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Les implications culturelles dans la commercialisation du gibier au Gabon

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par Georgin MBENG NDEMEZOGO
Université Omar Bongo - Diplôme d'Etude Approfondie 2007
  

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Première Partie : Corpus théorique et documentaire

1 - Les chasseurs

1 - 1 Corpus théorique

Claude Levi-Strauss (1962)-« Catégories, éléments, espèces, nombres » in La pensée sauvage, Paris, Plon, pp178-211.

Anthropologue français, Claude Levi-Strauss est né à Bruxelles le 28 Novembre 1908. il fut professeur de philosophie aux lycées de Mont- de- Marsan, puis de Laon. Membre de la mission universitaire au Brésil et professeur de l'université de Sao Paulo de 1935 à 1938. Il effectua plusieurs missions ethnographiques dans le Mato Grosso puis en Amazonie. Installé à New-York aux Etats-Unis, il enseigna à la New School for Social Research et à l'école libre des hautes études. En France, il fut reçu docteur ès lettres en 1948, soutenant sa thèse Les structures élémentaires de la parenté. Il a écrit bien d'autres ouvrages tels que La vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara (1955), Race et histoire (1952), Tristes tropiques (1955), Anthropologie structurale (1958) Mythologiques (1964, 1966, 1968, 1971).

La pensée sauvage est un ouvrage qui vient en réaction à l'assertion de Lévy-Brulh qui pense que les opérations de l'esprit des peuples dit sauvage sont la manifestation d'une mentalité prélogique. Cet ouvrage montrera les opérations en question sont fondamentalement du même ordre dans toutes les sociétés. La pensée sauvage est constituée de 9 chapitres, mais allons nous intéresser rien qu'au cinquième. Celui-ci traite essentiellement de la taxinomie, de la catégorisation. Il montre de quelle manière les peuples dits sauvages structurent les éléments de la nature notamment les animaux et les plantes. « en fin de compte, si les typologies zoologiques et botaniques sont utilisées plus souvent et plus volontiers que d'autres, ce ne peut être qu'en raison de leur position intermédiaire, à égale distance logique entre les formes extrêmes de classification, catégoriques et singulières » p. 179. La classification de ces éléments de la nature précise le rapport que les peuples gardent avec leur nature. Ils se représentent celle-ci d'une manière différente selon les sociétés. A partir des exemples tirés chez plusieurs peuples d'Amérique, d'Afrique et d'Asie, l'auteur remarque que les individus d'une société structurent leur nature en catégories, éléments, espèces et nombres sur la base de ces mêmes typologies zoologiques et botaniques, et à partir d'un principe binaire. L'illustration est faite par exemple sur les clans qui sont tirés des noms d'animaux.

Ce chapitre apporte des éclaircissements sur notre sujet. Il faut rappeler que nous traitons de catégorie dans notre objet. L'appellation « gibier »suppose qu'il y a des animaux dont l'usage est alimentaire et d'autres pas. En d'autres termes, il y a des animaux qu'on peut manger et d'autres qu'on ne mange pas. Le chasseur est alors appelé à chasser les animaux qui sont prescrits comestibles par sa société. On arrive au résultat où ce qui est gibier pour les uns ne l'est pas pour d'autres. Cette situation reste applicable parce que « certains animaux occupent des dispositions totémiques, liés à des interdits alimentaires » (Mayer, 2004,45). Les enquêtes pourront s'appuyer sur le respect de ces interdits totémiques actuellement. Implicitement, nous saurons les espèces animales qui sont exemptes de chasse chez nos informateurs chasseurs. C'est aussi le moment pour nous de faire ressortir la dynamique de ces interdits de chasse. L'animal totémique est interdit à l'alimentation par le chasseur, est-ce que la nouvelle forme d'économie ne pourrait-il pas l'amener à le vendre ?

