CARTE DE LA PROVINCE DU SUD-KIVU AVEC SES PROVINCES
VOISINES ET LES ETATS FRONTALIERS A L'EST DE LA RD CONGO
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II.2. ENTREPRISES MINIERES AU SUD-KIVU
L'exploitation minière artisanale au Sud-Kivu, comme
dans le reste du pays, a commencé clandestinement dans les années
1970 avant que l'ordonnance-loi de 1982 (loi n° 82/039 du 5 novembre 1982)
n'en définisse le cadre légal. Elle s'est toutefois surtout
développée sur les ruines de la SOMINKI, liquidée en mars
1997.
Au fur et à mesure des cessations d'activité de
la société, d'anciens mineurs, n'ayant plus de contrat de travail
se sont lancés dans l'exploitation artisanale. Les centres
d'exploitation aurifère, en particulier Kamituga, sont rapidement
devenus des lieux d'une intense activité d'orpaillage. Ailleurs,
l'exploitation artisanale de cassitérite et de coltan a investi de
nombreux sites autrefois exploités ou simplement reconnus par la
SOMINKI. L'artisanat minier est donc largement une activité de
substitution, une activité de survie compensant la faillite du secteur
industriel.
L'activité minière au Kivu et en particulier au
Sud-Kivu, a longtemps été le monopole de la SOMINKI,
Société Minière du Kivu, née des fusions en 1976 de
plusieurs sociétés créées à l'époque
coloniale. Elle n'a pas résisté à la crise mondiale de
l'étain. L'exploitation artisanale, dont le développement est
synchrone du déclin de la SOMINKI, peut être
considéré comme une substitution informelle à l'entreprise
industrielle.
La cessation d'activité de la SOMINKI résulte
directement de l'effondrement des cours de l'étain en octobre 1985. Les
cours durablement déprimés de la cassitérite constituent
la cause structurelle fondamentale de la faillite de l'exploitation
industrielle au Kivu. Seul le secteur aurifère aurait permis à la
SOMINKI de maintenir une branche d'activité, mais les installations
industrielles ont été pillées par l'AFDL (Alliance des
Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre) de
Laurent Désiré KABILA en novembre 1996. Ce facteur conjoncturel a
donné le coup de grâce précipitant la fin de l'entreprise
minière.
La liquidation de la SOMINKI s'est effectuée dans une
grande confusion entretenue par la guerre et les incertitudes politiques. La
société disposait de 47 concessions, dont 6 aurifères :
Kamituga (3), Lugushwa, Namoya, Twangitza. Au total, les concessions couvraient
1 003 372 ha, soit environ 10 000 km2. La plupart devaient expirer entre 1998
et 2000 et cinq en 2014. Le capital en était partagé entre le
privé, majoritaire, (filiales du groupe Empain-Schneider) et l'Etat
(à hauteur de 28%).
En 1995, la holding canadienne BANRO s'est
déclarée intéressée par la reprise de la
société. Les négociations aboutirent courant 1996 à
un accord entre le repreneur et SOMINKI au terme duquel BANRO dont l'objectif
principal concerne l'exploitation de l'or procéda à la
création de la SAKIMA, Société Aurifère du Kivu et
du Maniema.
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La SOMINKI mise en liquidation, un décret du 6 mai 1997
autorisa la création de la nouvelle société - 10 jours
avant la chute de MOBUTU. Tout porte à penser que BANRO a cherché
à se débarrasser du fardeau que représentait le volet
étain de SOMINKI. L'avocat Mario Fiocchi, nommé administrateur de
SAKIMA et président du comité de liquidation de SOMINKI semble
s'y être employé, selon certaines sources, provoquant des
réactions hostiles de personnes dont les intérêts restaient
liés à SOMINKI. En octobre 1997 la SAKIMA céda en
amodiation la partie stanifère de l'ex-SOMINKI à une nouvelle
société, la RMA, Ressources Minérales Africaines, avec
pour gérant Victor Ngezayo, une figure bien connue à Goma dans le
Nord-Kivu.
Le président Laurent Désiré KABILA finit
par dénoncer l'attitude de BANRO : un décret du 29 juillet 1998,
soit quelques jours avant le déclenchement de la deuxième guerre,
dite de rectification, abrogea le décret du 6 mai 1997. Le même
jour, une nouvelle société était créée, la
SOMICO, Société des Mines du Congo, avec comme administrateur
délégué le Mwami de Luhwinja, Philémon NALUHWINDJA
MUKUBA, qui revendiquait des droits sur les terres qui lui appartiennent
coutumièrement.
