La condition juridique du salarié dans les procédures collectives( Télécharger le fichier original )par Cyrille MONKAM Université de Douala - DEA 2005 |
B - L'IMPLICATION DU SALARIE DANS LA SAUVEGARDEDE L'EMPLOILes salariés doivent être considérés comme des acteurs à part entière de l'entreprise en difficulté. Pour ce fait, ils doivent être associés à la gestion et beaucoup plus au contrôle de la gestion de l'entreprise. L'exercice de ce pouvoir de contrôle passera par un élargissement de leurs droits et surtout par une reconnaissance des droits collectifs aux salariés.52(*) On peut tout de même à titre de droit comparé, regretter l'absence dans notre droit d'une structure à l'instar du comité d'entreprise. Par conséquent, pour sécuriser leurs conditions, ils doivent s'impliquer tant dans la prévention (1) que dans le traitement des difficultés de l'entreprise (2). 1- Dans la prévention des difficultés Le sauvetage de l'entreprise et dont de l'emploi est un principe dans les procédures collectives. Celui-ci peut découler de diverses mesures et devrait provenir de tous les acteurs sociaux y compris les salariés. Ce sauvetage consistera à la prise de certaines mesures visant à prévenir ces difficultés. En effet, la prévention des difficultés des entreprises peut s'entendre comme l'ensemble des mesures visant à empêcher, ou tout au moins à limiter la survenance de celles-ci en s'efforçant d'en supprimer les causes et les moyens. Une interprétation hardie de l'Article 29 de l'AUPCAP permet de penser aux institutions représentatives du personnel.53(*) Il en ressort que la prévention peut consister en l'information (a) ou à la mise en oeuvre de la procédure d'alerte (b). a- Le droit d'information L'arsenal juridique de la prévention par l'information des salariés est constitué des Articles 29 et 128 du code de travail de 1992. En effet, l'Article 29 prévoit que la mise en vigueur et la modification du règlement intérieur doivent être communiquées aux délégués du personnel pour avis. Il s'agit d'une occasion pour ceux-ci d'attirer l'attention de l'employeur sur les conditions de travail et les éventuelles suggestions pouvant participer à l'amélioration de celles-ci. L'information viserait les faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation de l'entreprise.54(*) Mais, l'ensemble des textes législatifs ne prévoit pas de disposition faisant obligation aux dirigeants d'informer le personnel salarié de leur entreprise. Ces dirigeants ne rendent pas compte aux personnes qu'ils emploient. Cette situation est sans doute due au lien de subordination qui existe entre ceux-ci. Au-delà de ce critère légal, l'entreprise devrait être un milieu dont l'évolution des résultats rythme avec collaboration et concertation entre les différents membres. Cette collaboration pourrait passer par une association des salariés à la gestion de l'entreprise. A défaut d'être fait de façon individuelle, elle pourrait s'effectuer par les biais de leurs représentants. En somme il s'agira de mettre sur pied, malgré les dangers qu'elle présente pour les patrons, une sorte de co-gestion avec pouvoir de décision définitif aux dirigeants.55(*) L'alerte participe aussi à cette prévention. b-Le droit d'alerte Une autre possibilité pouvant permettre aux salariés de prévenir serait de tirer l'alarme en cas d'informations préoccupantes. Il faut reconnaître que le législateur 56(*)donne la possibilité d'exercer cette procédure aux seuls associés et aux commissaires aux comptes. Mais, de l'Article 29 de l'AUPCAP, on pourrait admettre ce droit aux institutions représentatives du personnel, c'est-à-dire aux salariés. Il s'agit en gros pour les délégués du personnel de saisir l'employeur sur tout fait juridique, comptable ou financier susceptible de porter atteinte aux droits à l'emploi et au salaire. Sera susceptible d'alerte, tout fait de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise. Cette demande sera examinée de façon minutieuse par l'employeur qui se doit de donner une réponse satisfaisante aux représentants du personnel. La reconnaissance du droit d'alerte aux salariés est d'autant plus utile que ceux-ci sont à même de percevoir très tôt les difficultés et de concevoir certaines solutions dont la connaissance passera par leur adhésion à l'effort de redressement de l'entreprise. L'alerte sera une mesure d'information des salariés sur les solutions envisagées par l'employeur pour assurer la continuité de l'activité de l'entreprise. Mais, en attendant qu'un tel droit soit reconnu aux salariés, on peut regretter le fait que le législateur OHADA n'ait pas dans l'AUPCAP repris l'alerte parmi les mesures préventives des difficultés des entreprises. Vivement que les réformes postérieures répondent à nos préoccupations.
