2. Les méthodes d'utilisation des déficits du
holding
Il est fréquent que le holding d'acquisition soit
structurellement déficitaire. En effet, il supporte les charges
financières issues du remboursement de la dette d'acquisition et sa
seule source de revenu est constituée par les dividendes de la cible.
Ainsi, si ces dividendes sont inférieurs aux intérêts
d'emprunt, un déficit fiscal sera constaté chez le holding. La
société cible va donc chercher à utiliser ce
déficit fiscal afin de réduire son imposition.
La méthode la plus évidente est de pouvoir
consolider le résultat de la cible avec celui du holding grâce au
régime de l'intégration fiscale.
a) L'intégration fiscale
Le régime de l'intégration fiscale permet
à une société mère de se constituer seule redevable
de l'impôt sur la société à raison du
résultat d'ensemble réalisé par le groupe qu'elle
constitue avec les sociétés dont elle détient plus de 95%
du capital. Le résultat d'ensemble est alors constitué par la
somme algébrique des résultats des sociétés du
groupe, sous réserve d'effectuer quelques rectifications.
Ce mécanisme permet donc de diminuer les
bénéfices de la cible des pertes du holding, ce qui permet de
pallier le problème que constitue l'existence d'un déficit fiscal
au niveau du holding et l'existence d'un résultat imposable chez la
cible. Dans cette configuration, le coût
de l'endettement se trouve en partie supporté par l'IS,
dont l'assiette sera diminuée du montant des intérêts
liés à la dette d'acquisition. L'Etat supporte ainsi un tiers du
coût de cette dette. Il s'agit d'une forme de levier fiscal.
Cependant le bénéfice du régime de
l'intégration fiscale est limité du fait des dispositions de
l'article 223 B du CGI, ou « amendement Charasse » qui est un
dispositif anti-abus qui vise à empêcher la création d'un
effet de levier artificiel par la réalisation d'une acquisition à
soimême.
Il résulte de cet article que lorsqu'une
société (holding) a acheté les titres d'une autre
société (la société cible), et que ces deux
sociétés forment un groupe fiscalement intégré,
dès lors que ces titres ont été achetés à
des personnes qui contrôlent ce holding au sens de l'article L 233-3 du
Code de Commerce, les charges fiscales liées à la dite
acquisition seront réintégrées dans le résultat
d'ensemble du groupe au cours de l'exercice au cours duquel les titres ont
été acquis et des huit exercices suivants.
Au sens de l'article L233-3 du code de commerce, dans le cadre
d'un OBO, il peut y avoir un « contrôle » dans cinq cas de
figure :
- Lorsque le chef d'entreprise détient de
manière directe ou indirecte une fraction du capital social du holding
qui lui confère la majorité des droits de vote dans les
assemblées générales de cette société.
- Lorsqu'il dispose seul de la majorité des droits de vote
dans ladite société et ce en vertu d'un accord conclu avec
d'autres actionnaires.
- Lorsqu'il dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer
la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de
surveillance de cette société. (lorsque par exemple des actions
de préférence lui attribuent ce droit ou lorsque les statuts
d'une SAS le permettent).
- Lorsqu'il détermine en fait les décisions dans
les assemblées générale du holding. Il s'agit de
l'hypothèse d'un contrôle de fait même si le dirigeant n'a
pas la majorité des droit de vote (ex : détention de 40 % des
droits de vote et aucun autre actionnaire ne détient une fraction
supérieure.
- Lorsqu'il agit de concert avec un autre actionnaire et qu'ils
détiennent ensemble le contrôle du holding
Par ailleurs, le montant des charges financières à
réintégrer se calcule comme suit :
Montant à réintégrer = CF x (prix
d'acquisition des titres / moyenne des dettes du groupe) CF : Charges
financières déduites pour la détermination du
résultat d'ensemble.
De plus, l'instruction n° 4 H-6623 précise que le
prix d'acquisition peut être réduit du montant des fonds
apportés à la société cessionnaire lors d'une
augmentation de capital réalisée simultanément à
l'achat des titres.
En conséquence, dans un OBO -Transmission tel que nous
l'avons décrit, l'intégration fiscale semble tout à fait
possible et ne pourra pas être affectée par l'obstacle de «
l'amendement Charasse ».
En effet, le chef d'entreprise n'a pas vocation à
contrôler le holding d'acquisition au sens de l'article L 233-3 du code
de commerce. En effet, il est amené à détenir une
participation minoritaire afin de permettre au repreneur d'assurer la gestion
de l'entreprise. De plus, si ce dernier contrôle le holding, il reste
tout à fait possible de limiter les effets de la
réintégration des charges financières. En effet, comme
nous l'avons indiqué, le holding d'acquisition va faire l'objet
d'augmentations en capital par apport en numéraire du fonds
d'investissement et par apport en nature des titres de la cible par le chef
d'entreprise et par son successeur. Ainsi, dans la mesure ou ces deux
augmentations de capital sont au moins égales aux prix d'acquisition des
titres que le chef d'entreprise a vendus au holding, en application de
l'instruction précitée, la réintégration de charges
financières sera nulle ou très faible.
Si toutefois la réintégration reste importante
(du fait du poids important de la dette d'acquisition par rapport aux
augmentations de capital), ou si les conditions pour procéder à
l'intégration fiscale du holding ne sont pas réunies, il reste
toujours possible d'utiliser le régime mère fille.
b) Le régime mère
fille
Le régime des sociétés mères se
caractérise par l'exonération des dividendes perçus en
provenance des filiales, sous réserve d'une quote-part de frais et
charges à réintégrer.
En application de l'article 216 du CGI, les produits nets des
participations ouvrant droit à l'application du régime des
sociétés mères et visés à l'article 145,
touchés au cours d'un exercice par une société
mère, sont retranchés du bénéfice net total de
celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges.
Cette quote-part de frais et charges est fixée à
5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris.
Elle ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition,
le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la
société mère au cours de la même période.
Selon l'article 145 du CGI, le régime fiscal des
sociétés mères, tel qu'il est défini à
l'article 216 du même Code, est applicable, sur option, aux
sociétés soumises à l'impôt sur les
sociétés au taux normal qui détiennent des participations
satisfaisant aux conditions suivantes:
- les titres de participation doivent revêtir la forme
nominative ou être déposés dans un établissement
agréé par l'administration
- les titres détenus doivent représenter au
moins 5 % du capital de la société émettrice (ce seuil
s'appréciant à la date de mise en paiement des produits de la
participation).
- les titres détenus doivent en principe être
assortis du droit de vote.
- les titres doivent être conservés pendant au
moins deux ans. Le régime des sociétés mères peut
s'appliquer dès le premier exercice de détention des titres, sans
attendre que le délai de deux ans soit révolu.
Si ce régime présente l'avantage de ne pas
entraîner de double imposition des dividendes, il ne permet pas en
revanche de compensation des pertes du holding et de la cible. A ce titre, cela
ne rétablit pas le « levier fiscal » recherché par
l'intégration fiscale ; à savoir la prise en charge d'une partie
de la dette d'acquisition par l'économie d'impôt
réalisée.
En revanche, ce régime peut être combiné avec
la création d'une activité bénéficiaire au sein du
holding par la facturation de « management fees »
c) La création d'une activité
bénéficiaire au sein du holding
par la facturation de « management fees
»
Le but poursuivi étant de compenser les frais financiers
avec les bénéfices au niveau du holding, développer une
activité propre au sein de ce dernier peut permettre d'y parvenir.
Concrètement, le holding n'étant pas
appelé à devenir lui-même une société
industrielle ou commerciale distincte, la solution consiste en
général à faire facturer à la cible des
prestations.
Celles-ci constitueront des produits pour le holding, avec
lesquels elle pourra compenser ses frais financiers. Au niveau de la cible, ces
prestations constitueront des charges, qui diminueront d'autant le
résultat imposable.
On utilise souvent des managements fees dans ce cadre, une
rémunération de prestations administratives, comptables ou
juridiques est aussi envisageable. Evidemment, l'administration sera
très attentive au niveau de rémunération de ces
différentes prestations. Si celui-ci est trop élevé, ou
correspond exactement au montant des intérêts de la dette
d'acquisition, leur réintégration est à craindre.
En effet, avant la reprise, la cible fonctionnait sans les
prestations servies par le holding qui donnent lieu aux dites facturations.
Dès lors, il convient d'être circonspect à propos de ces
ponctions financières organisées par le repreneur, dès la
reprise faite qui viennent s'ajouter à celles résultant des
distributions de dividendes.
Dans le cas de montant clairement excessif des prestations en
question, le Conseil d'Etat considère que l'on est en présence
d'un acte anormal de gestion. La conséquence en est le refus de la
déductibilité des charges par l'administration fiscale.
Par ailleurs, ces prestations devront être
facturées avec une marge raisonnable, car il y a lieu de tenir compte
à la fois de l'intérêt social de la cible mais aussi de
celui du holding. Cela devra logiquement conduire le successeur, (et/ou le chef
d'entreprise le cas échéant), à percevoir sa
rémunération de la part du holding et non plus de la cible.
Cette solution, pour intéressante qu'elle puisse
être, ne représente en définitive qu'une alternative
limitée, puisqu'une congruence parfaite entre le montant de ces
prestations et celui des frais financiers est irréaliste. Elle ne pourra
donc être utilisée que dans une mesure limitée.
Néanmoins, même si elle ne procure les mêmes effets que
l'intégration fiscale, elle permet au holding d'acquérir le
statut d'holding animatrice.
En effet, selon la doctrine administrative, sont
considérées comme des holdings animatrices les
sociétés qui participent activement à la conduite de la
politique et au contrôle des filiales et rendent, le cas
échéant et à titre purement interne au groupe, des
services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers
ou immobiliers.
Il résulte de, quelques décisions de
jurisprudence récentes qu'il faut que la société
holding définisse la politique d'ensemble du groupe et que les
décisions stratégiques (investissements,
désinvestissements, prises ou cessions de
participation, recrutements ou licenciements des cadres dirigeants des filiales
ou sous-filiales, recours à des emprunts importants, etc.) soient prises
au niveau de la société holding. Pour cela, il faut que la
société holding dispose de la personne ou des personnes
compétentes.
Ainsi, les décideurs du groupe doivent être
mandataires sociaux ou cadres salariés de la société
holding.
Au regard du holding lui-même, ce statut de
société holding animatrice est intéressant en
matière de la TVA.
En effet, une holding qui aurait pour objet exclusif la
gestion d'un portefeuille de titres de participation (et qui perçoit
uniquement des dividendes) ne dispose pas de la qualité d'assujetti
à la TVA. La qualité d'assujetti à la TVA dépend de
l'exercice d'activités économiques au sens de l'article 9
paragraphe 1 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système
commun de la TVA qui définit un assujetti comme quiconque exerce, d'une
façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une
activité économique.
Dans ce cadre, la simple acquisition et la simple
détention de titres de participation ne doivent pas être
considérées comme une activité économique
conférant à leur auteur la qualité d'assujetti. En effet,
la prise de participations financières dans d'autres entreprises ne
constitue pas une exploitation d'un bien visant à produire des recettes
ayant un caractère de permanence parce que l'éventuel dividende,
fruit de cette participation, résulte de la simple
propriété du bien.
Cependant, selon la Cour de justice, l'immixtion d'un holding
dans la gestion, des sociétés dans lesquelles il a pris des
participations constitue une activité économique dans la mesure
où elle implique la mise en oeuvre de transactions soumises à la
TVA, telles que la fourniture de services administratifs, financiers,
commerciaux et techniques par le holding à ses filiales (CJCE 14
novembre 2000, Floridienne SA, Berginvest).
Dès lors, le holding qui rend des prestations de
services à titre onéreux aux entreprises dans lesquelles il a
pris des participations possède, en conséquence, la
qualité d'assujetti à la TVA.
En conséquence seront imposables à la TVA
notamment les prestations de management ou les prestations de mise à
disposition de personnel rendues à titre onéreux par le holding
au taux de 19,6%.
En revanche, la perception de dividendes, n'entre pas dans le
champ d'application de la TVA.
Dès lors, le droit à déduction du holding
sera de 100% dans la mesure où il ne perçoit que des dividendes
et que ceux-ci ne sont pas pris en compte dans le calcul du prorata de
déduction. En effet selon l'article 212 de l'annexe Il au CGI le droit
à déduction auquel peut prétendre un holding
réalisant des opérations dans le champ de la TVA (ex : management
fees) et hors champ de la TVA (ex : dividendes) sur ses dépenses (ex :
frais d'avocat, frais de conseil etc....) est directement affecté par la
perception de produits financiers non imposables à la TVA dont le
montant doit être inscrit au dénominateur du prorata.
En effet, ce prorata est égal au montant de la taxe
déductible obtenu, multiplié par le rapport existant entre:
- au numérateur, le montant total annuel du chiffre
d'affaires, TVA exclue, afférent aux opérations ouvrant droit
à déduction, y compris les subventions directement liées
au prix de ces opérations;
- au dénominateur, le montant total annuel du chiffre
d'affaires, TVA exclue, afférent aux opérations figurant au
numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit
à déduction.
Les sommes à inscrire au numérateur sont celles
afférentes au chiffre d'affaires annuel qui résulte des
opérations ouvrant droit à déduction à savoir les
opérations effectivement soumises à la TVA, telles que les
prestations de management par exemple.
Les sommes qui sont notamment à exclure du
dénominateur sont les produits financiers qui n'entrent pas dans le
champ d'application de la TVA (telles que les dividendes) comme le confirme une
décision de la CJCE du 22 juin 1993 « SA Satam ».
Les règles exposées précédemment
présentent un intérêt notable puisqu'au moment de
l'acquisition, la TVA grève l'ensemble de prestations fournis par les
banques conseils, les auditeurs, juristes, avocats, experts... La
possibilité de déduire l'ensemble de la TVA diminue d'autant le
coût réel desdites prestations.
Par ailleurs, en cas d'intégration fiscale du holding
et de la cible, la facturation de management fees sera également
appliquée. Bien qu'au cours de l'intégration des entités,
ces prestations réciproques seront neutralisées, elles
permettront au holding de bénéficier du statut de
société holding animatrice ce qui présente un avantage en
matière de TVA mais également
en matière d'ISF et de droits de donation. Nous traiterons
de l'intérêt de ce statut au regard de ces deux derniers
impôts dans la partie suivante.
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