Première Partie : Corpus théorique et
documentaire
1 - Les chasseurs
1 - 1 Corpus théorique
Claude Levi-Strauss
(1962)-« Catégories, éléments,
espèces, nombres » in La pensée sauvage,
Paris, Plon, pp178-211.
Anthropologue français, Claude Levi-Strauss est
né à Bruxelles le 28 Novembre 1908. il fut professeur de
philosophie aux lycées de Mont- de- Marsan, puis de Laon. Membre de la
mission universitaire au Brésil et professeur de l'université de
Sao Paulo de 1935 à 1938. Il effectua plusieurs missions ethnographiques
dans le Mato Grosso puis en Amazonie. Installé à New-York aux
Etats-Unis, il enseigna à la New School for Social Research et à
l'école libre des hautes études. En France, il fut reçu
docteur ès lettres en 1948, soutenant sa thèse Les structures
élémentaires de la parenté. Il a écrit bien
d'autres ouvrages tels que La vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara
(1955), Race et histoire (1952), Tristes tropiques (1955), Anthropologie
structurale (1958) Mythologiques (1964, 1966, 1968, 1971).
La pensée sauvage est un ouvrage qui vient en
réaction à l'assertion de Lévy-Brulh qui pense que les
opérations de l'esprit des peuples dit sauvage sont la manifestation
d'une mentalité prélogique. Cet ouvrage montrera les
opérations en question sont fondamentalement du même ordre dans
toutes les sociétés. La pensée sauvage est
constituée de 9 chapitres, mais allons nous intéresser rien qu'au
cinquième. Celui-ci traite essentiellement de la taxinomie, de la
catégorisation. Il montre de quelle manière les peuples dits
sauvages structurent les éléments de la nature notamment les
animaux et les plantes. « en fin de compte, si les typologies
zoologiques et botaniques sont utilisées plus souvent et plus volontiers
que d'autres, ce ne peut être qu'en raison de leur position
intermédiaire, à égale distance logique entre les formes
extrêmes de classification, catégoriques et
singulières » p. 179. La classification de ces
éléments de la nature précise le rapport que les peuples
gardent avec leur nature. Ils se représentent celle-ci d'une
manière différente selon les sociétés. A partir des
exemples tirés chez plusieurs peuples d'Amérique, d'Afrique et
d'Asie, l'auteur remarque que les individus d'une société
structurent leur nature en catégories, éléments,
espèces et nombres sur la base de ces mêmes typologies zoologiques
et botaniques, et à partir d'un principe binaire. L'illustration est
faite par exemple sur les clans qui sont tirés des noms d'animaux.
Ce chapitre apporte des éclaircissements sur notre
sujet. Il faut rappeler que nous traitons de catégorie dans notre objet.
L'appellation « gibier »suppose qu'il y a des animaux dont
l'usage est alimentaire et d'autres pas. En d'autres termes, il y a des animaux
qu'on peut manger et d'autres qu'on ne mange pas. Le chasseur est alors
appelé à chasser les animaux qui sont prescrits comestibles par
sa société. On arrive au résultat où ce qui est
gibier pour les uns ne l'est pas pour d'autres. Cette situation reste
applicable parce que « certains animaux occupent des dispositions
totémiques, liés à des interdits
alimentaires » (Mayer, 2004,45). Les enquêtes pourront
s'appuyer sur le respect de ces interdits totémiques actuellement.
Implicitement, nous saurons les espèces animales qui sont exemptes de
chasse chez nos informateurs chasseurs. C'est aussi le moment pour nous de
faire ressortir la dynamique de ces interdits de chasse. L'animal
totémique est interdit à l'alimentation par le chasseur, est-ce
que la nouvelle forme d'économie ne pourrait-il pas l'amener à le
vendre ?
Claude Meillassoux (1974) -
« L'économie d'auto-subsistance » in Anthropologie
économique des Gouro de Côte d'Ivoire : De l'économie
de subsistance à l'agriculture commerciale, Paris, Mouton, pp.89-119
Claude Meillassoux obtient le diplôme de l'Institut
d'études politiques en 1947, puis étudie l'économie et les
sciences politiques à l'université du Michigan. En 1955,
Balandier l'engage dans le cadre du Bureau international des recherches sur les
implications sociales du développement technique de l'Unesco.
