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Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux

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par Clément TCHUISSEU NGONGANG
Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011
  

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b- chemin vers l'approche christologique trinitaire

En 1990, Le Pape Jean Paul II écrit : « Il est contraire à la foi chrétienne d'introduire une quelconque séparation entre le Verbe et Jésus Christ. (...) Jésus est le Verbe incarné, Personne une et indivisible : on ne peut pas séparer Jésus du Christ, ni parler d'un « Jésus de l'histoire » qui serait différent du « Christ de la foi »102(*) Dupuis, conscient de cette mise en garde écrit tout de même :

« Il faut donc montrer, comment s'associent, dans l'unique économie du salut voulue par Dieu pour l'humanité, les deux aspects de l'action universelle du Verbe comme tel et de la signification salvifique universelle de l'évènement Jésus-Christ, de façon à laisser entrevoir que, tandis que l'évènement Jésus-Christ est universellement « constitutif » du salut, les autres voies ont une certaine signification salvifique pour leurs propres adhérents dans le même plan divin. »103(*)

Même si Dupuis se refuse au logocentrisme confiné sur l'aspect logologique du Fils de Dieu, il distingue « une action du Verbe de Dieu, non seulement avant l'incarnation du Verbe, mais également après l'incarnation et la résurrection de Jésus-Christ, distincte de l'action salvifique à travers son humanité »104(*) , sans séparer Verbe divin et Jésus historique. Telles sont les incidences de sa méthode herméneutique inductive et déductive tout à la fois.

Dans la personne de Jésus, s'unissent sans confusion, ni changement, la nature divine du Verbe et l'humanité. Il faut éviter tout monophysisme (absorption d'une nature par une autre). Pour dire mieux : « Le Verbe de Dieu, bien que s'étant incarné, reste le Verbe de Dieu ; Dieu reste Dieu... Son éternité divine n'est pas absorbée par sa temporalité en tant qu'homme ; sa fonction créatrice n'est pas supprimée par sa créaturalité en tant qu'homme. »105(*) En ce sens, l'action du Verbe incarné reste le sacrement d'une action plus ample, celle du Verbe éternel de Dieu. La personne de Jésus est marquée par une contingence qui le confine dans la particularité historique de son être ; elle est ainsi limitée et rendue incapable de contenir en elle toute l'action du Verbe de Dieu.

Restant sauf le fait que « l'action universelle du Verbe et l'évènement historique de Jésus-Christ ne sont ni à identifier ni à séparer, [et qu'] ils demeurent distincts »106(*), s'inspirant de Justin, Dupuis réaffirme tout de même : « Le Logos de Dieu a répandu ses semences tout au long de l'histoire de l'humanité et il continue de les répandre aujourd'hui en dehors de la tradition chrétienne. »107(*) Son analyse logologique lui permet de préserver envers et contre tout la présence du Verbe dans les traditions religieuses, celles-ci n'ayant pas besoin d'être reportées au christianisme pour que luise en elles l'éclat du Verbe. C'est une question vitale pour notre auteur de sauvegarder l'autoconsistance propre et inaliénable des autres religions.

En effet, le christianisme est issu de l'évènement-Christ. L'Eglise est fondée sur ce mystère vécu, célébré et professé. Il serait inconvenant de relier toutes les traditions du monde à un évènement si circonscrit dans le temps et l'espace, et ainsi doté d'une contingence irréductible. Si Dupuis refuse le vocable de « chrétiens anonymes » aux non chrétiens, c'est que cette désignation leur dénie « leur propre identité en tant qu'autres, dans leur spécificité irréductible[...]Ce faisant, le christianisme semble a priori s'établir comme norme absolue, alors qu'il représente lui-même, parmi d'autres, une tradition religieuse de l'humanité. »108(*)

On dirait que la particularité issue de la spatio-temporalité de l'évènement Jésus-Christ est comme communiquée au christianisme. Au sujet de Jésus, il affirmera de façon audacieuse : « Les vicissitudes humaines de Jésus appartiennent à un temps et lieu précis ; le mystère même de la résurrection est un évènement inscrit ponctuellement dans l'histoire, bien qu'il introduise l'être humain de Jésus dans une condition « méta-historique »109(*).

