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La procréation médicalement assistée

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par Pierre Léon André DIENG
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - DEA en Droit de la Santé 2005
  

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Paragraphe 2 - La valse des solutions jurisprudentielles

Elle tourne autour de la contrariété visible des interprétations (A) laquelle entraîne un désarroi perceptible chez les juges qui auront du mal à rendre des décisions justes et équitables (B).

A / - La contrariété dans les interprétations

Les cours et tribunaux ont, dans un premier temps, prononcé des condamnations de principe face à l'utilisation de la PMA, notamment le caractère illégitime de l'IAC a été relevé par le tribunal de Bordeaux en 1880 dans l'affaire Lejâtre citée par un auteur7(*)4. Un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 28 mai 1956 qualifie la pratique au sein d'un couple de procédé humiliant, artificiel et condamnable7(*)5. Avec l'évolution des moeurs et de la réforme législative qui a donné existence aux lois bioéthiques sur la PMA, le juge français, sans sourciller, par une alchimie de juridisme, s'est complu à reconnaître la PMA aujourd'hui et ne semble plus la vouer à l'interdiction et à l'illégalité. Alors que, paradoxalement, il sait pertinemment que les principes fondamentaux sur l'intangibilité et l'indisponibilité du corps humain sont toujours actuels. Le juge accepte donc le « charcutage » juridique du corps humain en cellules, produits et éléments du corps humain, écorchant vif au passage la théorie personnaliste et civiliste de Rau et d'Aubry pour qui le corps constitue la personne humaine même, sa personnalité. Il garde également le silence sur le statut de l'embryon et les manipulations dont il peut faire l'objet en matière de PMA alors qu'il lui reconnaît une humanité et une capacité d'acquérir des droits7(*)6. On ne comprend donc pas son silence à propos des dons de gamètes et des banques concernant ceux-ci. On peut également relever cette contrariante discrimination (toujours au profil des femmes !) : Un enseignement homosexuel de 47 ans, Philippe Fretté, a revendiqué devant la cour européenne de Strasbourg le droit à l'adoption qui lui est refusé par la France en raison de « la présomption irréfragable de la jurisprudence française, selon laquelle aucune personne lesbienne ou gay ne présente les garanties suffisantes pour accueillir un enfant (...) »7(*)7. Sur la base de cet existentiel, le Conseil de Paris oppose un refus au sieur Fretté qui saisit le tribunal administratif de Paris, en invoquant que l'adoption est ouverte depuis 1966 aux personnes célibataires de plus de 28 ans sans que le code civil ne précise si elles doivent vivre seules ou être hétérosexuelles. Le tribunal annule la décision. Mais l'arrêt du Conseil d'État du 9 octobre 1996 confirme le refus d'agrément du Conseil de Paris. Le sieur Fretté estime que cette haute juridiction viole la Convention Européenne des Droits de l'Homme relative, notamment au respect de sa vie privée et familiale. La cour européenne, saisie en dernier ressort, cautionne l'État français dans sa volonté de sélectionner les catégories de parents au regard de son modèle parental. Cette décision a divisé la cour européenne. Les magistrats français, tchèque, lituanien et albanais ont applaudi alors que les magistrats britannique, belge et autrichien s'en sont offusqués. Paradoxalement, le 27 juin 2001 la justice française a donné naissance à la première famille homosexuelle (Tribunal de Grande Instance de Paris) permettant à une femme homosexuelle d'adopter les trois enfants mineurs de sa compagne conçus par IAD (avec l'aide d'un donneur anonyme) et élevés par ces deux femmes dont l'une est leur mère de naissance et l'autre leur mère « sociale »7(*)8. Une cacophonie qui en dit long sur les divergences des juges d'autant plus que la gestation pour autrui a toujours été rejetée depuis 19847(*)9. Cette absence d'une ligne jurisprudentielle cohérente déroute les juges et rend audacieux le comportement de certaines personnes. Ce qui accentue davantage le désarroi chez les juges.

B / - Le désarroi des juges

Ce désarroi, accentué par le degré de libéralisation des moeurs et de la culture dans chaque pays, aura une incidence sur le fonctionnement objectif de la Cour Européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg. Ainsi, le juge anglo-saxon est plus permissif, notamment aux États-Unis où une personne vivant seule contesta la décision(et eut gain de cause) que l'accès à une banque de sperme soit réservé exclusivement qu'aux seuls couples mariés8(*)0. La législation et la jurisprudence y sont plus tolérantes, voire très libérales avec de fréquentes remises en cause de situations réputées acquises, d'où la bonne renommée des avocats anglo-saxons capables du pire comme du meilleur. L'affaire Blood qui a défrayé la chronique en Angleterre à propos de l'insémination artificielle post mortem permettant à une femme de réaliser son voeu8(*)1 montre le fossé qui sépare certains pays anglo-saxons d'autres pays latino-germaniques comme la France. En effet, la France refuse à la Dame Pirès cette même technique au décès accidentel de son mari alors que la femme était en pleine tentative de FIV (après sept tentatives infructueuses et deux fausses couches) et qu'il restait deux embryons congelés à l'hôpital pour lesquels la justice s'était empressée d'exiger la destruction8(*)2. Alors que dans le passé, en 1984, le Tribunal de Grande Instance de Créteil avait ordonné la restitution de paillettes de sperme à une veuve en vue de son insémination. La justice est demeurée même insensible devant le cas extrême d'un couple dont le mari était atteint du Sida. Elle a donc rejeté la demande de la veuve (TGI Toulouse, 26 mars 1991. JCP 1992, II, 2107)8(*)3. Alors que le comité consultatif d'éthique français, dans ses avis n° 56 du 10 février 1998 et n°69 du 8 novembre 2001, a largement contribué au débat pour remédier à ces demandes croissantes et pressantes des couples au sein desquels l'homme est séropositif et la femme séronégative (le contraire étant possible). Le CCNE s'est même prononcé en 1993 en faveur du transfert d'embryons post mortem dans son avis du 17 décembre 1993 sur le transfert d'embryons après le décès du conjoint. Par ailleurs, le juge français est déconcertant dans sa manière de désavouer comme nulle la convention de gestation d'autrui. En effet, le TGI d'Aix-en-Provence en 1984 a prononcé l'adoption simple d'un enfant né d'une mère de substitution. En l'espèce, la mère de substitution était la soeur de la femme stérile ; une démarche similaire à l'affaire « Baby Melissa » du 3 février 1988 aux États-Unis8(*)4. Le juge français va également, à son tour, se heurter à des fraudes bien pointues comme l'insémination artificielle d'une femme homosexuelle réalisée par sa compagne médecin, à l'aide d'un don de sperme effectué sur un homme vivant lui-même en concubinage homosexuel (cass. 1ère, 9 mars 1994, D. 1995, somm. com. 117 ; D. 1995, J. 197)8(*)5. Enfin, on peut citer la possibilité de désaveu de la part d'un mari ayant consenti à l'insémination par un arrêt de la cour fédérale allemande en 1983 (BGH, 7 avril 1983, NJW 1983, 2073).

La conséquence de cette discordance est la fragilisation de la jurisprudence aggravée par la dynamique évolutive des moeurs, des opinions au sein de la société et des progrès biomédicaux.

Devant les imperfections des textes et les difficultés d'interprétation, nous allons nous risquer à esquisser des propositions pour de nouveaux référentiels à la réglementation de la PMA.

* 74 Nathalie Massager, précité

* 75 Id.

* 76 c.cass. civ.24 avril 1929 ? DH1929.298; www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/ccass.htm

* 77 www.membres.lycos.fr/mhchbv/france1.htm « La France se voit reconnaître le droit de refuser l'adoption aux homosexuels » , « Un homosexuel revendique le droit d'adoption à Strasbourg »

* 78 www.membres.lycos.fr/mhchbv/france1.htm « La justice accouche de l'homo famille... »

* 79 Nathalie Massager, id., précité, pp.871 et s.

* 80 Revue française d'études américaines  « Le système de santé en question », n°77, juin 1998, p.54

* 81 Liber Amicorum M.T. Klein « Droit comparé des personnes et de la famille »

* 82 Liber Amicorum, id., précité, pp.149-150 ; http://www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/themes/amp-2.htm

* 83 TGI Créteil 1ère ch.Civ.1er août 1984, JCP 1984 ,II, 20321, cf. Roberto Andorno, id., précité, p.196

* 84 Roberto Andorno, id., précité, pp.265-266

* 85 http://www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/themes/amp-1.htm

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus