B / - L'indéfinition du statut juridique de
l'embryon
Nous partirons de l'embryon pour voir succinctement comment
aujourd'hui il est perçu par le droit en vigueur. La question de la
formulation du cadre juridique de l'embryon consiste en ce que le droit n'ait
d'autre choix que de faire oeuvre imaginative pour répondre à la
situation de certains embryons. Y aurait-il deux sortes d'embryons ? Ne
parle t-on pas en effet couramment des embryons surnuméraires, de la
chosification du pré-embryon qui échappe pour les quinze premiers
jours de son existence au règne humain de par la volonté de la
science génétique ? Que penser de la question des
expérimentations embarrassantes sur l'embryon dont le chercheur, le
biologiste ou le médecin au sein d'une équipe de pointe
pourraient difficilement renoncer à l'exploration du fait qu'il
constitue une source intarissable de connaissances souvent profitables à
l'homme et à la collectivité ? De ces embryons trop nombreux
qui ne pourront pas tous être replacés, faut-il les conserver, les
donner à un autre couple stérile, les détruire, les
utiliser pour la recherche ?
Ainsi la question juridique du statut de l'embryon qui se
résume en droit civil sénégalais (art. 1er al.
2 et 3 CF), d'une part, à l'embryon conçu in vitro dont la
réalisation du projet de replacement dans l'utérus de la
mère se trouve dans une situation de vide juridique total, ne satisfait
pas aux conditions civilistes de la personnalité juridique et, d'autre
part, à l'embryon (ou le foetus) in utero, quoique n'ayant pas la
personnalité juridique, existe aux yeux de la loi civile qui lui
reconnaît des droits à la jouissance et à l'exercice dont
il n'entrera en possession qu'à sa naissance, s'il naît vivant et
viable. Ainsi donc le foetus, même de maturité très
avancée, ne bénéficie pas traditionnellement de la
protection juridique. A propos des textes internationaux (conventions,
déclarations, résolutions...), il est exprimé le droit
à la vie, par référence au concept de personne, sans
toutefois préciser à partir de quel moment commence ce droit
à la vie, tandis que d'autres proclament le respect de la vie avant la
naissance, sans se référer au concept de personne. Au motif qu'il
est illusoire de s'entendre sur le statut de l'embryon humain, les instances
nationales et internationales productrices de normes éludent
généralement la question et répondent, par moments, par
des interprétations et considérations divinatoires. Quant au
droit pénal sénégalais le droit à la vie, depuis la
conception jusqu'à la naissance, était successivement
protégé par deux infractions spécifiques, l'avortement qui
constitue un délit ( art. 305 CP) et l'infanticide qui est
considéré comme un crime ( art. 285 CP). Ces textes sont
inadaptés à la PMA. De ce fait, c'est avec une aisance que
d'aucuns dénient tout droit subjectif à l'embryon lequel
présuppose, en droit civil, l'existence de la personnalité
juridique et même tout droit de l'homme, puisque l'embryon précoce
n'est pas encore un être humain. Il serait suicidaire pour la
société de faire l'impasse sur l'embryon humain précoce ou
de croire que son humanité ne dépend que de notre bon vouloir
alors qu'il est porteur de cette vie que nous partageons tous. En effet, la
naissance du premier enfant artificiel éclipse très vite pour le
profane toutes les étapes qui ont dû être franchies pour
qu'au départ d'une éprouvette jaillisse la vie et pour que cette
vie évolue jusqu'à la mise au monde d'un nouveau-né. Il
peut donc s'avérer exact aujourd'hui de parler d'une
insécurité juridique de l'embryon et du foetus et même d'un
réel vide juridique légal. La licéité de l'acte de
procréation artificielle ne saurait occulter l'objectivité
réelle et conséquente de cette propension à étendre
la structure familiale.
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