CHAPITRE II:
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L'EXPLOITATION MINIERE AU SUD-KIVU
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II.1. HISTORIQUE ET SITUATION GEOGRAPHIQUE
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II.1.1. HISTORIQUE
Selon Patrick MARTINEAU46, les activités
minières ne sont pas récentes au Kivu en général et
au Sud-Kivu en particulier. Elles remontent aux années 1920 où or
et cassitérite (minerai d'étain) constituaient les principales
sources d'exploitation.
Selon cette même source, nous pouvons parler d'une
relative prospérité pour les locaux de l'époque.
Cependant, le contexte politique et social découlant des
événements survenus au lendemain de l'indépendance
politique-tels que l'assassinat de Patrice LUMUMBA et l'arrivée au
pouvoir de MOBUTU, remit en cause l'engagement de plusieurs entreprises.
L'auteur poursuit en concluant que c'est donc à cette
époque que plusieurs d'entre les entreprises quittèrent le navire
congolais jugeant le contexte trop houleux pour mener à terme des
activités rentables malgré cet océan de richesses
minières de cette région.
En fait ces divers troubles, une lente dégradation de
l'administration publique et une instabilité des cours mondiaux
gêneront considérablement le bon fonctionnement des pôles
miniers de cette région. Depuis, ce secteur d'activité est
caractérisé par une multitude de rebondissements parfois
tragiques, parfois suspects, dont plusieurs événements
mériteraient d'être soulignés ici. Mais, dans le
présent travail, nous nous limitons à quelques
éléments susceptibles de contribuer à une meilleure
compréhension de notre sujet.
En effet, le contrôle efficace du secteur minier a
échappé pendant longtemps à l'Etat. Cette situation avait
conduit à la mise en place d'abord d'un service public chargé
uniquement de l'inspection des mines. Ainsi, ce service donna un aperçu
sur le désordre qui régnait dans ce secteur d'activité.
46 Patrick MARTINEAU, Collaborateur de
GRAMA, La route commerciale du coltan Condolais : Une enquate,
universita de Quebec a Montreal (UQAM), 1er avril 2003, p18.
Il fallait créer un cadre susceptible de réunir
toutes les données relatives aux mines en guise des décisions
pouvant traduire l'expression d'une unité de production en vue d'une
continuité de directives. Il était donc normal d'envisager la
création d'un service public chargé du contrôle, du suivi,
de l'application des règles législatives et réglementaires
en la matière.
Ainsi, le Gouverneur Général signa l'ordonnance
n°412/A.E du 26 octobre 1940 portant inspection des mines et
édictant en son article premier que « sont chargés de
l'inspection des mines les ingénieurs relevant des services des affaires
économiques du gouvernement central, des provinces et du service du
Conseiller Technique Minier ».
Cette situation restera confuse jusqu'à la promulgation
de l'Arrêté Royal du 1er juillet 1947 portant
organisation administrative de la colonie aux termes duquel il sera
créé à la quatrième Direction
Générale des Affaires Economiques, Terres, Mines et
Géologie, une Direction des Mines47 avec un bureau
régional de Constermansville, l'actuelle ville de Bukavu à la
tête duquel un Ingénieur inspecteur chef de bureau.
En application de cet Arrêté Royal, le Gouverneur
Général prendra l'ordonnance n°299/Mines du 2 octobre 1947
portant inspection des mines qui stipulait en son article premier que : «
sont chargés de l'inspection des Mines, telle qu'elle est prévue
par l'article 145 du Décret du 24 septembre 1937, relatif à la
législation générale sur les Mines, les inspecteurs du
Service des Mines du Gouverneur Général »48.
C'est à partir de cet Arrêté Royal et de
son Ordonnance d'exécution qu'on parlera d'une Direction des Mines et
d'un Bureau Régional des Mines ayant en charge, l'inspection
minière. Le besoin technique apparaissait être une des raisons de
la nécessité de création d'un service chargé
uniquement de l'inspection des mines.