Claude Meillassoux (1974) - « L'économie d'auto-subsistance » in Anthropologie économique des Gouro de Côte d'Ivoire : De l'économie de subsistance à l'agriculture commerciale, Paris, Mouton, pp.89-119

Claude Meillassoux obtient le diplôme de l'Institut d'études politiques en 1947, puis étudie l'économie et les sciences politiques à l'université du Michigan. En 1955, Balandier l'engage dans le cadre du Bureau international des recherches sur les implications sociales du développement technique de l'Unesco. Meillassoux y découvre l'anthropologie. En 1958, Georges Balandier l'envoie enquêter avec A. Deluz chez les Gouro de côte d'Ivoire. Il publie à son retour « Essai d'interprétation du phénomène économique dans les sociétés d'autosubsistance » qui opère une révolution épistémologique importante. S'inspirant de l'école substantiviste, Claude Meillassoux y montre comment les aînés dominent les cadets grâce au mécanisme de la gestion des dots. Soutenue en 1962 et publiée en 1964, sa thèse de troisième cycle : Anthropologie économique des Gouro de Côte d'Ivoire. De l'économie d'autosubsistance à l'agriculture commerciale, ouvre à une anthropologie économique marxiste.

Dans ce chapitre, l'auteur se propose d'étudier l'économie du peuple gouro qui est basée sur l'auto-subsistance. Celle-ci tourne autour de la chasse, l'élevage et l'agriculture. Parmi toutes ces activités, seule la chasse fera l'objet d'un commentaire. Dans son propos liminaire, Meillassoux présente la chasse dans sa pratique actuelle, basée sur la réglementation de l'activité et des techniques usitées à cet effet. Ce qui fait de la chasse une activité de second rang. Les armes à feu, la chasse au filet sont interdites. Ce qui était différent de la pratique ancienne de la chasse dont le piégeage et la chasse au filet constituaient l'occupation favorite des hommes.

Claude Meillassoux va axer son discours autour de quatre points. Le premier traite du chasseur. Le chasseur individuel joue un grand rôle dans la société et jouit de son autonomie et de son art. Ce type de chasse fait appel à des techniques comme le piégeage, la chasse à l'arc, fusil de traite, mais personnalisent la chasse et le produit de la chasse. En revanche, la chasse collective est d'un plus grand rendement. C'est l'action concertée de plusieurs individus ayant pour technique principale le filet. Ce type de chasse a l'avantage d'intégrer les membres d'une même communauté. Le produit de la chasse celui de ladite communauté.

Dans le deuxième point, nous retrouvons la chasse au filet, technique qui symbolise la chasse collective. Cette dernière regroupait les hommes valides du village. Le produit de chasse était partagé selon les groupes. Il faut signifier au préalable que la chasse collective est toujours l'initiative d'un chasseur, qui bien avant celle-ci consulte le devin sur l'opportunité de l'entreprise et, sur son avis favorable. Le troisième aspect abordé est celui du piégeage de l'éléphant. Sa pratique est aussi collective. Le produit de la chasse était partagé de la même façon que dans la chasse précédente. Le chasseur recevait certaines parties du gibier, les parties les plus importantes étaient réservées aux anciens, le reste aux villageois. Le dernier volet abordé est le rôle social de la chasse. Le premier rôle est économique en ce que le produit de chasse était intégralement consommé. Le second rôle était social. En effet, la chasse collective permettait au chasseur initiateur de la chasse de se distinguer et si possible d'occuper une position d'autorité. La chasse collective est un facteur de socialisation, de cohésion des membres d'un groupe donné.

Cet extrait de texte répond à la problématique de la dynamique de l'activité cynégétique. Il exprime d'une part la situation réglementaire actuelle de la chasse. La chasse est dorénavant codifiée parce que les forêts des peuples Gouro appartiennent à l'Etat centralisé ou du moins à une administration. La situation est similairement vécue au Gabon. Mais l'on se demande si le rapport à l'animal sera le même. L'enquête de terrain nous permettra de nous prononcer sur la question. L'auteur affirme que « diverses circonstances ont réduit la chasse à une activité de second ordre », sur ce nous ne semblons pas partager son sentiment. Tout le monde n'a jamais été chasseur, et il y a des personnes qui en faisaient une profession, ce qui est toujours le cas de nos jours. Il y a toujours une frange de personnes qui a toujours chassé pour d'autres. Voilà pourquoi nous parlons de « classe », parce qu'elles sont identifiables. La chasse a connu de grands changements technologiques mais ceux-ci n'ont pas changé totalement la structure de ses méthodes. Les enquêtes que nous mènerons prouveront que la chasse collective, par exemple, qu'on pense disparue pourrait exister mais en intégrant d'autres techniques que celles usitées auparavant. Les mêmes enquêtes certifieront que le chasseur qui était à l'origine de la création de certains villages l'est encore de nos jours. L'exemple de Bibulu et de l'Auberge, deux villages de chasseurs situés à Mitzic-Ndjolé est une preuve frappante. Cet extrait de texte nous permettra de questionner certains points non abordés ou mal traités, ceci pour enrichir notre recherche.

Edward Evan Evans-Pritchard (1968)- Les Nuers : description des modes de vie et des institutions politiques d'un peuplade nilote, Paris, Gallimard

Spécialiste des populations sud-soudanaises de la région du Nil Blanc, théoricien des systèmes de pouvoir dans les sociétés sans Etat, inventeur d'un modèle d'analyse comparative associant la théorie des groupes territoriaux, Edward Evan Evans-Pritchard occupe une place décisive dans l'histoire de l'ethnologie africaniste et dans celle de l'anthropologie politique. Son oeuvre, sa personnalité et sa carrière l'établissent en outre comme le fondateur incontestable de l'anthropologie structurale britannique. Né en 1902, Evans-Pritchard étudie l'histoire moderne à Oxford puis l'anthropologie à la London School of Economies, où il obtient son Doctorat en 1927. Il a écrit Systèmes politiques africains (1964), Parenté et mariage chez les Nuer (1973), Anthropologie sociale (1969), La femme dans les sociétés primitives et autres essais d'anthropologie sociale (1971), La religion des primitifs à travers les théories des anthropologues (1965).

« Le thème majeur de ce livre, c'est celui des institutions politiques ». Mais l'auteur lui-même constate l'étude de ces institutions politiques peut aboutir sans tenir compte du milieu et des modes de vie. Les Nuer, comme tous les peuples dont la civilisation matérielle est rudimentaire, dépendent de leur milieu naturel. Ce sont des pasteurs par excellence, ne cultivent que du maïs et du millet. Les bêtes sont leur plus grande richesse et plus chère possession. Les guerres interethniques ont pour cause le bétail. On obtient son mariage en le compensant par des bestiaux. Toute leur vie se résume alors autour du bétail. L'élevage est leur principale activité.

Cet ouvrage pose un certain nombre de questions notamment celle de la définition d'un rapport à l'animal. Le rapport à l'animal est fonction du peuple donné sur son milieu et sa faune. On pourrait dire que le milieu détermine le rapport qu'une société établit avec sa faune. Dans ce cadre précis, les Nuer ont une propension à l'élevage qu'à la chasse. Les conditions naturelles ne leur permettent pas de développer l'activité cynégétique, ce qui n'est pas le cas du Gabon. Ce qui est « gibier »pour les Gabonais ne l'est pas pour les Nuer. Le bétail des Nuer ne saurait être chassé pour des besoins alimentaires par exemple. Cela prouve que chaque peuple a une représentation de son animal ou de sa faune. La manière que les Nuer se représentent leurs bêtes n'est pas la même que celle que les Gabonais font des leur.

André Leroi-Gourhan (1992)-«Les techniques d'acquisition » in Milieu et technique, Paris, Albin Michel, pp.68-92.

André Leroi-Gourhan est docteur ès lettres (archéologie préhistorique), et ès sciences (paléontologie), il a été sous-directeur du Musée de l'Homme, professeur aux Facultés des Lettres et Sciences Humaines de Lyon et de Paris, puis il a été appelé au Collège de France à la chaire de préhistoire. Il a écrit Le geste et la parole qu'il a subdivisé en deux ouvrages : technique et langage, La mémoire et les rythmes ; aussi en deux volumes Evolution et techniques : L'Homme et la matière, Milieu et techniques et bien d'autres ouvrages dont nous pouvons retrouver les intitulés dans son oeuvre Le geste et la parole : technique et langage.

Ce chapitre traite essentiellement des techniques d'acquisition. Ainsi, l'homme, disposant de moyens élémentaires d'action sur la matière, se livre à la fabrication des objets qui doivent lui permettre l'acquisition de produits dont la consommation assurerait son alimentation et son confort (André Leroi-Gourhan, 1992, 13). C'est dans cette optique que l'auteur a organisé ce chapitre en quatre. Mais nous nous intéressons aux deux premiers. Dans le premier, Leroi-Gourhan va répertorier les différentes armes qui ont été fabriquées par l'homme jusqu'à une certaine époque. Il pense à cet effet que « l'ensemble des moyens par lesquels on peut capturer ou tuer des êtres vivants impose deux divisions inégales : les armes et les pièges » (André Leroi-Gourhan, 1992, 14). Ce sont des moyens qui seront adaptés à une activité humaine précise. La deuxième partie de ce chapitre va justement étudier les moyens ou techniques qui sont utilisés lors de la chasse ou de la pêche. L'auteur constatera que les deux activités précipitées intègrent les poissons, la capture à la main, les animaux, chasseurs, les armes, les leurres, les pièges. Mais cela ne signifie pas les éléments utilisés sont les mêmes.

Le texte est un grand apport. Il nous permet d'avoir un regard sur la technique notamment celle qui est mise en exergue dans la chasse actuelle. Il faut dire que « L'Etat du milieu technique n'est saisissable que dans les objets qui en émanent et son évolution n'est perceptible que par des expériences isolées, partielles, qui laissent une part importante à l'interprétation » p.424. Nous comprenons que le progrès de la technique ira de paire avec celui des groupes humains. L'interprétation que nous ferrons intégrera la dynamique de ces techniques. La démarche nous impose de revenir sur les travaux de nos prédécesseurs (Leroi-Gourhan, 1992 ; Bongaatsi Eckata, 2001 ; Bahuchet, 1992; Ndong Edzang, 2001) qui ont déjà traité de techniques rudimentaires usitées par certains peuples. L'état des lieux mérite d'être faite avant toute interprétation. Les armes à feu sont l'une des armes que les chasseurs utilisent pour leur activité. C'est l'usage individuel des armes qui est amélioré. Le progrès des techniques suppose la dynamique du rapport entre l'homme et son outil. Celui-ci sera amélioré pour servir de nouveaux intérêts, pour mieux servir l'homme. Nous verrons donc de quelle façon ces outils ou ces techniques servent mieux, aujourd'hui les intérêts des groupes humains.

Philippe Descola (2005)-« Ecologie des relations : histoires de structures » in Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, pp.432-531.

Philippe Descola est professeur au Collège de France, directeur d'études à l'EHESS, et directeur du Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS). Il a passé sa thèse sous la direction de Claude Lévi-Strauss. Après plusieurs années d'enquêtes ethnographiques en Amazonie, il a été nommé à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il a été nommé professeur au Collège de France en Juin 2000. Ses recherches s'inscrivent dans le cadre de l'ethnologie des sociétés amérindiennes, de l'anthropologie comparative des modes de socialisation de la nature, de l'épistémologie et de la philosophie en sciences sociales, et de l'anthropologie cognitive. Il a notamment publié La nature domestique (Paris, 1986), Les lancés du crépuscule (Paris, 1994) et, en collaboration, Les idées de l'anthropologie (Paris, 1988), Le dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie (Paris, 1999), La remonté de l'Amazone (Paris, 1993), Nature and society (Londres, 1996) et La production du social (Paris, 1999).

Par-delà nature et culture est un ouvrage qui répond à la question du rapport étroit entre la nature et la société. L'auteur nous montre la dimension sociale ou du moins culturelle de la nature. Chaque société se représente sa nature à partir des choix qui lui-même opère. L'ouvrage comporte 5 chapitres, et c'est dans le dernier que nous avons tiré les « histoires de structures », qui est le dernier sous-titre de ce chapitre. L'auteur, dans cet extrait du livre, traite du rapport qu'un peuple peut avoir avec ses animaux, rapport qui se définit soit par la chasse ou par la domestication. Il met en évidence des « non-humains », des entités qui assureraient la protection des animaux sauvages ou domestiques. Ce sont des entités qui accordent le droit de vie ou de mort. Derrière la chasse, il y a toute une philosophie et des normes à respecter. Il est souvent évident d'utiliser d'autres moyens quand celles-ci ne sont pas respectées, ceci afin de bénéficier du pouvoir de chasser. Cette situation montre une certaine dépendance des humains envers des non-humains. Les humains ont des choix entre la chasse et la domestication d'une part, entre les animaux à domestiquer et ceux qui ne le sont pas, d'autre part. l'auteur lui-même est clair, « le monde est peuplé d'entités intentionnelles qui ont une attitude bienveillante à l'égard des humains ».

Cet extrait du livre montre que la chasse ou la domestication intègre le domaine religieux. C'est une situation observable au Gabon et dans plusieurs ethnies du pays. Le cas des fang, par exemple, qui invoquait le byeri pour que les forêts soient giboyeuses (Descola 2005, 499). Un certain nombre de rites sont passés pour rendre la forêt productive ou acquérir l'art de chasser. Chez les Pové par exemple, « une initiation est parfois nécessaire pour acquérir les qualités de chasseur. Le Pové a transféré l'image de l'arbalète sur le fusil. C'est son équivalent amélioré : les flèches empoisonnées sont remplacées par des cartouches qui sont déposées dans la corbeille des reliques afin d'augmenter leur efficacité » (Kialo, 2005, 229). Les exemples peuvent être multipliés. Notre intention n'est pas de les énumérer tous, mais justifier sur le terrain gabonais ce que Descola a fait chez les Amérindiens. Les ethnies gabonaise font appel aux non-humains dans l'activité cynégétique, en d'autres termes les opérations de l'esprit des amérindiens est comparable à celles des Gabonais. L'enquête pourra peut-être nous donner la situation des non-humains actuellement. Nous tenterons d'étudier si les chasseurs actuels intègrent les non-humains dans leur profession. On se posera alors la question de savoir, si le gibier abonde dans les marchés est-ce parce que les chasseurs intercèdent auprès de l'esprit qui gère les animaux.

1 - 2 Corpus documentaire

Roland Pourtier (1989) -  « Exploitation de la nature et élaboration de l'espace » in Le Gabon : espace - histoire - société, Paris, L'Harmattan, tome 1, pp.187-211

Roland Pourtier, docteur ès Lettres, est professeur de géographie tropicale de l'université de Paris I. il a enseigné 5 ans à l'université nationale du Gabon et s'est spécialisé dans l'étude de l'Afrique noire contemporaine où il retourne périodiquement en mission. Il est membre du Centre de Recherches Africaines et du Centre d'Etudes Africaines.

Pourtier, dans ce texte, se propose de comprendre le rapport que les populations villageoises gardent avec leur nature. Nous constatons effectivement que c'est autour de la nourriture ou de l'alimentation qu'apparaissent les premières formes d'organisation spatiale et que se nouent les premiers rapports sociaux. Son discours sera axé sur deux grands points : la forêt nourricière autour des activités de prélèvement notamment la chasse, la pêche et la cueillette ; la production agricole en termes d'espace et de rythmes. Mais l'intérêt que nous portons à ce texte se trouve lui dans la forêt nourricière qui traite de la chasse.

L'auteur, dans son propos, rappelle d'abord l'importance du gibier dans le milieu villageois et la difficulté également de développer la pratique de l'élevage. La chasse est l'une des activités qui contribuent à l'alimentation de ces peuples. Autour de cette chasse, une grande ingéniosité dans l'art de chasser c'est développée, avec la connaissance des animaux, l'habilité à les pister et à poser des pièges font de ces peuples de détenteurs d'un savoir et d'un savoir-faire relatifs à la chasse. Cette dernière a une fonction alimentaire qui est secondée par une fonction rituelle, avec la socialisation des jeunes garçons, et une fonction thérapeutique ou médecinale. De toutes les méthodes de chasse qu'il y a, la chasse collective était la méthode la plus pratiquée notamment la chasse au filet. Les techniques utilisées étaient rudimentaires pour cause de leur fabrication locale, avec des éléments que leur procure leur environnement immédiat. La chasse individuelle faisait appel aux techniques de piégeage

L'auteur va montrer les transformations qui se produiront non seulement au niveau de la chasse mais aussi au niveau de la société avec l'introduction du fusil. La chasse sera beaucoup plus individuelle que collective. Le passage d'une chasse de subsistance à une chasse commerciale est la situation que Pourtier présente dans ce document. La gestion de l'espace cynégétique n'est plus l'affaire des simples anciens mais de l'Etat supra lignager. Les croyances magico-religieuses, qui toujours imprégnèrent la chasse, contribuaient à faire respecter les interdits qui relèvent maintenant de l'interprétation individuelle.

