du Logos développées par certains Pères apologistes, malgré quelques accentuations qui diffèrent d'un auteur à l'autre, mettent en évidence le motif de la préfiguration prophétique et de la préparation historique avant son accomplissement et son dépassement dans le Christ face à la question du pluralisme religieux. Mais, à partir d'Origène et plus précisément de Cyprien, une formule verra le jour : « Hors de l'Eglise, pas de salut ». L'analyse de leur pensée et du contexte socio-historique de l'époque force les spécialistes à conclure que ces Pères visent l'unité de l'Eglise tout en tentant de décourager les schismatiques et les hérétiques : « La question du salut de l'humanité n'est pas ce qui préoccupe le saint ; ce qui lui importe, c'est l'unité de l'Eglise. »22(*) L'exclusivisme ecclésiologique ici en exergue suggère que l'expérience du salut est directement associée à l'essence de l'Eglise. S'écarter de l'Eglise revient à se priver du salut. « Il est manifeste que ceux qui ne sont pas dans l'Eglise du Christ sont au nombre des morts et qu'on ne peut recevoir la vie de celui qui n'est pas lui-même vivant. »23(*) La conversion de l'empereur plus tard à la religion chrétienne et l'érection de cette dernière au statut de religion officielle de l'empire posera de façon nouvelle la question du salut des païens. Grégoire de Nysse souligne déjà dans ce sens le caractère universel du christianisme tout en n'oubliant pas que la grâce de Dieu proposée à tous appelle la réponse de l'homme24(*). L'enjeu de la formule amorcera une pente nouvelle à partir du moment où l'Eglise est devenue dans l'empire la religion officielle et majoritaire ; l'axiome « hors de l'Eglise, pas de salut » peut être appliquée aux païens et aux juifs, parce qu'ils ont eu la possibilité d'accueillir le message chrétien.25(*) Chez Augustin, tout se passe comme si la formule se durcit progressivement à mesure que progresse sa pensée. Dès l'entame, il n'exclut pas la possibilité du salut pour ceux qui sont historiquement antérieurs au Christ. Pour cela, il est contraint par la logique de sa pensée d'élargir le concept de l'Eglise : Ecclesia ab Abel, dans laquelle à Mechisédech, à Job...il attribue une foi anticipée au Christ, du moins à un groupe de privilégiés arraché à la massa damnata. Puis, cette mesure adoucissante ne concerne pas les juifs et les païens qui opposent un refus explicite au salut qu'apporte le Christ. De même l'ignorance du Christ par les païens diminue leur peine sans leur concéder un salut du fait du péché originel. « Cette doctrine, qui s'appuie sur une lecture rigide des textes de saint Paul, oublie le principe de la liberté personnelle et de la responsabilité subjective de chaque être humain dans l'ordre du salut, pour ne retenir que le constat objectif de l'absence de tout lien salvifique entre l'unique Médiateur et les hommes qui sont « en dehors »26(*) C'est confronté à la situation des hérétiques et des schismatiques que l'Evêque d'Hippone laisse apparaître l'exclusivisme: « Hors de l'Eglise, point de salut » Qui dit le contraire ? Voilà pourquoi tous les biens de l'Eglise que l'on possède n'ont pas, hors de l'Eglise, de vertu salutaire. »27(*) Ou encore : « Hors de l'Eglise, il [le donatiste] peut tout avoir, sauf le salut... mais nulle part ailleurs que dans l'Eglise catholique, il ne peut trouver son salut. »28(*) A partir d'Augustin, s'ouvre la longue période de plusieurs siècles durant lesquels l'exclusivisme ecclésiologique s'épanouira. L'axiome intègrera les déclarations conciliaires et les discours pontificaux en identifiant l'Eglise dont il est question à l'Eglise catholique romaine (Concile du Latran en 1215 ou Unam Sanctam de Boniface VIII en 1302 à titre d'exemples). * 22 RATZINGER Joseph., Le nouveau peuple de Dieu, Aubier, Paris, 1971, p. 152, cité par SESBOUË Bernard, Hors de l'Eglise, pas de salut. Histoire d'une formule et problèmes d'interprétation, Desclée de Brouwer, Paris, 2004, p. 54. * 23 CYPRIEN, Lettre, 43, 5 cité par SESBOUË Bernard, Op.Cit., p. 52. * 24 Cf. GREGOIRE de Nysse, Discours catéchétique, XXX ; WINLING (trad.), S C, n° 453, Cerf, Paris, p.279 cité par SESBOUË Bernard, Op.Cit., p. 58. * 25 SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 59. * 26 Ibidem, p. 63. * 27AUGUSTIN, Du baptême contre les donatistes, Livre IV, chapitres 17-24, cité par SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 64. * 28 Ibidem. |
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