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Exploitation minière au Sud-Kivu: de la responsabilité des entreprises et de l'etat

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par Frank MAYUNDO MUYUMBA
Université du CEPROMAD Bukavu/Sud-Kivu/RD Congo - Licence en Management et Sciences Economiques  2006
  

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CHAPITRE II:

 

L'EXPLOITATION MINIERE AU SUD-KIVU

II.1. HISTORIQUE ET SITUATION GEOGRAPHIQUE

4

II.1.1. HISTORIQUE

Selon Patrick MARTINEAU46, les activités minières ne sont pas récentes au Kivu en général et au Sud-Kivu en particulier. Elles remontent aux années 1920 où or et cassitérite (minerai d'étain) constituaient les principales sources d'exploitation.

Selon cette même source, nous pouvons parler d'une relative prospérité pour les locaux de l'époque. Cependant, le contexte politique et social découlant des événements survenus au lendemain de l'indépendance politique-tels que l'assassinat de Patrice LUMUMBA et l'arrivée au pouvoir de MOBUTU, remit en cause l'engagement de plusieurs entreprises.

L'auteur poursuit en concluant que c'est donc à cette époque que plusieurs d'entre les entreprises quittèrent le navire congolais jugeant le contexte trop houleux pour mener à terme des activités rentables malgré cet océan de richesses minières de cette région.

En fait ces divers troubles, une lente dégradation de l'administration publique et une instabilité des cours mondiaux gêneront considérablement le bon fonctionnement des pôles miniers de cette région. Depuis, ce secteur d'activité est caractérisé par une multitude de rebondissements parfois tragiques, parfois suspects, dont plusieurs événements mériteraient d'être soulignés ici. Mais, dans le présent travail, nous nous limitons à quelques éléments susceptibles de contribuer à une meilleure compréhension de notre sujet.

En effet, le contrôle efficace du secteur minier a échappé pendant longtemps à l'Etat. Cette situation avait conduit à la mise en place d'abord d'un service public chargé uniquement de l'inspection des mines. Ainsi, ce service donna un aperçu sur le désordre qui régnait dans ce secteur d'activité.

46 Patrick MARTINEAU, Collaborateur de GRAMA, La route commerciale du coltan Condolais : Une enquate, universita de Quebec a Montreal (UQAM), 1er avril 2003, p18.

Il fallait créer un cadre susceptible de réunir toutes les données relatives aux mines en guise des décisions pouvant traduire l'expression d'une unité de production en vue d'une continuité de directives. Il était donc normal d'envisager la création d'un service public chargé du contrôle, du suivi, de l'application des règles législatives et réglementaires en la matière.

Ainsi, le Gouverneur Général signa l'ordonnance n°412/A.E du 26 octobre 1940 portant inspection des mines et édictant en son article premier que « sont chargés de l'inspection des mines les ingénieurs relevant des services des affaires économiques du gouvernement central, des provinces et du service du Conseiller Technique Minier ».

Cette situation restera confuse jusqu'à la promulgation de l'Arrêté Royal du 1er juillet 1947 portant organisation administrative de la colonie aux termes duquel il sera créé à la quatrième Direction Générale des Affaires Economiques, Terres, Mines et Géologie, une Direction des Mines47 avec un bureau régional de Constermansville, l'actuelle ville de Bukavu à la tête duquel un Ingénieur inspecteur chef de bureau.

En application de cet Arrêté Royal, le Gouverneur Général prendra l'ordonnance n°299/Mines du 2 octobre 1947 portant inspection des mines qui stipulait en son article premier que : « sont chargés de l'inspection des Mines, telle qu'elle est prévue par l'article 145 du Décret du 24 septembre 1937, relatif à la législation générale sur les Mines, les inspecteurs du Service des Mines du Gouverneur Général »48.

C'est à partir de cet Arrêté Royal et de son Ordonnance d'exécution qu'on parlera d'une Direction des Mines et d'un Bureau Régional des Mines ayant en charge, l'inspection minière. Le besoin technique apparaissait être une des raisons de la nécessité de création d'un service chargé uniquement de l'inspection des mines.

En effet, les différents services qui prirent les mines en charge manifestèrent une incompétence devant les exigences du domaine des recherches et exploitations minières. Seuls les ingénieurs du Service des Mines apparaissaient capables d'interpréter objectivement les rapports d'activités minières à différentes étapes tant sur le plan technique qu'économique ou administratif.

La Direction technique du nouveau Service était placée sous la dépendance du Gouvernement Général, tandis que les fonctionnaires, à l'échelon provincial, étaient placés administrativement sous l'autorité du Gouverneur de Province, d'autant plus que leurs attributions avaient leur champ d'application en Province.

47 Bulletin Administratif, 1946, p.1336.

48 'dem, p.2322.

