La procréation médicalement assistée( Télécharger le fichier original )par Pierre Léon André DIENG Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - DEA en Droit de la Santé 2005 |
DEUXIEME PARTIE - L'ORGANISATION JURIDIQUEDE LA PMAL'activité médicale est d'une sensibilité extrême, pointue et sourcilleuse à telle enseigne que la plupart des législateurs des grandes démocraties occidentales n'ont pas entendu la laisser à la seule volonté des praticiens. A leur initiative, il a été établi un encadrement normatif de la PMA (TITRE I). La lecture de cette régulation normative de la PMA recèle pour autant de riches et importants enseignements qui méritent une attention toute particulière (TITRE II). TITRE I - L'ENCADREMENT NORMATIF DE LA PMACet encadrement s'opère, de prime abord, par la mise en place d'une législation de base en matière de PMA qui en définit les contours (Chapitre I) et, ensuite, par l'aménagement d'un régime de responsabilité en matière de PMA (Chapitre II). CHAPITRE I - LA LEGISLATION DE BASE EN MATIERE DE PMAIl revient de considérer le contenu du projet de parentalité artificielle (section I) et les objectifs que vise cette réglementation de parentalité artificielle (section II). SECTION I - LE CONTENU DU PROJET DE PARENTALITEARTIFICIELLE Il repose, essentiellement, sur le descriptif des règles de formation (paragraphe 1) et la sanction prévue en cas de violation de ces règles de formation (paragraphe 2). Paragraphe 1 - Le descriptif des règles de formationIl demeure constant que la PMA fait l'objet d'une sélection rigoureusement organisée par le droit positif (A). Sur ce, nous relèverons toute la pertinence qui s'attache à une telle sélection adoptée (B). A / - La sélection opérée par le droit positifLa sélection a défini, d'une part, les conditionnalités (1) et, d'autre part, les droits et obligations des acteurs (2) pour une meilleure acceptation de la PMA. 1°/ Les conditionnalités Elles peuvent être comprises en conditions générales (a) et en conditions particulières tenant à l'acte d'autorisation de la PMA (b). a / Les conditions générales Le cadre contractuel a toujours été régi par des conditions cumulées de forme et de fond. - La principale et unique condition de forme reste l'écrit. En principe, le formalisme contractuel est un droit consensuel, c'est-à-dire qu'aucune forme n'est exigée quant à la validité de l'acte juridique de PMA souscrit par le couple demandeur et le praticien. Selon l'article 41 cocc, « (...) Le contrat se forme librement dès le seul échange de consentements ». Mais compte tenu de la particularité de l'art médical, exceptionnellement ce principe du consensualisme est substitué soit à un formalisme dit d'efficacité qui pourrait servir, ultérieurement, comme formule ad probationem (formalités de preuve) et / ou soit à un formalisme dit de validité ( ad validitatem ) qui privilège l'écrit ( un acte sous-seing privé ou un imprimé pré-rédigé). Et c'est précisément à ce propos qu'il faut plus voir le contrat médical (même s'il a une large part synallagmatique, commutative et onéreuse) comme un contrat solennel, voire même un contrat d'adhésion du fait de tout le monopole de la technicité et des connaissances scientifiques que détient le seul initié(praticien). Aujourd'hui avec l'envol des NTIC, on peut s'interroger sur la pertinence des contrats médicaux par télédistance, d'autant plus que cet outil informatisé peut servir à des opérations chirurgicales, a fortiori pour ce qui est de la PMA. Les praticiens sénégalais sont moins prolixes à délivrer des informations de partenariat en ce sens, au nom d'un argument spécieux et prétexte d'obligation de réserve. Si la PMA est faite dans le secteur public hospitalier, il n'y a pas de contrat entre les parties. L'intéressé est usager du service public en tant que patient mais non en tant que malade car la PMA ne relève pas de la maladie. - Quant aux conditions de fond, notamment le consentement, l'objet, la cause, la capacité, etc., les législations sont partagées et privilégient l'appui logistique des valeurs et traditions culturelles spécifiques à chaque peuple, à chaque race, à chaque continent, etc. Relativement au consentement et à la capacité, ce sont les règles du droit civil, voire même de la pratique anglo-saxonne qui sont reçues. Celles-ci considèrent que le consentement, devant émaner des deux parties (couple et praticien) suivant l'art. 58 cocc, ne doit pas être frappé d'aucune incapacité de protection (les incapables majeurs et les mineurs ou adolescents) ou d'aucune incapacité de défiance (une interdiction frappant le médecin qui résulte soit du code de déontologie de sa profession, soit du fait de la loi) selon l'art. 57 cocc. En outre, il doit être extériorisé et intègre (exempt de vices d'erreur, de dol et de violence, fut-elle une contrainte morale). Avec l'évolution des concepts sur l'ordre public et les bonnes moeurs, ainsi que celle sur l'indisponibilité, l'inviolabilité et l'intangibilité du corps, des éléments et des produits du corps humain, l'objet portant sur la PMA, c'est-à-dire l'assistance médicale à la conception d'un enfant par des méthodes scientifiques et la cause qui est le souhait de voir venir au monde un enfant né artificiellement ont reçu une validation de licéité et de moralité. C'est donc dire que les traits de bonnes moeurs et d'ordre public sont contingents et évoluent selon le temps et les circonstances. Cette flexibilité de ces notions a permis le développement des contrats d'expérimentation sur les cellules embryonnaires, les contrats de dons et de ventes de gamètes, de participation d'un tiers à l'intimité du couple stérile, etc. A la limite de ces quelques conditions générales, il y a lieu de relever également des conditions particulières tenant à l'acte même de PMA. b / Les conditions particulières tenant à l'acte de PMA On retrouve ici les conditions générales, notamment pour ce qui est des critères juridiques que nous avons fait précéder par des critères dits naturels. - Les critères naturels portent principalement sur l'âge des conjoints et, par là, concordent avec la condition générale relative au consentement et à la capacité du conjoint. Le critère sur l'âge est également une exigence juridique. Au Sénégal, l'âge minimum pour le mariage est fixé à 18 ans conformément à la majorité civile (loi n° 99-82 du 3 septembre 1999 portant réforme de l'art. 276 alinéa 1er CF et relative au rabaissement de la majorité civile de 21 ans à 18 ans). Mais il est prévu des dispositions d'autorisation ramenant cet âge pour la femme à 16 ans et même moins (art. 111 CF). En France, « cet âge minimum est fixé à 18 ans et 15 ans (...). On peut penser, pour le plaisir de raisonner qu'un jeune couple, pourvu qu'il soit en âge de procréer, entrera dans la prévision légale (...) »2(*)8 de la PMA. Toujours en France, il n'y a pas, en principe, d'âge maximum. Tout compte fait, le but est d'imiter biologiquement la nature. D'autant plus que l'Allemagne situe également cet âge à 16 ans2(*)9 et l'Angleterre entre 16 et 18 ans, par référence à l'institution du mariage3(*)0. Les législateurs occidentaux semblent, par ailleurs, indécis dans le cas des femmes ménopausées et il semble donc qu'une limite a été posée par l'institution d'un âge maximum excluant l'accès à la PMA. Cet âge maximum semble fortement recouper avec la ménopause. Mais là également, celle-ci varie d'une femme à une autre rendant complexe la définition d'un âge maximum standard. Tout compte fait, cette crainte légitime consiste à éviter que la PMA ne devienne le mode de procréation du deuxième (ménopause), voire du troisième âge. Le second et dernier critère naturel pose la condition de stérilité ou d'infertilité pathologiques dont nous avons déjà fait une large part dans nos développements. Cette condition vise à évincer de l'accès à la PMA toute personne physique ne relevant pas de cette prévision. Il n'est pas nécessaire de situer le degré de la condition, c'est-à-dire son caractère irrémédiable, partiel, l'origine de la cause transmissible etc. Il suffit seulement que la personne soit en âge de procréer mais en est privée naturellement. Par suite, le constat médical avéré en fait foi en bonne et due forme. - Les critères juridiques, en plus des critères généraux et naturels ci-dessus, réunissent plusieurs exigences qui répondent à un souci d'un mieux contrôle d'opportunité d'accès à la PMA. C'est ainsi que l'information demeure au coeur de tout le processus pré- et post-opératoire de la PMA. Elle se doit d'être plurielle alliant la sensibilisation par la méthode de l'IEC (information, éducation, communication), le secret durant tout le parcours, la précision des renseignements relatifs à la diversité des méthodes de la PMA, leurs avantages et leurs inconvénients, si possible l'état de la législation en la matière, les sanctions prévues, les engagements à honorer à la naissance de l'enfant, etc. C'est dire que l'information doit toucher tout ce qui tourne autour de la PMA, y compris la participation du tiers et les opérations « marchandes » ou scientifiques (expérimentations). Cette même information est également requise auprès du tiers participant. Il convient de préciser, tout d'abord, que le Sénégal médical n'adhère pas à la participation d'un tiers dans l'intimité du couple, tout comme la plupart des pays de la Ummah islamique. Ceci précisé, l'expression « donneur » renvoie, à côté du tiers donneur de sperme traditionnel, à trois autres types de donneurs : la donneuse d'ovocytes, les donneurs d'embryons et la mère de substitution, plus improprement connue sous l'appellation de « mère porteuse ». La situation du tiers participant est une anticipation de la question des droits et des devoirs que nous verrons plus loin. Mais nous préférons examiner celle du tiers présentement. Nous pouvons retenir que les législateurs occidentaux s'accordent à privilégier d'abord la gratuité des dons, donc un caractère bénévole qui exclut toute rétribution ou toute forme de compensation onéreuse. Ensuite, l'anonymat est la règle dans la plupart des pays, à quelques variantes près. En troisième lieu, les praticiens et les structures doivent respecter le donneur et la finalité de son don. A ce propos, un consentement écrit spécial est souvent requis. Par contre et enfin, la responsabilité du donneur, à la suite d'une sélection morphologique (race, groupe sanguin, etc.) et d'élimination de certaines maladies (transmissibles, infectieuses, héréditaires), peut être engagée en cas de dissimulation à dessein de son état sanitaire. D'un autre côté, la loi exige qu'il y ait présence d'une situation matrimoniale au sein d'un couple hétérosexuel. C'est ce que les praticiens sénégalais appliquent conformément à la législation en vigueur relative au mariage (art. 111 CF). Plusieurs législateurs occidentaux reçoivent la demande de simples concubins hétérosexuels et on assiste même fréquemment dans ces pays à une agrégation des demandes de femmes vivant seules. Dans le suivi des conditionnalités requises, la sélection assujettit également les acteurs à des droits et obligations. 2°/ Les droits et les obligations des acteurs Nous verrons ceux qui s'appliquent aux praticiens et aux établissements assimilés (a) et ceux des couples demandeurs ou patients (b). a / Les droits et les obligations des praticiens et des établissements assimilés On peut les assimiler à des conditions techniques tenant à une bonne pratique de la PMA. Ils visent non seulement tous les praticiens, les personnes qui sont à toutes les périphéries du médical, du paramédical et du scientifique, ainsi que les hôpitaux, les laboratoires, les structures privées, les instituts de cryoconservation, de vente ou d'expérimentation sur les gamètes et les embryons, les directeurs, les collectivités, l'État, etc. Nous avons déjà largement posé la réflexion sur l'obligation essentielle de l'information plurielle, les questions de l'anonymat, du secret, la diversité des analyses et leur conformité à la pratique médicale. Les acteurs précités doivent se conformer aux prescriptions légales, notamment se soumettre à un droit de contrôle sur l'utilisation de la PMA à des fins prévues. C'est ainsi que le médecin est tantôt considéré comme tenu par une obligation de moyens, tantôt tenu par une obligation de résultat dans la satisfaction de la volonté du couple. Il reste toutefois seul maître quant à la manière de parvenir à cette fin. Tout État pour sa part doit veiller à ce que sa loi relative à la PMA soit respectée et doit veiller également à rendre accessible la pratique de la PMA aux personnes autorisées. Il doit également préserver l'ordre public en le conciliant à la nécessité de faire progresser la science pour le bien-être physique et social. Les organismes et les directeurs de structures, s'ils ont le droit de rentabiliser, de faire prospérer la vente des gamètes, des embryons et de faire avancer la recherche, ne doivent pour autant s'adonner à une pratique dévalorisante de réification du corps humain. Les couples demandeurs ou patients obéissent aux mêmes paramètres d'exigences. b / Les droits et les devoirs des patients Le débat conflictuel entre un droit à l'enfant et un droit de l'enfant n'a pas fini de confiner la volonté de procréer dans des contours fixes. Le patient est, toutefois, en droit d'exiger une suffisante, éclairée et véritable information afin de pouvoir apprécier à sa juste mesure ce qui lui est permis et / ou interdit. Si en Occident, les droits individuels peuvent prendre le pas sur les droits du couple du fait de la prépondérance des personnes seules à se voir garantir un droit encore indéfini à la PMA, au Sénégal il n'en est pas ainsi car seul le couple hétérosexuel marié bénéficie de ce droit par la seule volonté des médecins. Par suite, les patients s'engagent à recourir à des pratiques qui peuvent, souvent, être lourdes en incidences fâcheuses sur leur santé, voire par un échec. Ils s'engagent à assurer le développement et l'éducation de l'enfant ainsi procréé au sein d'une famille harmonieuse. Si les patients peuvent exprimer leur désapprobation quant à la violation par le praticien du pacte qui les lie, cette même possibilité est offerte à ce dernier lorsque le patient n'honore pas le contrat souscrit. C'est le cas par exemple lorsque après un long processus entamé mettant le temps et les moyens du praticien, le patient ne donne plus signe de vie ou s'en réfère à une autre structure. S'il lui est permis de changer d'avis, il reste tenu par ce qui a été déjà dépensé en temps et en moyens par ledit établissement spécialisé. On s'est interrogé, somme toute, sur la pertinence de la sélection positive adoptée. * 28 Jean Hauser - colloque sur « les Filiations par greffe - adoption et PMA », éd. LGDJ 1997, p. 22 * 29 in Internet http : // www. senat. fr./ lc / lc 70 / lc 701. html * 30 Id. |
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