Meillassoux y découvre l'anthropologie. En 1958, Georges Balandier
l'envoie enquêter avec A. Deluz chez les Gouro de côte d'Ivoire. Il
publie à son retour « Essai d'interprétation du
phénomène économique dans les sociétés
d'autosubsistance » qui opère une révolution
épistémologique importante. S'inspirant de l'école
substantiviste, Claude Meillassoux y montre comment les aînés
dominent les cadets grâce au mécanisme de la gestion des dots.
Soutenue en 1962 et publiée en 1964, sa thèse de troisième
cycle : Anthropologie économique des Gouro de Côte d'Ivoire.
De l'économie d'autosubsistance à l'agriculture commerciale,
ouvre à une anthropologie économique marxiste.
Dans ce chapitre, l'auteur se propose d'étudier
l'économie du peuple gouro qui est basée sur l'auto-subsistance.
Celle-ci tourne autour de la chasse, l'élevage et l'agriculture. Parmi
toutes ces activités, seule la chasse fera l'objet d'un commentaire.
Dans son propos liminaire, Meillassoux présente la chasse dans sa
pratique actuelle, basée sur la réglementation de
l'activité et des techniques usitées à cet effet. Ce qui
fait de la chasse une activité de second rang. Les armes à feu,
la chasse au filet sont interdites. Ce qui était différent de la
pratique ancienne de la chasse dont le piégeage et la chasse au filet
constituaient l'occupation favorite des hommes.
Claude Meillassoux va axer son discours autour de quatre
points. Le premier traite du chasseur. Le chasseur individuel joue un grand
rôle dans la société et jouit de son autonomie et de son
art. Ce type de chasse fait appel à des techniques comme le
piégeage, la chasse à l'arc, fusil de traite, mais personnalisent
la chasse et le produit de la chasse. En revanche, la chasse collective est
d'un plus grand rendement. C'est l'action concertée de plusieurs
individus ayant pour technique principale le filet. Ce type de chasse a
l'avantage d'intégrer les membres d'une même communauté. Le
produit de la chasse celui de ladite communauté.
Dans le deuxième point, nous retrouvons la chasse au
filet, technique qui symbolise la chasse collective. Cette dernière
regroupait les hommes valides du village. Le produit de chasse était
partagé selon les groupes. Il faut signifier au préalable que la
chasse collective est toujours l'initiative d'un chasseur, qui bien avant
celle-ci consulte le devin sur l'opportunité de l'entreprise et, sur son
avis favorable. Le troisième aspect abordé est celui du
piégeage de l'éléphant. Sa pratique est aussi collective.
Le produit de la chasse était partagé de la même
façon que dans la chasse précédente. Le chasseur recevait
certaines parties du gibier, les parties les plus importantes étaient
réservées aux anciens, le reste aux villageois. Le dernier volet
abordé est le rôle social de la chasse. Le premier rôle est
économique en ce que le produit de chasse était
intégralement consommé. Le second rôle était social.
En effet, la chasse collective permettait au chasseur initiateur de la chasse
de se distinguer et si possible d'occuper une position d'autorité. La
chasse collective est un facteur de socialisation, de cohésion des
membres d'un groupe donné.
Cet extrait de texte répond à la
problématique de la dynamique de l'activité
cynégétique. Il exprime d'une part la situation
réglementaire actuelle de la chasse. La chasse est dorénavant
codifiée parce que les forêts des peuples Gouro appartiennent
à l'Etat centralisé ou du moins à une administration. La
situation est similairement vécue au Gabon. Mais l'on se demande si le
rapport à l'animal sera le même. L'enquête de terrain nous
permettra de nous prononcer sur la question. L'auteur affirme que
« diverses circonstances ont réduit la chasse à une
activité de second ordre », sur ce nous ne semblons pas
partager son sentiment. Tout le monde n'a jamais été chasseur, et
il y a des personnes qui en faisaient une profession, ce qui est toujours le
cas de nos jours. Il y a toujours une frange de personnes qui a toujours
chassé pour d'autres. Voilà pourquoi nous parlons de
« classe », parce qu'elles sont identifiables. La chasse a
connu de grands changements technologiques mais ceux-ci n'ont pas changé
totalement la structure de ses méthodes. Les enquêtes que nous
mènerons prouveront que la chasse collective, par exemple, qu'on pense
disparue pourrait exister mais en intégrant d'autres techniques que
celles usitées auparavant. Les mêmes enquêtes certifieront
que le chasseur qui était à l'origine de la création de
certains villages l'est encore de nos jours. L'exemple de Bibulu et de
l'Auberge, deux villages de chasseurs situés à
Mitzic-Ndjolé est une preuve frappante. Cet extrait de texte nous
permettra de questionner certains points non abordés ou mal
traités, ceci pour enrichir notre recherche.