Par ailleurs, l'Ordonnance n°221/SG du 1er juillet 1947 portant organisation administrative de la Colonie définie de façon explicite les attributions du Service de l'inspection des mines49 que nous pouvons résumer comme suit :

- Inspection des travaux de recherches et d'exploitation aussi bien pour la partie économique que pour la partie technique ;

- Contrôler les registres miniers tenus par l'exploitant sur les chantiers ;

- Inspection des carrières et des usines de traitement des minerais au double point de vue technique et économique ;

- Examen des réserves minières et tenues des statistiques de production des mines, des carrières et des usines de traitement de minerais ;

- Application de la législation sur les substances inflammables et les matières explosives ;

- Mise à jour des plans des travaux et examen des litiges résultant des exploitations illicites ;

- Avis sur tous les cas d'application de la législation Minière, notamment à l'occasion de l'introduction d'une demande de concession minière, de permis de recherches, d'exploitation ou de traitement de minerais ainsi que d'une demande de renouvellement des titres miniers ;

- Délivrance d'autorisation de disposer des produits de recherches ;

- Avis à l'occasion de la procédure en délivrance d'une concession minière, d'un permis de recherche ou d'exploitation minière.

Dans son article, « Coltan : Pour comprendre.... », le père Didier de Failly, souligne que dans la configuration minière industrielle héritée de la colonie, on indique que l'activité industrielle minière au Kivu avait commencée en 192350, et a été développée par plusieurs compagnies qui mirent en exploitation les meilleures concessions qu'elles avaient pu repérer. Il ne s'agissait pas seulement d'ouvrir mines et carrières, il fallait aussi tracer des routes dans les forêts, mettre en place des barrages hydroélectriques, des lignes électriques à haute tension, des transformateurs et des réseaux de distribution de courant basse tension, installer des systèmes de triage des minerais, des ateliers perfectionnés de construction et de maintenance, gérer une flotte de transport (véhicules tout-terrain, camions, et même avions).

L'auteur poursuit en disant que tout cela supposait aussi l'érection de cités ouvrières avec leurs cantines, d'un réseau de dispensaires et d'hôpitaux, d'écoles (y compris des écoles techniques de bon niveau), la participation à l'érection de grands élevages bovins51... Comme ces contrées forestières étaient traditionnellement peu peuplées, il fallut même faire venir d'ailleurs des travailleurs, des techniciens, des

49 Idem, P.1543.

50 Pore DIDIER de Faily S.J, c Cotten : Pour comprendre.... 1),

51 Op. cit.

employés, du personnel médical et enseignant, etc., ce qui a conduit à un certain brassage ethnique52. Tout ce monde gravitait autour d'une série de centres miniers très actifs, qui produisaient or et cassitérite (minerai d'étain), et répandaient autour d'eux une réelle prospérité et une sécurité certaine. Il y avait aussi de nombreux effets induits sur les productions agricoles autour de ces centres miniers, grands comme la ferme "Elite" (27.000 Ha) en plein milieu des hauts plateaux d'Uvira (1955&1964). La MGL échangeait ainsi du personnel entre ses sièges du Nord (Butembo, en pays Nande) et du Sud (Kamituga, en pays Rega). Il faut toutefois noter que par sa nature même, l'activité minière a tendance à se déplacer »

Le Père, souligne également que les gisements ne sont pas renouvelables, contrairement aux productions agricoles qui, elles, sont renouvelables. Les gisements minéraux sont exploités jusqu'à épuisement tandis que les récoltes sont renouvelées, régulièrement sur le même sol. Les conséquences en sont que l'exploration minière et le développement de nouvelles mines doivent se poursuivre continuellement de façon à satisfaire la demande, mais aussi que les villes et communautés basées sur la mine doivent se diversifier si elles souhaitent ne pas disparaître à la fermeture de la mine. Ces entreprises ont véritablement marqué les paysages physiques et sociaux et modelé une société et même une culture: le Kivu connaissait l'équivalent des "mangeurs de cuivre" de la Copperbelt.

43

11.1.2. SITUATION GEOGRAPHIQUE53 11.1.2.1. Localisatio

La province du Sud-Kivu a une superficie de 69.130 km2 est situé à l'Est de la République Démocratique du Congo, approximativement entre 1° 36' de latitude sud et 5° de latitude sud d'une part et 26° 47' de longitude Est et 29° 20' de longitude Est d'autre part.

La province est limitée à l'Est par la République du Rwanda dont elle est séparée par la rivière Ruzizi et lac Kivu, le Burundi, la Tanzanie, séparés du Sud-Kivu par le lac Tanganyika.

o Au Sud-Est, on a la province du Katanga

o Au sud, à l'Ouest et au Nord-Ouest la province du Maniema

o Au Nord, la province du Nord-Kivu

11.1.2. 2. Relief

La frontière orientale du Sud-Kivu correspond au Rift Valley Occidental, dans ce fossé d'effondrement logent les lacs Kivu et Tanganyika.

Quant aux terrains qu'on y trouve, ils peuvent être groupés en deux ensembles principaux : les terrains volcaniques, auxquels il faut ajouter un troisième ensemble : les terrains de couverture que l'on trouve au fond des lacs Kivu, Tanganyika, ainsi que dans la plaine de la Ruzizi.