Ce texte est important parce qu'il présente une situation transitionnelle de la pratique de la chasse au Gabon. Cette transition est manifestée par le passage d'une société lignagère, avec un mode de gestion lignager de la chasse et particulier et de la faune en général, à une société supra lignagère, l'Etat. Dans ce cadre de la question, il est nécessaire de mener une étude comparative des institutions que les deux types de sociétés précitées ont mise en place afin que la législation sur la faune et la chasse soit appliquée. Cela nous permettra peut-être de comprendre et d'expliquer pourquoi les règles coutumières sur la chasse étaient respectées, qu'est-ce qui empêcherait le respect de la loi actuelle ? On se demande si c'est l'Etat supra lignager qui n'a pas récupéré les prérogatives du lignage et les institutions qui vont avec en matière de chasse.

Bernard Boullard (1992) - « Chasse et pêche en forêt » in Petite encyclopédie de la forêt, Paris, Ellipses, pp. 200-214

Dans ce texte, l'auteur traite essentiellement de la chasse et de la pêche. Notre attention sera portée sur la chasse. Après avoir définit celle-ci, Boullard la situe dans le temps préhistorique afin de montrer qu'elle n'est pas une activité humaine récente. Il ferra alors l'histoire de la chasse européenne de la préhistoire jusqu'à nos jours. Boullard montrera la gestion de celle-ci partant de la pratique par les populations rurales, pour devenir une activité royale, un moyen de distraction pour les aristocrates. La chasse, dans sa pratique première, ou traditionnelle, remplissait des fonctions précises (l'alimentation, la protection des cultures et l'usage des peaux pour d'autres fins). L'activité cynégétique va évoluer avec le progrès des techniques. Elle deviendra une activité de loisir, de détente dans les pays du nord, avec la formation des associations de chasseurs et la création de nouvelles lois à respecter en matière de gestion de la faune. L'auteur va rappeler l'importance du piège chez certains peuples, qui connaissent préalablement les habitudes du gibier. Mais, avec les nouvelles législations des Etats, la chasse deviendra restrictive et contrôlée. Cela va engendrer le phénomène de « braconnage ».

Cet extrait du livre nous renseigne et nous aide à comprendre l'évolution de la chasse en Europe et comprendre également la législation qui s'applique à la chasse au Gabon. Nous pouvons constater dans le texte que l'activité cynégétique en Europe a été repris par les rois et leur entourage pour en faire une distraction. Une nouvelle législation sera mise en place afin d'empêcher les populations rurales de pénétrer les domaines de chasse créés à cet effet. Nous tenterons de faire des rapprochements entre les textes français avec ceux utilisés au Gabon. La démarche consiste à faire une étude historique du code forestier gabonais. Les monarchies européennes ont élaboré des codes forestiers pour servir leurs intérêts, le code forestier français appliqué au Gabon servira quels intérêts ? Plusieurs rencontres nationales ne cessent de dénoncer la caducité de la loi sur la faune et la chasse au Gabon.

Paul du Chaillu (2002)-« Excursion à la recherche du gorille et de l'ipi » in L'Afrique sauvage, Libreville, Luto, pp.41-59.

Paul Belloni du Chaillu est un explorateur et un naturaliste franco-américain. Il est connu pour être le premier Occident à avoir rencontré un gorille. A 17ans, il rejoint son père à l'actuelle Libreville et commence à apprendre les langues parlées dans sa région et à explorer l'intérieur du pays. Lors de son séjour à New-York, il publie le récit de ces notes sur le Gabon. Il obtient le soutient de l'Académy of Natural Sciences of Philadelphia pour explorer le Gabon et explore notamment les bras et les estuaires. Son récit de voyage paraît en 1861 sous le titre d'Exploitations in Equatorial Africa. Du chaillu entame 1865 une deuxième expédition pour prouver ses théories géographiques et rencontre de nombres peuples jusque là inconnus. Il fait paraître à Journey to Ashango-Land en 1867.

