Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux( Télécharger le fichier original )par Clément TCHUISSEU NGONGANG Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011 |
2- Vers l'exclusivisme christologiquePlusieurs facteurs vont concourir à une nouvelle compréhension de la formule. Le premier est la découverte de nouvelles terres et des peuples non évangélisés. Se posant la question du salut des infidèles parce que confrontée à la découverte de nouveaux mondes comme les Amériques avec Christoph Colomb, la réflexion sera conduite, avec les théologiens comme Francis De Vitoria (1493-1546), Melchior Cano (1505-1560) et Dominique Soto (1524-1560), à aller au-delà de la thèse thomiste de la nécessité de la foi explicite au Christ (baptême et appartenance à l'Eglise) pour être sauvé, par l'adjonction à la pensée du docteur angélique du principe de la volonté salvifique universelle de Dieu. « La pensée de ces grands dominicains n'a d'ailleurs pas pour préoccupation majeure l'appartenance formelle à l'Eglise, mais le rapport de foi qui unit l'homme au Christ, l'unique Médiateur. »29(*) Cano « admet que ceux qui n'ont jamais connu le Christ puissent recevoir la rémission du péché originel et la justification par une foi implicite à la venue du Médiateur, comme ce fut le cas du centurion Corneille. »30(*) Alors que saint Thomas arguait que l'accession à la révélation explicite peut se faire avec l'aide de Dieu par une inspiration intérieure chez un mécréant, le pas est franchi vers la fides confusa (foi implicite) en Christ chez le même sujet tant qu'il reste hors d'un contact avec l'Evangile. Même au Concile de Trente, l'adage n'est plus employé et ses influences s'en trouvent amoindries dans la manière d'envisager le salut. Les différents schismes (catholique-orthodoxes en 1054 et la Réforme de Luther au XVIe siècle) constituent le second facteur. De façon générale, l'adage reste en vigueur dans chaque dénomination avec les nuances que lui impose la découverte des nouveaux mondes par les Eglises qui s'y intéressent. Chacun réfère à son obédience l'Eglise dont il est question dans la formule. Cependant, tous sont comme contraints d'admettre l'effet de la grâce chez les autres. Et c'est avec Karl Barth que le passage de l'exclusivisme ecclésiologique à l'exclusivisme christologique est définitif dans l'interprétation de la formule, lorsque dans la ligne du protestantisme orthodoxe qui comprend l'Eglise comme composée de toutes les confessions chrétiennes existantes31(*), il déclare à propos de l'adage : « signifie, au sens strict, que ceux qui ne sont pas membres de l'Eglise n'ont aucune part à l'oeuvre du salut de Dieu. La simple prudence commande de renoncer à dire cela. Ce qui est vrai, c'est ceci : extra Christum nulla salus. L'Eglise n'est que la forme d'existence sous laquelle le Christ rencontre le monde dans l'histoire. [...] Ce n'est pas en dehors de l'Eglise, mais bien en dehors de l'appartenance de tous les hommes à Jésus-Christ, que l'Eglise reconnaît, confesse et affirme qu'il n'y a pas de salut. La même prudence commande de ne jamais prétendre que la participation au salut du monde accompli par Jésus-Christ, soit liée absolument à la médiation de l'Eglise et donc à sa prédication. [...] Tout ce qu'on peut dire de la communauté chrétienne -et cela avec la plus grande rigueur - c'est uniquement ceci : extra ecclesiam nulla revelatio, nulla fides, nulla cognitio salutis. »32(*) * 29 SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 118. * 30 Ibidem, p. 120. * 31 Ibidem, p. 260. * 32 BARTH Karl, Dogmatique, I, 3, §62 ; Franc ( Trad.), Labor et Fides, Genève, T.19, 1967, pp. 50-51 cité par SESBOUË Bernard, Op. Cit., p. 262. |
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