Le socle réunit tous les terrains antérieurs au carbonifère moyen et couvre pratiquement tout l'Ouest et le centre de la province, plus de 70% de l'étendue de la province. Ces terrains anciens sont riches en minerais : de cassitérite, l'or, le colombo-tantalite, le wolframite etc. minerais exploités depuis la période coloniale jusqu'à nos jours. Les environs de la ville de Bukavu sont des régions volcaniques où l'on rencontre des roches basaltiques, voire des laves anciennes vers INERA MULUNGU d'ailleurs le Mont Kahuzi est un volcan éteint.

Quant au relief, il est très varié. L'Est montagneux s'oppose au centre et à l'Ouest de la province où l'on rencontre respectivement des hauts plateaux et des bas plateaux. Cette diversité physique est l'origine de l'appellation du Kivu montagneux à l'Est et qui diffère des contrées occidentales moins élevées. Le haut relief de l'Est sans doute la prolongation de la chaîne de Mitumba excédent parfois 3.000 mètres d'altitude. Toutefois, un bas relief s'observe dans la plaine de la Ruzizi depuis Uvira jusqu'à Kamanyola.

53 Ciree de la monographie de la Province du Sud-Kivu (Draft 4), Ministere du Plan, Kinshasa, mars 2005,10 e12.

44

11.1.2.3. Climat et végétatio

Les facteurs principaux qui déterminent les climats du Sud Kivu sont la latitude et l'altitude. Le Kivu montagneux, c'est-à-dire l'Est de la Province jouit d'un climat de montagne aux températures douces où la saison sèche dure 3 à 4 mois de juin à septembre. A titre d'exemple Bukavu et Goma connaissent une température moyenne annuelle de 19° C, quant aux hauts plateaux de Minembwe, Mulenge, Kalonge et les montagnes de Kahuzi Biega sont encore plus frais. Dans ces contrées poussent une végétation montagneuse étagée et à prédominance herbeuse.

Par contre, le centre et surtout du Sud Kivu, en particulier les territoires de Shabunda et celui de Mwenga connaissent un climat équatorial, domaine de la forêt dense équatoriale, car il y pleut abondamment et presque toute l'année.

Cependant la plaine de la Ruzizi connaît un micro-climat tropical à tendance sèche et où les pluies sont quelques peu faibles (plus ou moins 1000 mm/an), la végétation étant une savane herbeuse à épines parsemée des cactus cierges. C'est ainsi que la riche flore du Sud Kivu héberge l'un de meilleurs parcs du monde, celui de Kahuzi Biega où l'on rencontre les gorilles de montagne et une luxuriante forêt des bambous.

11.1.2.4. Hydrographie

Elle est abondante. On y rencontre deux lacs de montagne : le Lac Kivu (1.470 m). Il est le plus profond de l'Afrique et le 2ème du monde après le Lac Baïkal (1.741 m) et le lac Tanganyika (773 m) et qui sont reliés par la rivière Ruzizi. Le lac Tanganyika est très poissonneux. Quant au Lac Kivu, il est très peu poissonneux suite à la présence des gaz carboniques et méthane.

Les cours d'eau du Sud-Kivu appartiennent au bassin hydrographique du fleuve congo. La plupart de ces cours d'eau prennent leur source dans les montagnes de l'Est et coulent pour la plupart vers l'Ouest où ils débouchent dans le fleuve Lualaba, d'autres se jettent dans les lacs.

11.1.2.5.Pluviométrie

Les territoires de Kabare, Walungu, Kalehe, Idjwi et la Ville de Bukavu connaissent deux saisons : la saison sèche qui dure 3 mois de juin à septembre et la saison de pluie qui dure 9 mois. La saison sèche connaît une température élevée et une rareté de pluies durant toute cette période. C'est à ce moment qu'on cultive les endroits marécageux.

La saison de pluie connaît une forte précipitation mais ce dernier temps avec l'abattage désordonné des arbres, la destruction de l'environnement et la surpopulation fait que la pluie devient de plus en plus rare.

Dans les territoires forestiers comme Fizi, Mwenga et Shabunda situé à l'entrée de la forêt équatoriale, il pleut abondamment toute l'année. Quant au territoire d'Uvira à part les hauts plateaux, la pluie commence à s'y faire aussi rare et la température augmente de plus en plus à cause de la concentration de la population entraînant la destruction de l'environnement.

11.1.2.6. Le sol et richesses mi nières

A Kabare, Idjwi et Walungu, le sol est argileux et de plus en plus pauvre à cause des érosions et de la surpopulation. C'est ainsi qu'il y a beaucoup de conflits de terre dans ce territoire et l'élevage diminue sensiblement par manque de pâturage. A Idjwi le sol est encore riche pour l'agriculture mais le problème de surpopulation rend de plus en plus les espaces cultivables rares, le sol y est aussi argileux. A Kalehe, il y a aussi un sol argileux et riche à cause surtout de sa proximité avec la forêt. On y rencontre quelques gisements d'or.

Les territoires de Shabunda, Mwenga et Fizi ont un sol sablonneux très riche pour l'agriculture et contenant d'importantes richesses minières (or, cassitérites, coltan,...). Le territoire d'Uvira a aussi un sol sablonneux favorable à la culture du riz et du coltan. Ses hauts plateaux avec son climat très doux sont plutôt favorables à l'élevage.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand