L'effet dissuasif de la justice pénale internationale, cas du TPIR et de la CPI( Télécharger le fichier original )par Jean-Damascène NYANDWI Université libre de Kigali - Licence en Droit 2007 |
III.4.2 La compétence ratione temporis du TPIR et de la CPIIII.4.2.1 La compétence ratione temporis du TPIRSelon son statut, le TPIR est compétent pour les crimes contre l'humanité, actes de génocide et infractions graves aux Conventions de Genève et à l'article 3 commun à celles-ci commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Cette compétence permet au TPIR de pouvoir juger rétroactivement. Il peut donc connaître des crimes commis avant sa création. Cependant, cette rétroactivité est limitée puisqu'elle ne va pas très loin pour embrasser les actes d'incitation, de propagande et de préparation commis avant le 1er janvier 1994. En outre, après le 31 décembre 1994, les miliciens Interahamwe ont continué à commettre des crimes de droit international sur les territoires d'Etats où ils s'étaient réfugiés, notamment en République démocratique du Congo. Et de là, ils ont tenté à plusieurs reprises de revenir sur le territoire du Rwanda pour parachever leur plan macabre, en s'attaquant aux personnes civiles, en ciblant les rescapés du génocide. Cette limitation de compétence a fait que le Rwanda a voté contre la Résolution instituant le TPIR, bien que le TPIR ait été créé sur demande de son gouvernement, parce qu'elle ne couvre pas toute la période de préparation du génocide121(*). Le Rwanda proposait que cette compétence commence à partir du 1er janvier 1990. En effet, il y a donc lieu de se demander si le génocide d'une ampleur aussi horrible a été préparé pendant trois mois seulement. Dans notre entendement, nous croyons que beaucoup de personnes ayant joué un rôle important dans la préparation du génocide avant le 1er janvier 1994 ne seront pas inquiétées et resteront impunies. Il en est de même pour celles qui ont commis des crimes graves après le 31 décembre 1994. Pour ce qui est du TPIY, la compétence dans le temps de cette juridiction est plus ou moins ouverte par rapport à celle du TPIR. En effet, elle a un début précis ( le 1er janvier 1991 ) et elle reste ouverte122(*). L'on peut conclure que la raison en est que la Résolution créant le TPIY a été adoptée quand le conflit yougoslave faisait rage. Nous pouvons donc affirmer que très peu de grands criminels ayant commis les violations relevant de la compétence du TPIY auront la chance de se soustraire à la justice. III.4.2.2 La compétence ratione temporis de la CPIIII.4.2.2.1 La non rétroactivité du Statut de RomeLes dispositions du premier alinéa de l'article 24 du Statut de la CPI traduisent clairement la non-rétroactivité. Selon cet article, « nul n'est pénalement responsable, en vertu du présent Statut, pour un comportement antérieur à l'entrée en vigueur du Statut » c'est-à-dire qu'elle est compétente pour les actes commis après le 1er juillet 2002. Il est vrai qu'en général la loi pénale n'a pas d'effet rétroactif. Mais elle peut en avoir si le législateur l'a expressément prévu. Toutefois, cette rétroactivité ne doit pas avoir pour effet l'aggravation des situations des personnes dont les poursuites étaient en cours. Ainsi le législateur rwandais a voulu que la Loi organique n°40/2000 du 26 janvier 2001 portant création « des juridictions Gacaca » et organisant les poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité, commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 rétroagisse123(*), puisqu'elle couvre les faits antérieurs à 1994, année au cours de la quelle le génocide contre les Tutsis du Rwanda a été commis. Le législateur était animé d'une intention de réprimer tout acte qui entre dans la préparation du génocide. Si le Statut de la CPI rétroagissait, de nombreuses personnes responsables de violations graves, dont les anciens dictateurs qui ont fui leurs pays, seraient jugés pour leurs forfaits. Qui plus est, il n'y aurait aucune d'entre elles qui pourrait échapper à la justice, puisque les juridictions nationales ne disposent pas de moyens suffisants pour les poursuivre ou ne veulent pas le faire. Beaucoup de personnes qui ont commis des crimes graves avant l'entrée en vigueur de la CPI ne seront donc pas inquiétées et resteront impunies pour trois raisons : soit parce que le Statut de la CPI n'est pas rétroactif, soit parce qu'elles sont couvertes par leurs propres Etats par l'absolution légale de leurs crimes communément appelée « Lois d'amnistie » adoptées pour être le prix de la reddition ou de la réconciliation des acteurs politiques impliqués dans ces crimes124(*), soit enfin parce que les Etats dont les juridictions jouissent de la compétence universelle ne sont pas intéressés à poursuivre les personnes non ressortissantes de leurs pays, d'autant plus que les victimes ne sont pas, non plus, ressortissantes de ces pays. * 121 FARNEL, S., Les Français devant les tribunaux ?Disponible sur www.menapress.com/article.php?sid=1171, consulté le 13 septembre 2007. * 122 Article premier du Statut du TPIY. * 123 Loi Organique n°40/2000 du 26 janvier 2000 telle que modifiée jusqu'à ce jour, Article Premier. * 124 La justice pénale internationale dans le contexte des grands lacs : Discours de Dr Ahmed Iyane Sow, chef des services juridiques et programme de stages au TPIR, lors de l'atelier sur l'intégration des droits de l'homme dans le processus de la conférence internationale sur la paix , la sécurité , la démocratie et le développement dans la région des grands lacs, Yaoundé, du 17 au 19 mai 2004. |
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