Avec une certaine perspicacité, le jésuite s'empressera d'équilibrer en arguant que l'automanifestation du Verbe ne pouvait aller plus loin, comme nous le verrons avec Walter Kasper : « Sans aucun doute, le Verbe avait été manifesté en Jésus-Christ de la manière la plus complète possible dans l'histoire, comme aussi de la manière la plus profondément humaine que l'on puisse jamais concevoir, et donc la plus adaptée à notre nature »110(*), autrement dit, le devenir-homme du Verbe de Dieu dans l'évènement-Jésus-Christ (passion, mort, résurrection) a atteint le point culminant du processus historique de l'autocommunication divine. Jésus-Christ est « sacrement universel » du mystère du salut que Dieu offre à travers son Verbe à tous les hommes. L'auteur parle d'une association organique de l'action du Verbe à l'action salvifique de l'évènement-Christ dans l'unique plan divin de l'humanité. Il évite ainsi qu'on prête à son raisonnement l'idée d'induire, suite à une concaténation douteuse, à une relativité absolue de l'Evènement-Christ, parce que seul le Logos serait absolu.

Une telle perspective christologique a le mérite de concilier la centralité de Jésus-Christ dans le plan du salut (le christocentrisme) et la survivance, fut-elle pâle, de l'action salvifique de Dieu au-delà des limites du christianisme.

Deux facteurs vont permettre à Dupuis d'embrasser le risque de pousser jusqu'au bout la logique de sa pensée.

Il y a premièrement, ceci que son dialogue avec les théologiens pluralistes de tendance théocentriste est déterminant. Ces derniers (comme nous le verrons dans le prochain chapitre) refusent de placer la figure du Christ au centre de la préoccupation de l'homme qui cherche le salut. Jésus reste comme tant d'autres une figure qui incarne le salut de Dieu. En cela, les théologiens pluralistes s'opposent au christocentrisme pour lequel l'évènement-Christ est générateur du salut pour l'humanité. Dupuis tente d'unir les deux tendances :

« En réalité, dit-il, le christocentrisme de la tradition chrétienne n'est pas opposé au théocentrisme. Il ne met jamais Jésus-Christ à la place de Dieu ; il affirme seulement que Dieu a mis Jésus-Christ au centre de son plan sauveur pour le genre humain, non comme la fin mais comme la Voie, non pas comme le but de toute quête humaine de Dieu, mais comme le Médiateur universel de l'action salvatrice de Dieu à l'égard des personnes. »111(*)

Il ajoute : « La théologie chrétienne (...) est théocentrique étant christocentrique. »112(*)

Le second facteur, certes lié au premier, est la façon dont il entend le salut en Jésus. Jésus est le Sauveur universel parce qu'il est sauveur « constitutif » de l'humanité. Mais, seul Dieu est le Sauveur absolu. En réalité, dans la Bible juive, le titre de « sauveur » appartient principalement à Dieu, et dans le NT, « l'objet de la foi (...) reste fondamentalement Dieu le Père ; de même, selon cette même théologie, c'est fondamentalement Dieu qui sauve et, non pas premièrement, mais conjointement, Jésus-Christ : Dieu nous sauve par le Fils (voir Jn 3, 16-17). »113(*) Il conclut fatalement : « Le fait que Dieu est premièrement le Sauveur n'empêche toutefois pas que Jésus-Christ soit appelé Sauveur, mais c'est en second lieu, l'évènement-Christ étant l'expression efficace de la volonté et de l'action salvifique de Dieu. Qu'il soit appelé « Sauveur constitutif », non « absolu », ne « relativise » pas l'action salvifique du Christ, ce qui est « constitutif » appartient à l'essence. »114(*)

Quel modèle christologique allierait dans une parfaite harmonie constitutivité du salut en Jésus et les judicieuses intuitions du théocentrisme ? Dupuis est donc conduit à opter pour un « modèle de christologie trinitaire »115(*), autrement dit, une « pneumato-christologique trinitaire »116(*).

D'après lui, « une christologie trinitaire devra exprimer clairement la relation de Jésus avec l'Esprit »117(*), insistant sur le rôle de l'Esprit dans la vie de Jésus. L'enjeu est celui-ci : « Dans une théologie, la présence et l'action universelle de l'Esprit dans l'histoire humaine et dans le monde devront non seulement être affirmées, mais devront également servir de fil conducteur. »118(*) Il devient plus aisé de saisir l'opportunité du salut en dehors du christianisme. Aussi, voudrait-on éviter un christomonisme pour préserver le christocentrisme d'une autodestruction - telle que prévient Bernard Sesbouë119(*) - qu'on est contraint d'allier christologie et pneumatologie, puisque la distinction des hypostases du Christ et de l'Esprit et des rôles respectifs de ceux-ci nous y engage. Dupuis va même plus loin que Rahner, à preuve : « une théorie de l'interprétation des traditions centrées sur l'Esprit peut, d'après Barnes, aider à résoudre le dilemme fidélité-ouverture. Au lieu de se demander comment les autres religions sont liées au Christ et soulever l'inévitable énigme de sa présence « latente », « inconnue » ou « cachée », nous considérons la façon dont l'Esprit du Christ est actif, dans toutes les religions en révélant le mystère du Christ - le mystère de ce que le Christ fait dans le monde. »120(*)