Edward Evan Evans-Pritchard (1968)- Les
Nuers : description des modes de vie et des institutions politiques d'un
peuplade nilote, Paris, Gallimard
Spécialiste des populations sud-soudanaises de la
région du Nil Blanc, théoricien des systèmes de pouvoir
dans les sociétés sans Etat, inventeur d'un modèle
d'analyse comparative associant la théorie des groupes territoriaux,
Edward Evan Evans-Pritchard occupe une place décisive dans l'histoire de
l'ethnologie africaniste et dans celle de l'anthropologie politique. Son
oeuvre, sa personnalité et sa carrière l'établissent en
outre comme le fondateur incontestable de l'anthropologie structurale
britannique. Né en 1902, Evans-Pritchard étudie l'histoire
moderne à Oxford puis l'anthropologie à la London School of
Economies, où il obtient son Doctorat en 1927. Il a écrit
Systèmes politiques africains (1964), Parenté et mariage chez les
Nuer (1973), Anthropologie sociale (1969), La femme dans les
sociétés primitives et autres essais d'anthropologie sociale
(1971), La religion des primitifs à travers les théories des
anthropologues (1965).
« Le thème majeur de ce livre, c'est
celui des institutions politiques ». Mais l'auteur
lui-même constate l'étude de ces institutions politiques peut
aboutir sans tenir compte du milieu et des modes de vie. Les Nuer, comme tous
les peuples dont la civilisation matérielle est rudimentaire,
dépendent de leur milieu naturel. Ce sont des pasteurs par excellence,
ne cultivent que du maïs et du millet. Les bêtes sont leur plus
grande richesse et plus chère possession. Les guerres interethniques ont
pour cause le bétail. On obtient son mariage en le compensant par des
bestiaux. Toute leur vie se résume alors autour du bétail.
L'élevage est leur principale activité.
Cet ouvrage pose un certain nombre de questions notamment
celle de la définition d'un rapport à l'animal. Le rapport
à l'animal est fonction du peuple donné sur son milieu et sa
faune. On pourrait dire que le milieu détermine le rapport qu'une
société établit avec sa faune. Dans ce cadre
précis, les Nuer ont une propension à l'élevage
qu'à la chasse. Les conditions naturelles ne leur permettent pas de
développer l'activité cynégétique, ce qui n'est pas
le cas du Gabon. Ce qui est « gibier »pour les Gabonais ne
l'est pas pour les Nuer. Le bétail des Nuer ne saurait être
chassé pour des besoins alimentaires par exemple. Cela prouve que chaque
peuple a une représentation de son animal ou de sa faune. La
manière que les Nuer se représentent leurs bêtes n'est pas
la même que celle que les Gabonais font des leur.
André Leroi-Gourhan (1992)-«Les
techniques d'acquisition » in Milieu et technique, Paris, Albin
Michel, pp.68-92.
André Leroi-Gourhan est docteur ès lettres
(archéologie préhistorique), et ès sciences
(paléontologie), il a été sous-directeur du Musée
de l'Homme, professeur aux Facultés des Lettres et Sciences Humaines de
Lyon et de Paris, puis il a été appelé au Collège
de France à la chaire de préhistoire. Il a écrit Le geste
et la parole qu'il a subdivisé en deux ouvrages : technique et
langage, La mémoire et les rythmes ; aussi en deux volumes
Evolution et techniques : L'Homme et la matière, Milieu et
techniques et bien d'autres ouvrages dont nous pouvons retrouver les
intitulés dans son oeuvre Le geste et la parole : technique et
langage.
Ce chapitre traite essentiellement des techniques
d'acquisition. Ainsi, l'homme, disposant de moyens élémentaires
d'action sur la matière, se livre à la fabrication des objets qui
doivent lui permettre l'acquisition de produits dont la consommation assurerait
son alimentation et son confort (André Leroi-Gourhan, 1992, 13). C'est
dans cette optique que l'auteur a organisé ce chapitre en quatre. Mais
nous nous intéressons aux deux premiers. Dans le premier, Leroi-Gourhan
va répertorier les différentes armes qui ont été
fabriquées par l'homme jusqu'à une certaine époque. Il
pense à cet effet que « l'ensemble des moyens par lesquels
on peut capturer ou tuer des êtres vivants impose deux divisions
inégales : les armes et les pièges »
(André Leroi-Gourhan, 1992, 14). Ce sont des moyens qui seront
adaptés à une activité humaine précise. La
deuxième partie de ce chapitre va justement étudier les moyens ou
techniques qui sont utilisés lors de la chasse ou de la pêche.
L'auteur constatera que les deux activités précipitées
intègrent les poissons, la capture à la main, les animaux,
chasseurs, les armes, les leurres, les pièges. Mais cela ne signifie pas
les éléments utilisés sont les mêmes.
Le texte est un grand apport. Il nous permet d'avoir un
regard sur la technique notamment celle qui est mise en exergue dans la chasse
actuelle. Il faut dire que « L'Etat du milieu technique n'est
saisissable que dans les objets qui en émanent et son évolution
n'est perceptible que par des expériences isolées, partielles,
qui laissent une part importante à l'interprétation »
p.424. Nous comprenons que le progrès de la technique ira de paire avec
celui des groupes humains. L'interprétation que nous ferrons
intégrera la dynamique de ces techniques. La démarche nous impose
de revenir sur les travaux de nos prédécesseurs (Leroi-Gourhan,
1992 ; Bongaatsi Eckata, 2001 ; Bahuchet, 1992; Ndong Edzang, 2001)
qui ont déjà traité de techniques rudimentaires
usitées par certains peuples. L'état des lieux mérite
d'être faite avant toute interprétation. Les armes à feu
sont l'une des armes que les chasseurs utilisent pour leur activité.
C'est l'usage individuel des armes qui est amélioré. Le
progrès des techniques suppose la dynamique du rapport entre l'homme et
son outil. Celui-ci sera amélioré pour servir de nouveaux
intérêts, pour mieux servir l'homme. Nous verrons donc de quelle
façon ces outils ou ces techniques servent mieux, aujourd'hui les
intérêts des groupes humains.
Philippe Descola (2005)-« Ecologie
des relations : histoires de structures » in Par-delà
nature et culture, Paris, Gallimard, pp.432-531.
Philippe Descola est professeur au Collège de France,
directeur d'études à l'EHESS, et directeur du Laboratoire
d'anthropologie sociale (LAS). Il a passé sa thèse sous la
direction de Claude Lévi-Strauss. Après plusieurs années
d'enquêtes ethnographiques en Amazonie, il a été
nommé à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il a
été nommé professeur au Collège de France en Juin
2000. Ses recherches s'inscrivent dans le cadre de l'ethnologie des
sociétés amérindiennes, de l'anthropologie comparative des
modes de socialisation de la nature, de l'épistémologie et de la
philosophie en sciences sociales, et de l'anthropologie cognitive. Il a
notamment publié La nature domestique (Paris, 1986), Les
lancés du crépuscule (Paris, 1994) et, en collaboration,
Les idées de l'anthropologie (Paris, 1988), Le dictionnaire de
l'ethnologie et de l'anthropologie (Paris, 1999), La remonté de
l'Amazone (Paris, 1993), Nature and society (Londres, 1996) et La
production du social (Paris, 1999).
Par-delà nature et culture est un ouvrage qui
répond à la question du rapport étroit entre la nature et
la société. L'auteur nous montre la dimension sociale ou du moins
culturelle de la nature. Chaque société se représente sa
nature à partir des choix qui lui-même opère. L'ouvrage
comporte 5 chapitres, et c'est dans le dernier que nous avons tiré les
« histoires de structures », qui est le dernier sous-titre
de ce chapitre. L'auteur, dans cet extrait du livre, traite du rapport qu'un
peuple peut avoir avec ses animaux, rapport qui se définit soit par la
chasse ou par la domestication. Il met en évidence des
« non-humains », des entités qui assureraient la
protection des animaux sauvages ou domestiques. Ce sont des entités qui
accordent le droit de vie ou de mort. Derrière la chasse, il y a toute
une philosophie et des normes à respecter. Il est souvent évident
d'utiliser d'autres moyens quand celles-ci ne sont pas respectées, ceci
afin de bénéficier du pouvoir de chasser. Cette situation montre
une certaine dépendance des humains envers des non-humains. Les humains
ont des choix entre la chasse et la domestication d'une part, entre les animaux
à domestiquer et ceux qui ne le sont pas, d'autre part. l'auteur
lui-même est clair, « le monde est peuplé
d'entités intentionnelles qui ont une attitude bienveillante à
l'égard des humains ».
Cet extrait du livre montre que la chasse ou la domestication
intègre le domaine religieux. C'est une situation observable au Gabon et
dans plusieurs ethnies du pays. Le cas des fang, par exemple, qui invoquait le
byeri pour que les forêts soient giboyeuses (Descola 2005, 499). Un
certain nombre de rites sont passés pour rendre la forêt
productive ou acquérir l'art de chasser. Chez les Pové par
exemple, « une initiation est parfois nécessaire pour
acquérir les qualités de chasseur. Le Pové a
transféré l'image de l'arbalète sur le fusil. C'est son
équivalent amélioré : les flèches
empoisonnées sont remplacées par des cartouches qui sont
déposées dans la corbeille des reliques afin d'augmenter leur
efficacité » (Kialo, 2005, 229). Les exemples peuvent
être multipliés. Notre intention n'est pas de les
énumérer tous, mais justifier sur le terrain gabonais ce que
Descola a fait chez les Amérindiens. Les ethnies gabonaise font appel
aux non-humains dans l'activité cynégétique, en d'autres
termes les opérations de l'esprit des amérindiens est comparable
à celles des Gabonais. L'enquête pourra peut-être nous
donner la situation des non-humains actuellement. Nous tenterons
d'étudier si les chasseurs actuels intègrent les non-humains dans
leur profession. On se posera alors la question de savoir, si le gibier abonde
dans les marchés est-ce parce que les chasseurs intercèdent
auprès de l'esprit qui gère les animaux.
1 - 2 Corpus documentaire
Roland Pourtier (1989) -
« Exploitation de la nature et élaboration de
l'espace » in Le Gabon : espace - histoire -
société, Paris, L'Harmattan, tome 1, pp.187-211
Roland Pourtier, docteur ès Lettres, est professeur de
géographie tropicale de l'université de Paris I. il a
enseigné 5 ans à l'université nationale du Gabon et s'est
spécialisé dans l'étude de l'Afrique noire contemporaine
où il retourne périodiquement en mission. Il est membre du Centre
de Recherches Africaines et du Centre d'Etudes Africaines.
Pourtier, dans ce texte, se propose de comprendre le rapport
que les populations villageoises gardent avec leur nature. Nous constatons
effectivement que c'est autour de la nourriture ou de l'alimentation
qu'apparaissent les premières formes d'organisation spatiale et que se
nouent les premiers rapports sociaux. Son discours sera axé sur deux
grands points : la forêt nourricière autour des
activités de prélèvement notamment la chasse, la
pêche et la cueillette ; la production agricole en termes d'espace
et de rythmes. Mais l'intérêt que nous portons à ce texte
se trouve lui dans la forêt nourricière qui traite de la
chasse.
L'auteur, dans son propos, rappelle d'abord l'importance du
gibier dans le milieu villageois et la difficulté également de
développer la pratique de l'élevage. La chasse est l'une des
activités qui contribuent à l'alimentation de ces peuples. Autour
de cette chasse, une grande ingéniosité dans l'art de chasser
c'est développée, avec la connaissance des animaux,
l'habilité à les pister et à poser des pièges font
de ces peuples de détenteurs d'un savoir et d'un savoir-faire relatifs
à la chasse. Cette dernière a une fonction alimentaire qui est
secondée par une fonction rituelle, avec la socialisation des jeunes
garçons, et une fonction thérapeutique ou médecinale. De
toutes les méthodes de chasse qu'il y a, la chasse collective
était la méthode la plus pratiquée notamment la chasse au
filet. Les techniques utilisées étaient rudimentaires pour cause
de leur fabrication locale, avec des éléments que leur procure
leur environnement immédiat. La chasse individuelle faisait appel aux
techniques de piégeage
L'auteur va montrer les transformations qui se produiront non
seulement au niveau de la chasse mais aussi au niveau de la
société avec l'introduction du fusil. La chasse sera beaucoup
plus individuelle que collective. Le passage d'une chasse de subsistance
à une chasse commerciale est la situation que Pourtier présente
dans ce document. La gestion de l'espace cynégétique n'est plus
l'affaire des simples anciens mais de l'Etat supra lignager. Les croyances
magico-religieuses, qui toujours imprégnèrent la chasse,
contribuaient à faire respecter les interdits qui relèvent
maintenant de l'interprétation individuelle.
Ce texte est important parce qu'il présente une
situation transitionnelle de la pratique de la chasse au Gabon. Cette
transition est manifestée par le passage d'une société
lignagère, avec un mode de gestion lignager de la chasse et particulier
et de la faune en général, à une société
supra lignagère, l'Etat. Dans ce cadre de la question, il est
nécessaire de mener une étude comparative des institutions que
les deux types de sociétés précitées ont mise en
place afin que la législation sur la faune et la chasse soit
appliquée. Cela nous permettra peut-être de comprendre et
d'expliquer pourquoi les règles coutumières sur la chasse
étaient respectées, qu'est-ce qui empêcherait le respect de
la loi actuelle ? On se demande si c'est l'Etat supra lignager qui n'a pas
récupéré les prérogatives du lignage et les
institutions qui vont avec en matière de chasse.
Bernard Boullard (1992) - « Chasse
et pêche en forêt » in Petite encyclopédie de la
forêt, Paris, Ellipses, pp. 200-214
Dans ce texte, l'auteur traite essentiellement de la chasse et
de la pêche. Notre attention sera portée sur la chasse.
Après avoir définit celle-ci, Boullard la situe dans le temps
préhistorique afin de montrer qu'elle n'est pas une activité
humaine récente. Il ferra alors l'histoire de la chasse
européenne de la préhistoire jusqu'à nos jours. Boullard
montrera la gestion de celle-ci partant de la pratique par les populations
rurales, pour devenir une activité royale, un moyen de distraction pour
les aristocrates. La chasse, dans sa pratique première, ou
traditionnelle, remplissait des fonctions précises (l'alimentation, la
protection des cultures et l'usage des peaux pour d'autres fins).
L'activité cynégétique va évoluer avec le
progrès des techniques. Elle deviendra une activité de loisir, de
détente dans les pays du nord, avec la formation des associations de
chasseurs et la création de nouvelles lois à respecter en
matière de gestion de la faune. L'auteur va rappeler l'importance du
piège chez certains peuples, qui connaissent préalablement les
habitudes du gibier. Mais, avec les nouvelles législations des Etats, la
chasse deviendra restrictive et contrôlée. Cela va engendrer le
phénomène de « braconnage ».
Cet extrait du livre nous renseigne et nous aide à
comprendre l'évolution de la chasse en Europe et comprendre
également la législation qui s'applique à la chasse au
Gabon. Nous pouvons constater dans le texte que l'activité
cynégétique en Europe a été repris par les rois et
leur entourage pour en faire une distraction. Une nouvelle législation
sera mise en place afin d'empêcher les populations rurales de
pénétrer les domaines de chasse créés à cet
effet. Nous tenterons de faire des rapprochements entre les textes
français avec ceux utilisés au Gabon. La démarche consiste
à faire une étude historique du code forestier gabonais. Les
monarchies européennes ont élaboré des codes forestiers
pour servir leurs intérêts, le code forestier français
appliqué au Gabon servira quels intérêts ? Plusieurs
rencontres nationales ne cessent de dénoncer la caducité de la
loi sur la faune et la chasse au Gabon.
Paul du Chaillu (2002)-« Excursion
à la recherche du gorille et de l'ipi » in L'Afrique sauvage,
Libreville, Luto, pp.41-59.
Paul Belloni du Chaillu est un explorateur et un naturaliste
franco-américain. Il est connu pour être le premier Occident
à avoir rencontré un gorille. A 17ans, il rejoint son père
à l'actuelle Libreville et commence à apprendre les langues
parlées dans sa région et à explorer l'intérieur du
pays. Lors de son séjour à New-York, il publie le récit de
ces notes sur le Gabon. Il obtient le soutient de l'Académy of Natural
Sciences of Philadelphia pour explorer le Gabon et explore notamment les bras
et les estuaires. Son récit de voyage paraît en 1861 sous le titre
d'Exploitations in Equatorial Africa. Du chaillu entame 1865 une
deuxième expédition pour prouver ses théories
géographiques et rencontre de nombres peuples jusque là inconnus.
Il fait paraître à Journey to Ashango-Land en 1867.
Ce chapitre de l'Afrique sauvage nous renseigne sur trois
choses tout au plus. « Les chasseurs possèdent, par leur art,
la connaissance de la forêt. Ils connaissent presque tous les rouages de
celle-ci. L'auteur de cet ouvrage étant lui-même un chasseur avait
pour objectif la connaissance de la forêt des peuples dont il
était le hôte. L'activité exercée amène
celui-ci à avoir une idée sur les espèces animales qui
vivent de ces forêts. Le texte nous renseigne sur les zones de chasse,
qui n'étaient pas bien loin du village. Les animaux abondaient en cette
période là. Le troisième que nous avons relevé est
celui de la métamorphose de certaines personnes en animaux de la
forêt. Cela démontre du pouvoir que certains détiennent
pour faire du mal à d'autres. C'est la situation que l'auteur nous
présente dans ce chapitre « comment un homme pourrait-il se
métamorphoser en léopard » par exemple ?
Les meilleurs chasseurs détiennent effectivement la
connaissance de la forêt, ils en sont les maîtres parce qu'ils
connaissent l'espèce animale qui y vit. Nous allons sur ce nous
interroger notamment sur les noms de ces animaux. Nous tenterons de savoir si
les chasseurs ne sont pas à l'origine des noms donnés aux
différents animaux qui habitent la forêt. C'est un aspect de la
chasse qui ne semble pas encore étudié. Discours plus sur l'art
et les techniques de la chasse (Meillassoux, 1999 ; Pourtier, 1989 ;
Leroi-Gourhan, 1992). Ce chapitre nous amène à des à des
comparaisons également notamment sur les zones de chasse. Le constat est
clair, l'activité cynégétique s'éloigne du village.
Il nous permettra peut-être de comprendre et d'expliquer cette situation.
Les premières hypothèses semblent nous conduire vers la pression
démographique et le progrès technologique (Trefon 1999). Mais il
nous reviendra préalablement de constater cela avant de prononcer sur la
question. La chasse se pratique maintenant en grande forêt primaire ceci
grâce à l'installation des concessions forestières sur ces
lieux.
Paulin Kialo (2005) - « La double
pratique de la forêt : les nouvelles pratiques de la forêt
chez les Pové » in Pové et forestiers face à la
forêt gabonaise. Esquisse d'une anthropologie comparée de la
forêt, thèse de doctorat, Paris, Université Paris V, pp.
229-247
Paulin Kialo est docteur en anthropologie, chercheur à
l'Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH), et dispense les cours au
département d'anthropologie de l'Université Omar Bongo de
Libreville.
La section de cette thèse comporte 4 grands points
avec des sous-titres dans chacun d'eux. Nous allons plus nous intéresser
à l'évolution de l'agriculture et de la chasse, qui figurent dans
la première partie de la section. Dans ce texte, Paulin Kialo traite de
l'évolution de l'agriculture, de la chasse et de la pêche. Mais
notre intérêt se trouve lui dans l'évolution de la chasse.
Le discours de l'auteur porte essentiellement sur le progrès des
techniques. Il pense que le fusil du forestier serait à l'origine de la
grande révolution dans la chasse, celui-ci se succèdera à
l'arbalète. « Le Pové a transformé l'image
de l'arbalète sur le fusil » (Paulin Kialo, 2005, 229).
La technique de piégeage a tout simplement été
améliorée avec l'introduction de nouveaux matériaux. Kialo
va rappeler l'importance de la dimension mystique ou religieuse dans la
chasse.
Ce texte nous apporte des éclaircissements sur
certaines de nos positions. L'auteur analyse pertinemment la situation
pové qui pourrait être élargie des ensembles plus grands.
L'évolution technique observé chez les Pové est la
même sur l'ensemble du pays. On pourrait admettre que l'image de
l'arbalète a été transférée sur le fusil,
mais l'arbalète ne s'empruntait pas, le fusil, lui, s'emprunte. Chaque
chasseur avait son arbalète, mais chaque chasseur n'a pas son fusil.
C'est des détail que nous tenterons d'apporter dans nos enquêtes
afin d'expliquer pour le mieux cette évolution technique.
|
|