La procréation médicalement assistée( Télécharger le fichier original )par Pierre Léon André DIENG Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - DEA en Droit de la Santé 2005 |
SECTION II - UNE ESQUISSE POUR DE NOUVEAUXREFERENTIELS A LA REGLEMENTATIONNous mettrons, tout d'abord, en exergue les ambitions de la réforme juridique de la PMA (Paragraphe 1) avant que, ensuite, nous ne déclinons les grands chantiers juridiques à entreprendre (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Les ambitions de la réforme juridique de la PMAElles devront être axées sur une recrédibilisation des législations existantes (A) mais aussi sur le sens du partage coopératif par l'instauration d'un partenariat fécond entre le Nord et le Sud (B). A / - La recrédibilisation des législations existantes Elle passe, nécessairement, par la réappréciation des attentes (1) et par la refonte ou la réadaptation des textes en fonction des indicateurs sociaux (2). 1°/ La réappréciation des attentes Devant les dangers d'une appropriation de la vie humaine par la science et par des sollicitations de personnes réputées hors normes, il revient au droit de réaffirmer la dimension de la vie humaine. Il n'est pas exact - et même très périlleux - de penser que la protection de la vie humaine est une question subjective relevant de la seule conscience individuelle. Si cela était le cas, quel serait alors le rôle du droit dans la société ? Car, si le principe selon lequel il faut protéger la vie et la dignité des hommes était purement subjectif, il faudrait alors supprimer toute règle juridique, du fait que le droit tout entier s'inspire de ce principe. En agissant, le législateur ne fait que ce qu'il est habitué à faire : prendre en considération les faits qui risquent d'être dommageables à l'intégrité humaine soit par leur prévention, soit par leur sanction. La PMA touche nos valeurs les plus sensibles, celles de la vie et de l'amour. L'essor de la biomédecine a, certes, remis en question des notions juridiques qui paraissaient intouchables, celles de notre identité comme individu et comme espèce mais il épouse les contours d'une vision progressiste dont l'espoir doit être de concilier développement, éthique et régulation juridique. Cet essor doit briser l'isolement des sciences, permettre à chacun de se réapproprier les développements scientifiques, les intégrer et en juger l'intérêt en se référant à sa propre échelle des valeurs. A cette fin, l'information se doit d'être essentielle. Les lieux d'étude (les écoles, les universités) doivent être un cadre fécond à l'apprentissage du phénomène de la PMA car ils permettront le contrôle démocratique à la base sociale pour tous les choix de demain. Il faut donc s'assurer que soit mené à bien l'information de la population par des relais que constituent les lieux d'étude et portant sur les questions de société engendrées par le développement biomédical. Ceci pourra contribuer largement à rendre efficace les méthodes de la PMA qui sont à encourager si, toutefois, la pratique et ses techniques demeurent contrôlées et limitées. Peut-on suggérer que les chercheurs aient recours à des éléments immatures du corps humain prélevés sur des personnes décédées ? De sorte à faire prévaloir (l'est-il vraiment par ce moyen ?) « l'intérêt de l'enfant, de contrôler la liberté de conscience des couples stériles, de veiller au respect de la personne en s'appuyant sur les droits de l'homme, les textes nationaux et connexes en matière d'expérimentation humaine. Ce qui appelle à une refonte ou à une réadaptation permanentes des législations »8(*)6. 2 °/ La refonte ou la réadaptation des textes de la PMA On peut s'interroger sur la refonte totale ou la réadaptation contextuelle des textes relatifs à la PMA. L'option importe peu, seul le contenu occupe les esprits. Mais il faut relever que l'hypothèse d'une flexibilité sans cesse mouvante d'une refonte n'est pas pour conforter la sécurité juridique des activités. Le législateur peut et doit protéger l'embryon humain. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle fiction juridique, mais d'établir une présomption de personnalité en faveur de l'embryon. La présomption est un procédé qui permet de surmonter un obstacle lorsque la réalité est douteuse ou incertaine. Les vieux principes juridiques « in dubio reo » ou encore « in dubio pro debitore » expriment fort bien cette idée selon laquelle le doute a toujours profité à l'accusé ou au débiteur, surtout dans le cas où sa vie ou ses biens seraient en jeu. De la même manière dans le cas de l'embryon, ce même critère présomptif conduit à rappeler un principe juridique de base : « in dubio pro vita », c'est-à-dire que devant le doute, le droit doit protéger l'embryon (une vie) comme une personne dès qu'il commence à exister, dès sa conception (ovule fécondé). L'enfant conçu n'est accusé que d'exister. Ne doit-on pas, au moins, faute d'accord sur une commune pensée, adopter une règle protectrice de l'embryon ? Car avant tout il ne s'agit pas tant de définir avec certitude si l'embryon est déjà une personne humaine que de savoir ce que l'on peut faire de lui. Sa protection ne dépend pas de sa qualification comme individu mais le degré de valeur juridique que l'on doit accorder à un type de vie qui possède déjà une potentialité humaine complète. Le législateur commet alors une grave erreur lorsqu'il s'abstient de protéger l'embryon sous prétexte que son statut s'avère de définition impossible ou que cela relève des croyances de chacun. Il se trompe alors doublement. Par suite, beaucoup de juridictions et de comités d'éthique ne lui garantissent pas une véritable personnalité du moment que l'on admet sa possible destruction. L'embryon ne serait alors qu'une « chose protégée » disposant d'une personnalité juridique incomplète et conditionnelle. La maxime « infans conceptus pro nato habetur ... » ne se limiterait qu'à une fiction de naissance et ne comporterait aucune fiction de personnalité, aucune fiction d'humanité. Enfin, il n'appartient pas au législateur d'un pays qui a ratifié la CIDE (art.7) d'institutionnaliser l'impossibilité pour un enfant, dans le cadre d'une IAD, de connaître ses parents biologiques et d'être élevé par eux. Une telle loi romprait l'égalité entre tous les enfants. Dans le but d'éviter des impairs relevés dans la plupart des États, l'instauration d'un partenariat Nord-Sud serait enrichissante pour l'Afrique en général et le Sénégal en particulier. B / - L'instauration d'un partenariat Nord-Sud Le triptyque des axes d'échanges devra reposer sur un souci majeur de rendre accessible les méthodes de la PMA aux populations des pays en développement. Ainsi, les interventions porteront notamment sur le renfort de 1°/ la coopération pour la diffusion et la maîtrise de la technologie de la PMA et la construction des infrastructures en la matière. La formation du personnel médical et paramédical permettra, à court terme, d'amoindrir le coût et les intrants tournant autour de toutes les activités principales, dérivées et connexes de la PMA. Dans ce même ordre d'idées, l'expérience juridique permettra d'asseoir les bases textuelles dans nos pays africains. 2°/ Toutefois, si l'opportunité pour le Sénégal est d'instituer, au plus pressé, une législation spéciale, il n'en demeure pour autant que le soutien législatif occidental doit être limité pour laisser la place à l'exception culturelle sénégalaise afin d'éviter les travers que l'on a pu constater ailleurs. Ainsi, même si un futur texte sénégalais doit tenir compte du référentiel international, le texte doit agréger une responsabilité sociale participative de la population sénégalaise. On vise par là une meilleure socialisation du modèle parental ou du projet de parentalité tout court en le rendant le plus accessible possible à la population. Si besoin est, cette accessibilité pourrait se faire par un appui étatique qui prendrait en compte la tradition sénégalaise et une association du principe de solidarisation nationale. 3°/ Néanmoins, il y a une nécessité impérieuse de prendre la mesure du contrôle à apporter aux transferts des essais et expérimentations (très souvent bannis en Occident) dans les pays en développement. On se rappelle, avec frayeur, les abus de l'expérimentation médicale engendrés par les pratiques barbares des médecins nazis, de « l'affaire du Jewish Chronic Disease Hospital dans laquelle des cellules cancéreuses ont été injectées à des patients afin de connaître les réactions immunitaires de rejet du transplant. Dans l'affaire du Tuskegee syphilis study, des médecins n'ont pas prescrit de pénicilline à des noirs syphilitiques dans le but de suivre l'évolution à long terme de la maladie »8(*)7. Il faut donc veiller à l'éthique de l'expérimentation8(*)8. Les ambitions juridiques de la réforme de la PMA ainsi déterminées, nous pouvons maintenant franchir la dernière ligne droite de notre étude en entamant la réflexion sur les grands chantiers juridiques à entreprendre. * 86 Jacques Lemaire et Charles Susanne « Bioéthique : jusqu'où peut-on aller ? », éd. de l'Université de Bruxelles 1996, pp.27-28 * 87 Jacques Lemaire et Charles Susanne, id., précité, pp.58, 64 * 88 Id. |
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