En effet, les différents services qui prirent les mines
en charge manifestèrent une incompétence devant les exigences du
domaine des recherches et exploitations minières. Seuls les
ingénieurs du Service des Mines apparaissaient capables
d'interpréter objectivement les rapports d'activités
minières à différentes étapes tant sur le plan
technique qu'économique ou administratif.
La Direction technique du nouveau Service était
placée sous la dépendance du Gouvernement Général,
tandis que les fonctionnaires, à l'échelon provincial,
étaient placés administrativement sous l'autorité du
Gouverneur de Province, d'autant plus que leurs attributions avaient leur champ
d'application en Province.
47 Bulletin Administratif, 1946,
p.1336.
48 'dem, p.2322.
Par ailleurs, l'Ordonnance n°221/SG du 1er
juillet 1947 portant organisation administrative de la Colonie définie
de façon explicite les attributions du Service de l'inspection des
mines49 que nous pouvons résumer comme suit :
- Inspection des travaux de recherches et d'exploitation aussi
bien pour la partie économique que pour la partie technique ;
- Contrôler les registres miniers tenus par l'exploitant
sur les chantiers ;
- Inspection des carrières et des usines de traitement des
minerais au double point de vue technique et économique ;
- Examen des réserves minières et tenues des
statistiques de production des mines, des carrières et des usines de
traitement de minerais ;
- Application de la législation sur les substances
inflammables et les matières explosives ;
- Mise à jour des plans des travaux et examen des litiges
résultant des exploitations illicites ;
- Avis sur tous les cas d'application de la législation
Minière, notamment à l'occasion de l'introduction d'une demande
de concession minière, de permis de recherches, d'exploitation ou de
traitement de minerais ainsi que d'une demande de renouvellement des titres
miniers ;
- Délivrance d'autorisation de disposer des produits de
recherches ;
- Avis à l'occasion de la procédure en
délivrance d'une concession minière, d'un permis de recherche ou
d'exploitation minière.
Dans son article, « Coltan : Pour comprendre.... »,
le père Didier de Failly, souligne que dans la configuration
minière industrielle héritée de la colonie, on indique que
l'activité industrielle minière au Kivu avait commencée en
192350, et a été développée par
plusieurs compagnies qui mirent en exploitation les meilleures concessions
qu'elles avaient pu repérer. Il ne s'agissait pas seulement d'ouvrir
mines et carrières, il fallait aussi tracer des routes dans les
forêts, mettre en place des barrages hydroélectriques, des lignes
électriques à haute tension, des transformateurs et des
réseaux de distribution de courant basse tension, installer des
systèmes de triage des minerais, des ateliers perfectionnés de
construction et de maintenance, gérer une flotte de transport
(véhicules tout-terrain, camions, et même avions).
L'auteur poursuit en disant que tout cela supposait aussi
l'érection de cités ouvrières avec leurs cantines, d'un
réseau de dispensaires et d'hôpitaux, d'écoles (y compris
des écoles techniques de bon niveau), la participation à
l'érection de grands élevages bovins51... Comme ces
contrées forestières étaient traditionnellement peu
peuplées, il fallut même faire venir d'ailleurs des travailleurs,
des techniciens, des
49 Idem, P.1543.
50 Pore DIDIER de Faily
S.J, c Cotten : Pour comprendre.... 1),
51 Op. cit.
employés, du personnel médical et enseignant,
etc., ce qui a conduit à un certain brassage ethnique52. Tout
ce monde gravitait autour d'une série de centres miniers très
actifs, qui produisaient or et cassitérite (minerai d'étain), et
répandaient autour d'eux une réelle prospérité et
une sécurité certaine. Il y avait aussi de nombreux effets
induits sur les productions agricoles autour de ces centres miniers, grands
comme la ferme "Elite" (27.000 Ha) en plein milieu des hauts plateaux d'Uvira
(1955&1964). La MGL échangeait ainsi du personnel entre ses
sièges du Nord (Butembo, en pays Nande) et du Sud (Kamituga, en pays
Rega). Il faut toutefois noter que par sa nature même, l'activité
minière a tendance à se déplacer »
Le Père, souligne également que les gisements ne
sont pas renouvelables, contrairement aux productions agricoles qui, elles,
sont renouvelables. Les gisements minéraux sont exploités
jusqu'à épuisement tandis que les récoltes sont
renouvelées, régulièrement sur le même sol. Les
conséquences en sont que l'exploration minière et le
développement de nouvelles mines doivent se poursuivre continuellement
de façon à satisfaire la demande, mais aussi que les villes et
communautés basées sur la mine doivent se diversifier si elles
souhaitent ne pas disparaître à la fermeture de la mine. Ces
entreprises ont véritablement marqué les paysages physiques et
sociaux et modelé une société et même une culture:
le Kivu connaissait l'équivalent des "mangeurs de cuivre" de la
Copperbelt.
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11.1.2. SITUATION GEOGRAPHIQUE53 11.1.2.1.
Localisatio
La province du Sud-Kivu a une superficie de 69.130 km2 est
situé à l'Est de la République Démocratique du
Congo, approximativement entre 1° 36' de latitude sud et 5° de
latitude sud d'une part et 26° 47' de longitude Est et 29° 20' de
longitude Est d'autre part.
La province est limitée à l'Est par la
République du Rwanda dont elle est séparée par la
rivière Ruzizi et lac Kivu, le Burundi, la Tanzanie,
séparés du Sud-Kivu par le lac Tanganyika.
o Au Sud-Est, on a la province du Katanga
o Au sud, à l'Ouest et au Nord-Ouest la province du
Maniema
o Au Nord, la province du Nord-Kivu
11.1.2. 2. Relief
La frontière orientale du Sud-Kivu correspond au Rift
Valley Occidental, dans ce fossé d'effondrement logent les lacs Kivu et
Tanganyika.
Quant aux terrains qu'on y trouve, ils peuvent être
groupés en deux ensembles principaux : les terrains volcaniques,
auxquels il faut ajouter un troisième ensemble : les terrains de
couverture que l'on trouve au fond des lacs Kivu, Tanganyika, ainsi que dans la
plaine de la Ruzizi.
Le socle réunit tous les terrains antérieurs au
carbonifère moyen et couvre pratiquement tout l'Ouest et le centre de la
province, plus de 70% de l'étendue de la province. Ces terrains anciens
sont riches en minerais : de cassitérite, l'or, le colombo-tantalite, le
wolframite etc. minerais exploités depuis la période coloniale
jusqu'à nos jours. Les environs de la ville de Bukavu sont des
régions volcaniques où l'on rencontre des roches basaltiques,
voire des laves anciennes vers INERA MULUNGU d'ailleurs le Mont Kahuzi est un
volcan éteint.
Quant au relief, il est très varié. L'Est
montagneux s'oppose au centre et à l'Ouest de la province où l'on
rencontre respectivement des hauts plateaux et des bas plateaux. Cette
diversité physique est l'origine de l'appellation du Kivu montagneux
à l'Est et qui diffère des contrées occidentales moins
élevées. Le haut relief de l'Est sans doute la prolongation de la
chaîne de Mitumba excédent parfois 3.000 mètres d'altitude.
Toutefois, un bas relief s'observe dans la plaine de la Ruzizi depuis Uvira
jusqu'à Kamanyola.
53 Ciree de la monographie de la Province
du Sud-Kivu (Draft 4), Ministere du Plan, Kinshasa, mars 2005,10 e12.
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11.1.2.3. Climat et végétatio
Les facteurs principaux qui déterminent les climats du
Sud Kivu sont la latitude et l'altitude. Le Kivu montagneux,
c'est-à-dire l'Est de la Province jouit d'un climat de montagne aux
températures douces où la saison sèche dure 3 à 4
mois de juin à septembre. A titre d'exemple Bukavu et Goma connaissent
une température moyenne annuelle de 19° C, quant aux hauts plateaux
de Minembwe, Mulenge, Kalonge et les montagnes de Kahuzi Biega sont encore plus
frais. Dans ces contrées poussent une végétation
montagneuse étagée et à prédominance herbeuse.
Par contre, le centre et surtout du Sud Kivu, en particulier
les territoires de Shabunda et celui de Mwenga connaissent un climat
équatorial, domaine de la forêt dense équatoriale, car il y
pleut abondamment et presque toute l'année.
Cependant la plaine de la Ruzizi connaît un micro-climat
tropical à tendance sèche et où les pluies sont quelques
peu faibles (plus ou moins 1000 mm/an), la végétation
étant une savane herbeuse à épines parsemée des
cactus cierges. C'est ainsi que la riche flore du Sud Kivu héberge l'un
de meilleurs parcs du monde, celui de Kahuzi Biega où l'on rencontre les
gorilles de montagne et une luxuriante forêt des bambous.
11.1.2.4. Hydrographie
Elle est abondante. On y rencontre deux lacs de montagne : le
Lac Kivu (1.470 m). Il est le plus profond de l'Afrique et le
2ème du monde après le Lac Baïkal (1.741 m) et le
lac Tanganyika (773 m) et qui sont reliés par la rivière Ruzizi.
Le lac Tanganyika est très poissonneux. Quant au Lac Kivu, il est
très peu poissonneux suite à la présence des gaz
carboniques et méthane.
Les cours d'eau du Sud-Kivu appartiennent au bassin
hydrographique du fleuve congo. La plupart de ces cours d'eau prennent leur
source dans les montagnes de l'Est et coulent pour la plupart vers l'Ouest
où ils débouchent dans le fleuve Lualaba, d'autres se jettent
dans les lacs.
11.1.2.5.Pluviométrie
Les territoires de Kabare, Walungu, Kalehe, Idjwi et la Ville
de Bukavu connaissent deux saisons : la saison sèche qui dure 3 mois de
juin à septembre et la saison de pluie qui dure 9 mois. La saison
sèche connaît une température élevée et une
rareté de pluies durant toute cette période. C'est à ce
moment qu'on cultive les endroits marécageux.
La saison de pluie connaît une forte
précipitation mais ce dernier temps avec l'abattage
désordonné des arbres, la destruction de l'environnement et la
surpopulation fait que la pluie devient de plus en plus rare.
Dans les territoires forestiers comme Fizi, Mwenga et Shabunda
situé à l'entrée de la forêt équatoriale, il
pleut abondamment toute l'année. Quant au territoire d'Uvira à
part les hauts plateaux, la pluie commence à s'y faire aussi rare et la
température augmente de plus en plus à cause de la concentration
de la population entraînant la destruction de l'environnement.
11.1.2.6. Le sol et richesses mi
nières
A Kabare, Idjwi et Walungu, le sol est argileux et de plus en
plus pauvre à cause des érosions et de la surpopulation. C'est
ainsi qu'il y a beaucoup de conflits de terre dans ce territoire et
l'élevage diminue sensiblement par manque de pâturage. A Idjwi le
sol est encore riche pour l'agriculture mais le problème de
surpopulation rend de plus en plus les espaces cultivables rares, le sol y est
aussi argileux. A Kalehe, il y a aussi un sol argileux et riche à cause
surtout de sa proximité avec la forêt. On y rencontre quelques
gisements d'or.
Les territoires de Shabunda, Mwenga et Fizi ont un sol
sablonneux très riche pour l'agriculture et contenant d'importantes
richesses minières (or, cassitérites, coltan,...). Le territoire
d'Uvira a aussi un sol sablonneux favorable à la culture du riz et du
coltan. Ses hauts plateaux avec son climat très doux sont plutôt
favorables à l'élevage.
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