Ce chapitre de l'Afrique sauvage nous renseigne sur trois choses tout au plus. « Les chasseurs possèdent, par leur art, la connaissance de la forêt. Ils connaissent presque tous les rouages de celle-ci. L'auteur de cet ouvrage étant lui-même un chasseur avait pour objectif la connaissance de la forêt des peuples dont il était le hôte. L'activité exercée amène celui-ci à avoir une idée sur les espèces animales qui vivent de ces forêts. Le texte nous renseigne sur les zones de chasse, qui n'étaient pas bien loin du village. Les animaux abondaient en cette période là. Le troisième que nous avons relevé est celui de la métamorphose de certaines personnes en animaux de la forêt. Cela démontre du pouvoir que certains détiennent pour faire du mal à d'autres. C'est la situation que l'auteur nous présente dans ce chapitre « comment un homme pourrait-il se métamorphoser en léopard » par exemple ?

Les meilleurs chasseurs détiennent effectivement la connaissance de la forêt, ils en sont les maîtres parce qu'ils connaissent l'espèce animale qui y vit. Nous allons sur ce nous interroger notamment sur les noms de ces animaux. Nous tenterons de savoir si les chasseurs ne sont pas à l'origine des noms donnés aux différents animaux qui habitent la forêt. C'est un aspect de la chasse qui ne semble pas encore étudié. Discours plus sur l'art et les techniques de la chasse (Meillassoux, 1999 ; Pourtier, 1989 ; Leroi-Gourhan, 1992). Ce chapitre nous amène à des à des comparaisons également notamment sur les zones de chasse. Le constat est clair, l'activité cynégétique s'éloigne du village. Il nous permettra peut-être de comprendre et d'expliquer cette situation. Les premières hypothèses semblent nous conduire vers la pression démographique et le progrès technologique (Trefon 1999). Mais il nous reviendra préalablement de constater cela avant de prononcer sur la question. La chasse se pratique maintenant en grande forêt primaire ceci grâce à l'installation des concessions forestières sur ces lieux.

Paulin Kialo (2005) - « La double pratique de la forêt : les nouvelles pratiques de la forêt chez les Pové » in Pové et forestiers face à la forêt gabonaise. Esquisse d'une anthropologie comparée de la forêt, thèse de doctorat, Paris, Université Paris V, pp. 229-247

Paulin Kialo est docteur en anthropologie, chercheur à l'Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH), et dispense les cours au département d'anthropologie de l'Université Omar Bongo de Libreville.

La section de cette thèse comporte 4 grands points avec des sous-titres dans chacun d'eux. Nous allons plus nous intéresser à l'évolution de l'agriculture et de la chasse, qui figurent dans la première partie de la section. Dans ce texte, Paulin Kialo traite de l'évolution de l'agriculture, de la chasse et de la pêche. Mais notre intérêt se trouve lui dans l'évolution de la chasse. Le discours de l'auteur porte essentiellement sur le progrès des techniques. Il pense que le fusil du forestier serait à l'origine de la grande révolution dans la chasse, celui-ci se succèdera à l'arbalète. « Le Pové a transformé l'image de l'arbalète sur le fusil » (Paulin Kialo, 2005, 229). La technique de piégeage a tout simplement été améliorée avec l'introduction de nouveaux matériaux. Kialo va rappeler l'importance de la dimension mystique ou religieuse dans la chasse.

Ce texte nous apporte des éclaircissements sur certaines de nos positions. L'auteur analyse pertinemment la situation pové qui pourrait être élargie des ensembles plus grands. L'évolution technique observé chez les Pové est la même sur l'ensemble du pays. On pourrait admettre que l'image de l'arbalète a été transférée sur le fusil, mais l'arbalète ne s'empruntait pas, le fusil, lui, s'emprunte. Chaque chasseur avait son arbalète, mais chaque chasseur n'a pas son fusil. C'est des détail que nous tenterons d'apporter dans nos enquêtes afin d'expliquer pour le mieux cette évolution technique.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera