L'effet dissuasif de la justice pénale internationale, cas du TPIR et de la CPI( Télécharger le fichier original )par Jean-Damascène NYANDWI Université libre de Kigali - Licence en Droit 2007 |
III.4.2.2.2 Incompatibilité de la non-rétroactivité avec l'imprescriptibilité des crimes graves
L'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité a été affirmée par la Convention des Nations Unies du 26 novembre 1968. Les crimes visés dans cette Convention sont les crimes de guerre, incluant expressément les infractions graves aux Conventions de Genève, les crimes contre l'humanité, commis en temps de paix ou en temps de guerre, y compris l'apartheid et le génocide. Cette Convention a un effet rétroactif dans la mesure où elle abolit toute prescription intervenue en vertu d'une loi ou d'une autre norme. En outre, il est prévu que « dans aucune des déclarations solennelles, actes et Convention visant la poursuite et la répression des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, il n'a été prévu de limitation dans le temps »125(*). En plus, cette Convention ajoute que ces crimes sont imprescriptibles quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis126(*). La notion d'imprescriptibilité a également été abordée au plan régional, au sein de la Convention du Conseil de l'Europe du 25 janvier 1974 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Cette Convention ne s'attache qu'aux crimes contre l'humanité prévus par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948. Au sens de cette Convention, l'imprescriptibilité ne s'attache qu'aux infractions revêtant une gravite particulière. Considérant la compétence ratione temporis du TPIR, bien qu'elle rétroagisse puisqu'elle concerne des faits antérieurs à la création du TPIR, n'inclut cependant pas les actes antérieurs au 1er janvier 1994 quand bien même on peut avoir des éléments de preuve pouvant établir que le génocide des Tutsis du Rwanda ainsi que les crimes contre l'humanité ont commencé avant cette date. Ainsi donc, pour le cas du TPIR, le constat est que la rétroactivité est admise mais elle reste insuffisante. Quant à la CPI, le Statut de Rome donne compétence à celle-ci juste à partir de la date de son entrée en vigueur. Il y a lieu de se demander avec le Professeur Serge SUR si « cette non rétroactivité est dans son esprit bien cohérente avec le caractère imprescriptible des crimes visés »127(*). A notre avis, nous estimons que cette non rétroactivité des compétences ratione temporis des deux juridictions internationales à savoir le TPIR et la CPI nourrit la culture de l'impunité. Qui plus est, elle va à l'encontre de la volonté exprimée par les Etats signataires de la Convention susmentionnée du 26 novembre 1968 qui voulaient qu'on n'applique pas des règles de droit interne relatives à la prescription aux crimes graves parce que cela empêcherait que les personnes responsables de ces crimes ne seraient pas poursuivies et punies. La conséquence majeure c'est qu'au Rwanda, seuls les simples exécutants répondront de leurs actes d'avant le 1er janvier 1994 en application de la loi organique précédemment mentionnée et les personnes sur lesquelles pèse la plus lourde responsabilité et ayant fui l'Etat rwandais risquent de ne pas être arrêtées et poursuivies puisque le gouvernement rwandais n'en aura pas les moyens. * 125 Préambule de la convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité du 26 novembre 1968. ( 2ème Rappelant). * 126 Idem, Article Premier. * 127 Le droit international pénal entre l'Etat et la société internationale, Rapport présenté par le Professeur Serge SUR lors du colloque sur «l'internationalisation du droit pénal», Faculté de droit de l'Université de Genève, du 16 au 17 mars 2001, disponible sur http://www.ridi.org/ardi, consulté le 16 mai 2007. |
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