Le 31 juillet 1998 BANRO était déchu de tous ses
titres miniers par l'Etat. BANRO a porté l'affaire devant une cour
internationale d'arbitrage à Washington, réclamant un milliard de
dollars de dommages... La guerre précitée avait naturellement
suspendu toute action mais, depuis les accords de paix, le Président
Joseph KABILA a cherché un arrangement à l'amiable : un
décret d'avril 2003 autorise BANRO à récupérer ses
concessions. La société n'a repris que les concessions
aurifères, laissant à l'Etat congolais la cassitérite. Le
20 novembre 2003, une cérémonie officielle à Bukavu
scellait l'ouverture des activités de BANRO.
Pourtant, les partisans de SOMINKI, en principe dissoute,
résistent. Du matériel de l'ancienne SOMINKI a été
pillé à l'automne 2003. A Twangitza, les notables (chefs de
terre) qui tirent un bénéfice illicite de l'exploitation de l'or
mobilisent les creuseurs pour s'opposer à l'arrivée de BANRO. La
situation politique détériorée du printemps 2004 n'est
naturellement pas propice à une normalisation. Cet imbroglio
politico-juridique rappelle que l'activité des creuseurs artisanaux ne
se déroule pas en terrain neutre. Elle s'inscrit dans un contexte de
rivalités d'intérêts qu'il n'est pas toujours facile de
démêler mais dont on ne saurait faire abstraction dans la
recherche d'améliorations aux conditions de production de la
filière artisanale minière.
La loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code Minier
et le décret n° 038 du 26 mars 2003 portant Réglement Minier
et fixant les modalités et les conditions d'application de la loi se
substitue au code minier de 1981. L'élaboration de ce nouveau code
minier se situe dans le contexte de reconstruction du pays enclenché
à partir de 2001, concomitamment au processus du dialogue
inter-congolais qui s'est conclu par les accords de Sun City de mars 2003. La
Banque mondiale et le FMI, après dix ans d'absence, ont rouvert des
bureaux à Kinshasa en 2001, initiative annonciatrice d'un engagement
important des institutions de Bretton Woods au Congo.
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La Banque mondiale et le PNUD ont activement collaboré
à partir de 2002 à l'élaboration du Document
Stratégique de Croissance et Réduction de la Pauvreté
(DSCRP). C'est dans le cadre du PMURR (Programme Multisectoriel d'Urgence de
Reconstruction et Réhabilitation) qui sert de cadre à la
Stratégie d'aide transitoire (2002&2005) de la Banque mondiale qu'a
été conduite la réforme du Code minier. Les experts de la
Banque mondiale ont joué un rôle décisif dans
l'élaboration du nouveau code qui en reflète les orientations
libérales assorties d'un souci de bonne gouvernance et de protection
environnementale.
Dans cet esprit, le rôle de l'Etat est minimisé.
La propriété de l'Etat sur les substances minérales est
certes rappelée, mais le code ajoute (tire I, chapitre II) : « Bien
qu'assumant la mise en valeur des substances minérales par l'appel
à l'initiative privée, l'Etat a essentiellement un rôle
limité à la promotion et à la régulation du secteur
minier »54. Par rapport à l'ordonnance-loi de 1981 qui
reprenait sans modification de fond celle de 1967 portant législation
sur les Mines et les Hydrocarbures, le code minier de 2002 se situe en retrait
sur le plan des obligations relatives au « développement national
» et à l'investissement social des entreprises en faveur des
communautés (école, hôpital, centre sportif etc.).
En revanche, la dimension environnementale fait son
entrée dans le nouveau Code Minier : « Toute opération
d'exploitation doit faire l'objet d'une Étude d'Impact Environnemental
du Projet et d'un Plan de Gestion Environnemental préalablement
établis et approuvés » 55(Art. 407 du
Règlement minier). Ces obligations répondent aux exigences de
protection de l'environnement et de développement durable
désormais portées par les institutions internationales. Il n'est
pas certain qu'elles soient applicables au Congo.
Et moins encore les stipulations du Code reportant sur les
nouveaux titulaires de permis miniers la responsabilité de
préjudices antérieurement commis : « en cas de mutation d'un
droit minier d'exploitation, la responsabilité des dommages provenant de
travaux antérieurs au transfert incombe solidairement à l'ancien
et au nouveau titulaire »56 (Art. 280). Une telle disposition,
si elle était appliquée, ne pourrait que dissuader les
investisseurs, dont on voit mal qu'ils acceptent d'assumer l'héritage
des dégâts environnementaux - d'autant que les anciens titulaires
seraient bien évidemment défaillants.
Les dispositions relatives à l'environnement
apparaissent trop peu réalistes pour qu'elles puissent être
appliquées. Plus généralement, le code
élaboré à l'instigation des institutions internationales
de financement en reflète la philosophie mais ne tient pas suffisamment
compte des spécificités de la RDC dans une situation post-conflit
à l'avenir encore incertain.
54 Loi n°007/2002 du 11
juilet 2002 portant Code Minier. In journal o~~iciel de la
Republique Democratique du Congo, 43eme Annee, Numero Special du 15
juillet 2002,
55 Reglement minier, Article 407.
56 Idem.
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Le Code Minier accorde toutefois une attention
particulière à l'activité minière artisanale sans
rien dire à propos de l'exploitation minière industrielle. Ce
Code, reconnaît ainsi l'importance de l'exploitation artisanale dans
l'économie nationale. Elle constitue une des trois catégories
d'exploitation reconnues par ce code :
a) Exploitation Artisanale : toute
activité par laquelle une personne physique de nationalité
congolaise se livre, dans une zone d'exploitation artisanale
délimitée en surface et en profondeur jusqu'à trente
mètres au maximum, à extraire et à concentrer des
substances minérales en utilisant des outils, des méthodes et des
procédés non industriels.
b) Exploitation Minière a Petite Echelle
: toute activité par laquelle une personne se livre
à une exploitation de petite taille et permanente, exigeant un minimum
d'installations fixes en utilisant des procédés semi-industriels
ou industriels, après la mise en évidence d'un gisement.
c) Exploitation des Rejets des Mines
: toute activité par laquelle un tiers, personne physique
ou morale, extrait d'un gisement artificiel des substances afin de les traiter
éventuellement et de les utiliser ou de les commercialiser.
En effet, la reconnaissance de la filière artisanale ne
date pas d'aujourd'hui. L'exploitation artisanale était apparue au
début des années 1970. Les mesures de « zaïrianisation
» de 1973 encouragèrent de facto des pratiques frauduleuses sur
lesquelles le pouvoir politique fermait les yeux car elles s'exerçaient
au détriment des sociétés d'origine coloniale et
étayaient la popularité du MPR (Mouvement Populaire de la
Révolution) et de Mobutu.
L'ordonnance-loi n° 82/039 du 5 novembre 1982,
amorça une régularisation légale de la filière et
autorisa l'ouverture de comptoirs d'achat pour les produits miniers. Il
était certes interdit aux artisans d'opérer dans les concessions
minières, mais, dans le cas du Kivu, la SOMINKI n'avait plus les moyens
de faire respecter cette interdiction car elle était en perte de vitesse
et avait abandonné un certain nombre de sites qui restaient en principe
couverts par des titres miniers.
En outre, les autorités administratives et les forces
de l'ordre trouvaient un intérêt personnel à
protéger une activité illicite. Une situation confuse continua
à régner jusqu'à ce que les pillages de 1996 donnent le
coup de grâce à la filière industrielle. L'exercice d'une
activité minière dans les trois catégories
distinguées par le code est soumis à autorisation et paiement
d'une taxe annuelle : Les cartes d'exploitant artisanal (ou creuseur) sont
délivrées par le Chef de Division Provinciale des Mines ; les
cartes de négociant sont délivrées par le Gouverneur de
Province ; l'agrément des comptoirs d'achat s'obtient auprès du
Ministre des Mines.
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L'application du code minier au Sud-Kivu commençait
à se heurter à des difficultés à cause du faible
taux de sa vulgarisation. La réunification modifie les règles et
lèse certains intérêts. L'exploitation artisanale de facto
de sites miniers situés sur d'anciennes concessions aurifères de
SOMINKI porte préjudice à la SAKIMA. L'incertitude politique au
Sud-Kivu à l'époque, prolonge la situation qui prévalait
pendant la rébellion en retardant l'installation de BANRO. La question
est de savoir si le retour à une sécurité durable suffira
à régler les conflits d'intérêt entre la
société détentrice des droits miniers et les orpailleurs.
Le désintérêt de BANRO pour le secteur stannifère
laisse en revanche le champ libre aux exploitants artisanaux.
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