La christologie trinitaire permet de réconcilier l'évènement particulier et l'insistance pluraliste sur l'action universaliste de Dieu dans l'histoire. Effectivement dans ce modèle pneumato-christologique trinitaire, le pôle d' « Un Dieu » traduit la vie immanente de la divine Trinité comme communion absolue d'amour. « La diversité et la communion des personnes dans la Divinité offrant la clé appropriée (...) pour comprendre la multiplicité des manifestations que Dieu fait de lui-même, étroitement liées entre elles dans le monde et dans l'histoire. »121(*) Le pôle d' « Un Christ » se rapporte à l'évènement-Christ sans aucun réductionnisme logocentriste d'une part, et d'une jésuologie d'autre part.

Il n'est pas inutile de rappeler que dans le contexte de cette pensée, le pluralisme non seulement de fait, mais aussi de droit est l'expression d'une pluralité de manifestations divines intérieures au dessein de Dieu.

La CDF a émis quelques réserves quant à cette approche de Dupuis. Elle a demandé au jésuite belge d'adjoindre une notification à son livre Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux. Cette notification rappelle huit principes pertinents de théologie - dont quatre portent spécifiquement sur le Christ - en raison des « formulations ambiguës et des explications insuffisantes de différents passages de son livre »122(*), dans le but de « réfuter les opinions erronées et dangereuses auxquelles le lecteur pourrait être conduit. »123(*). Les remarques au sujet des affirmations christologiques rappellent l'unicité de la médiation salvifique universelle du Christ, la non séparation du Verbe et de Jésus et de leurs actions respectives, le caractère complet et définitif de la révélation en Jésus-Christ et enfin l'accomplissement dans le Christ des semences de vérités présentes dans les autres religions.

Claude Geffré avait déjà, quelques années auparavant, souligné à sa manière ces insuffisances de la christologie de Dupuis. En effet, d'après lui, l'insistance de la christologie trinitaire sur l'action conjointe du Verbe et de l'Esprit au-delà des frontières de l'Eglise trahit chez l'auteur une attention insuffisante au paradoxe de cet universel concret qui est le Christ Jésus. Pour Geffré, l'Esprit à l'oeuvre en dehors de l'Eglise est l'Esprit du Christ mort et ressuscité. Raison pour laquelle, il faut maintenir le plus possible que c'est au sein même de la particularité du Christ indissociable de Jésus de Nazareth qu'il faut vérifier cette universalité du Verbe. Ainsi, n'a-t-on pas besoin de corriger la particularité du Verbe incarné en faisant appel à la capacité d'universalisation de l'Esprit : « Là, dit-il, je trouve que la christologie trinitaire, telle que la comprend le Père Dupuis, risque non pas de nier l'unicité de la médiation du Christ, mais, en un certains sens, de compenser la particularité du Christ comme Verbe incarné par la capacité d'universalisation de l'Esprit. »124(*)

* 102 Redemptoris Missio, n° 6.

* 103 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 219.

* 104 Ibidem, p. 225.

* 105 Ibidem, p. 226-227.

* 106 Ibidem, p. 243.

* 107 Ibidem, p. 242.

* 108 DUPUIS Jacques, Jésus Christ à la rencontre des religions, Op.Cit., p. 13.

* 109 Ibidem., p. 246-247.

* 110 Ibidem, p. 247.

* 111 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 289.

* 112 Ibidem.

* 113 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op. Cit., p. 259.

* 114 Ibidem, p. 259.

* 115 Ibidem.

* 116 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p.317.

* 117 Ibidem, p. 313.

* 118 Ibidem, p. 314.

* 119 SESBOUE Bernard, Jésus-Christ dans la tradition de l'Eglise, coll. « Jésus et Jésus-Christ », n°17, Desclée, Paris, 1982, p. 217.

* 120 BARNES M. , Christian Identity and religious pluralism. Religions in Conversation, Abingdon Press, Nashville, 1989, pp.135-159 cité par DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 317.

* 121 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 317.

* 122 CDF, Notification sur le livre du père J. Dupuis, sj, « Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux » dans http://www.vatican.va/roman_curia/congregations /cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20010124_dupuis_fr.html

* 123 Ibidem

* 124 GEFFRE Claude, Profession théologien, Op.Cit., p. 206.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway