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La permanence de la qualité d'associé

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par Inès KAMOUN
Faculté de Droit de Sfax - Mastère en droit des affaires 2006
  

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Paragraphe 1 : L'exclusion liée à la variabilité du capital social243(*

Dans certaines sociétés, l'exclusion découle du type de la société. Il en est ainsi dans les sociétés à capital variable244(*). Ainsi, aux termes de l'art. 407, al. 5 du C.S.C., « il pourra être stipulé dans les statuts que l'assemblée générale aura le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société »245(*). Le même article ajoute que l'associé qui cessera de faire partie de la société « par suite de décision de l'assemblée générale, restera tenu, pendant cinq ans envers les associés et les tiers, de toutes les obligations existantes au moment de son retrait246(*), et ce, dans la limite des sommes qui lui auront été restituées avant son départ ».

L'art. 407 susvisé suscite les remarques suivantes :

D'abord, les sociétés à capital variable sont autorisées, par disposition de la loi, à insérer dans leurs statuts une clause d'exclusion. Une telle faculté est importante pour la société. Celle-ci peut, en effet, l'utiliser afin de sauvegarder son intérêt lorsque la présence d'un ou de plusieurs associés y porterait atteinte. Mais l'exclusion sans clause est-elle possible ? Si les fondateurs de la société n'ont pas prévu la faculté d'exclusion, la société peut-elle malgré cela utiliser ce mécanisme ? Cette question mérite d'être posée parce que les nécessités de la vie sociale pourraient, en pratique, amener certaines sociétés à décider une exclusion en l'absence de toute clause.

Un auteur considère que « la réponse paraît devoir être positive puisque le législateur ne subordonne pas l'élimination d'un associé à l'existence effective d'une clause »247(*). Mais cette position n'emporte pas la conviction pour deux raisons. D'une part, à s'en tenir à la lettre de l'article 407 susvisé - qui emploie l'expression « il pourra être stipulé dans les statuts » - l'exclusion est sans aucun doute subordonnée à l'existence d'une stipulation statutaire. D'autre part, le fait qu'on soit en présence d'une société à capital variable ne change rien. La clause ne peut être considérée comme tacite, sous-entendue puisque l'exclusion d'un associé n'est pas de l'essence de cette société248(*). L'exigence d'une stipulation statutaire apparaît, d'ailleurs, clairement dans un jugement du Tribunal civil de la Seine249(*) qui avait considéré qu'un associé d'une société à capital variable « n'a pu être exclu de la société par la volonté de celle-ci, puisque ses statuts n'autorisaient pas cette mesure... il peut être contraint à s'en retirer pourvu que... les statuts autorisent pareille stipulation »250(*).

Ensuite, la décision d'exclusion d'un associé est, selon l'art. 407 du C.S.C., du ressort de l'assemblée générale. L'application de ce texte entraîne deux séries de conséquences. D'une part, l'intervention de l'assemblée générale est nécessaire ce qui rend nulle l'exclusion de plein droit d'un actionnaire. En effet, le fait qu'un motif d'exclusion ait été indiqué dans les statuts ne peut dispenser l'assemblée générale de prononcer cette mesure. Même lorsque l'exclusion paraît inéluctable, elle doit être prononcée par l'assemblée générale251(*). D'autre part, l'assemblée générale dispose d'une compétence exclusive pour décider l'exclusion, ce qui exclut la compétence de tout autre organe de la société. En effet, en présence d'une clause statutaire d'exclusion, l'art. 407 précité ne laisse pas toute latitude à la société pour prendre la décision. Aux termes de l'alinéa 5 de cet article, « l'assemblée générale aura le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts252(*), que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société ». Les termes de ce texte ne sont pas équivoques et permettent de réputer nulle toute clause statutaire qui confère le droit de prononcer l'exclusion au conseil d'administration ou au directoire.

Il est aussi à remarquer que l'art. 407 précité ne précise pas si la décision de l'assemblée générale doit être motivée253(*). Est-ce à dire qu'une décision d'exclusion non motivée soit valable ? Selon certains auteurs, cette réglementation particulière de la variabilité du capital social « se caractérise par une grande souplesse laissée à l'assemblée générale des actionnaires de décider discrétionnairement l'exclusion d'un associé sans qu'il soit nécessaire que cette décision ne soit motivée. Ce texte n'impose aucune liste limitative des motifs d'exclusion qui peuvent être retenus. Il n'exige pas non plus que ces motifs soient déterminés dans les statuts »254(*). Cependant, le silence du texte quant aux motifs de l'exclusion n'est pas un argument suffisant pour conférer à l'assemblée générale un pouvoir discrétionnaire en la matière255(*). En effet, reconnaître à cet organe le pouvoir d'exclure un associé sans juste motif soumet les associés au risque de l'exclusion ad nutum256(*). Or, celle-ci contredit le droit de l'associé de rester dans la société257(*) et peut être qualifiée d'abusive258(*). Le caractère abusif de l'exclusion ad nutum a, d'ailleurs, été affirmé par un arrêt de la Cour de cassation française en date du 21 octobre 1997259(*).

Enfin, l'associé qui cesse de faire partie de la société du fait de son exclusion ne cesse pas pour autant d'être tenu de certaines obligations. En effet, l'art. 407 du C.S.C. dispose, dans son al. 5, que l'associé qui cessera de faire partie de la société « par suite de décision de l'assemblée générale, restera tenu, pendant cinq ans envers les associés et les tiers, de toutes les obligations existantes au moment de son retrait260(*) et ce, dans la limite des sommes qui lui auront été restituées avant son départ »261(*).

Ainsi, l'exclusion d'un associé peut-elle être liée au type de la société dont il est membre. En outre, certaines opérations réalisées par celle-ci sur son capital peuvent entraîner ladite mesure.

* 243 La variabilité du capital social peut être définie comme étant une modalité statutaire ayant « pour effet de permettre l'adjonction d'apports nouveaux ou la restitution des apports, des adhésions nouvelles ou les retraites (volontaires ou forcées) d'associés, sans cession de parts sociales ni modification des statuts », Sabine DANA-DEMARET, Le capital social, op. cit., p. 292, n° 265. Il est à noter que les sociétés à capital variable objet de notre étude sont celles de droit commun. Par ailleurs, l'exclusion d'un associé est possible dans d'autres sociétés à capital variable telles que les coopératives. A cet égard, la loi portant statut général de la coopération dispose, dans son art. 14, que « peut être exclu dans les conditions prévues à l'article 13 ci-dessus... tout coopérateur qui agit d'une façon contraire aux statuts de la coopérative ou qui porte atteinte aux intérêts moraux et matériels de celle-ci... », Loi n° 67-4 du 19 janvier 1967, portant statut général de la coopération, J.O.R.T. du 20-24 janvier 1967, p. 71.

* 244 L'art. 407 du C.S.C. dispose, dans son al. 1er, qu' « il peut être stipulé dans les statuts des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions, que le capital sera susceptible d'augmentation par des versements successifs faits par les associés ou l'admission d'associés nouveaux et de diminution par suite du retrait total ou partiel que les associés font de leurs apports ». En France, l'art. L. 231-1 du C. com. dispose qu'« il peut être stipulé dans les statuts des sociétés qui n'ont pas la forme de société anonyme ainsi que dans toute société coopérative que le capital social est susceptible d'augmentation par des versements successifs des associés ou l'admission d'associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués ». A cet égard, une société a intérêt à insérer une telle stipulation lorsqu'elle prévoit des changements fréquents de ses membres. Il est à remarquer que les sociétés à capital variable ne constituent pas une forme de société mais plutôt un type de société. En effet, la variabilité du capital social n'est qu'une modalité susceptible d'être adoptée par les sociétés par actions.

* 245 Cette possibilité était prévue par l'ancien art. 148 du C. com. qui disposait qu'« il peut être stipulé que l'assemblée générale aura le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société ». En droit français, cette possibilité est prévue par l'art. L. 231-6, al. 2 du C. com. Il est à noter qu'en France, l'art. 227-16 du C. com. prévoit la possibilité d'insérer une clause d'exclusion dans les statuts de la société par actions simplifiée (S.A.S.).

* 246 Le mot « retrait » s'entend ici de départ et non de retrait au sens strict du terme.

* 247 Khalifa KHARROUBI, Le renouveau de l'intuitus personae dans les sociétés par actions, R.T.D. 2000, p. 255. Dans le même sens, v. en droit français Poitiers, 11 mars 1925, Sirey 1926, I, p. 101 ; Rev. soc. 1925, p. 230.

* 248 Et ce contrairement au droit de retrait considéré par la doctrine et la jurisprudence comme étant de l'essence des sociétés à capital variable. V. Bernard CAILLAUD, L'exclusion d'un associé dans les sociétés, op. cit., p. 25, 26 et 34. Selon cet auteur, « l'exclusion n'est pas de l'essence de la société à capital variable, comme l'est la retraite volontaire le droit de retrait « est de l'essence même de la société à capital variable ». En revanche, l'exclusion demeure « hors de la nature même » de ladite société.

* 249 Trib. civ. Seine, 15 avril 1897, Journal des sociétés 1897, p. 326, cité par Bernard CAILLAUD, L'exclusion d'un associé dans les sociétés, op. cit., p. 34. V., dans le même sens, D. VELARDOCCHIO, note sous Cass. com., 21 octobre 1997, J.C.P., éd. G, 1998, II, 10047, p. 559. Selon cet auteur, « si l'associé d'une société à capital variable dispose d'un droit légal de retrait qu'il peut exercer à sa guise sans avoir à exciper d'un juste motif de retrait, le pouvoir d'exclure conféré à l'assemblée générale doit résulter d'une clause statutaire ».

* 250 Il s'agit certes d'une décision française mais la question se pose dans les mêmes termes en droit tunisien.

* 251 Bernard CAILLAUD, L'exclusion d'un associé dans les sociétés, op. cit., p. 40.

* 252 Il ne suffit pas que l'assemblée générale réponde aux exigences concernant la majorité. Il est nécessaire, en outre, que la décision qui en émane résulte d'une procédure régulière.

* 253 Sur les motifs d'exclusion, v. infra p. 91 et s.

* 254 Khalifa KHARROUBI, Le renouveau de l'intuitus personae dans les sociétés par actions, art. préc. V., dans le même sens, Latifa GHARBI, L'exclusion d'un associé des sociétés, mémoire préc., p. 40 et 41.

* 255 V. en ce sens, D. VELARDOCCHIO, note sous Cass. com., 21 octobre 1997, J.C.P., éd. G, 1998, II, 10047, p. 559. Selon cet auteur, « le pouvoir d'exclure conféré à l'assemblée générale doit résulter d'une clause statutaire et l'assemblée ne peut exercer ce pouvoir de façon discrétionnaire ».

* 256 L'exclusion ad nutum signifie la libre exclusion, c'est-à-dire à tout moment, sans précision de motifs. Elle peut découler du simple fait que l'associé a cessé de plaire, ce qui souligne la précarité de la qualité d'associé.

* 257 Le droit de l'associé de rester dans la société est unanimement qualifié par la doctrine et la jurisprudence comme étant fondamental. V. en droit français A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN, Chronique droit des sociétés, J.C.P., éd. E, 1990, II, 15677. S'il est vrai qu'il n'est pas absolu, les exceptions affectant ce droit doivent être interprétées d'une manière restrictive.

* 258 L'exclusion abusive s'expose alors à une éventuelle annulation par le juge. V. les développements ultérieurs sur le contrôle judiciaire de l'exclusion, infra p. 85 et s.

* 259 V. infra p. 85 et 86.

* 260 On vise par là le fait pour un associé de quitter la société et non pas le retrait au sens strict.

* 261 La loi portant statut général de la coopération dispose aussi, dans son article 15, que « tout membre qui cesse d'être adhérent à la coopérative quel qu'en soit le motif, demeure lié par ses engagements pendant cinq ans dans la limite de sa participation au capital vis-à-vis des créanciers de la coopérative au moment où il a cessé d'y être adhérent et ce, sans préjudice des engagements qu'il a, le cas échéant, contractés solidairement dans le cadre des activités de la coopérative », Loi n° 67-4 du 19 janvier 1967, portant statut général de la coopération, J.O.R.T. du 20-24 janvier 1967, p. 71.

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