En dehors de ce rôle actif qui devrait être reconnu aux salariés au stade de la prévention des difficultés, leur participation serait d'un apport certain dans le traitement de ces difficultés. 2- Dans le traitement des difficultés En principe, les délégués du personnel n'ont pas le pouvoir de demander l'ouverture d'une procédure collective. Leur pouvoir se limite à la communication au président du tribunal ou au procureur de la république tout fait révélant la cessation des paiements de l'entreprise. Cependant, dès que la procédure est ouverte, ils peuvent exercer des voies de recours contre certaines décisions. Il peut s'agir de l'appel contre les décisions arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou celles les modifiant. Mais véritablement, les salariés ne pourront participer au traitement des difficultés que s'il leur est reconnu un droit de consultation (a), un droit de reprise (b) et une possible participation financière (c). a- Un droit de consultation La brèche ouverte par les textes devrait être élargie afin que la consultation des salariés soit une réalité. En effet, les délégués du personnel sont associés à la procédure de licenciement pour motif économique initié par l'employeur.57(*) Il est aussi imposé au syndic, pour le même motif dans le redressement judiciaire de recevoir les avis des délégués du personnel.58(*) Dans les entreprises n'ayant pas de délégués du personnel, la recherche de la survie de l'entreprise se fera avec toute la collectivité du personnel de l'entreprise. Le législateur devrait cependant multiplier les hypothèses dans lesquelles les salariés doivent donner leur avis. Cette extension leur permettra de mieux défendre leurs droits et intérêts. Ces hypothèses s'étendront de l'élaboration du plan de redressement à la liquidation en passant par le suivi de la procédure.
Pour faire respecter ce droit, le législateur devrait l'assortir des sanctions en cas de non-respect. Il pourra s'agir des sanctions civiles59(*)ou des sanctions pénales60(*). Ceci est d'autant plus justifié qu'en tant que mandataire, le syndic doit répondre de sa gestion aux mandants. b- Un droit de reprise Ce droit peut être exercé lorsque l'entreprise a besoin des fonds pour survivre. Ainsi par le biais de la privatisation61(*), les salariés peuvent eux même participer au sauvetage de l'unité économique et sociale visée. Conformément à cette loi, les salariés peuvent procéder au rachat total ou partiel de l'entreprise en difficulté. Ce fut le cas de la Cameroon Shipping Line qui a été rachetée en partie par des actions souscrites et libérées de ses salariés à l'initiative du directeur général de la société.62(*) Il est vrai que cette solution ne pourra pas passer dans le secteur privé à cause du caractère familial de la plupart des entreprises sous régionales. Une seule participation financière des salariés pourrait être admise. c - une possible participation financière du salarié Mesure en vigueur dans les droits étrangers63(*), la participation est l'expression du caractère d'associé du salarié au sein de l'entreprise. Il faudrait alors que les mesures concordataires prévoient cette possibilité afin que les activités soient restaurées. Cette situation peut être combinée à l'intéressement qui est une forme d'association des salariés aux gains de productivité de l'entreprise. L'influence de ces mesures ne tardera pas à se faire ressentir sur le rendement des salariés. En effet, certains d'être des bénéficiaires de l'accroissement, ils redoubleront d'ardeur au travail. L'implication du salarié dans la gestion de l'entreprise se fera avec une intervention énergique du législateur.
Si par contre, le salarié n'arrive pas à sauvegarder son emploi même avec son intervention, il se contentera de jouir librement des droits qui découlent de la qualité de sa créance ; créance qui bénéficie d'un traitement particulier. CHAPITRE 2 : La protection du salarié à travers la particularité du traitement de sa créance de salaire
Généralement, lorsque les difficultés apparaissent au sein de l'entreprise, le paiement des salaires devient hypothétique. Ainsi, l'entreprise accumule les factures impayées, les arriérés des salaires et des dettes diverses. La persistance de ces difficultés occasionne l'ouverture d'une procédure au cours de laquelle de nouvelles créances salariales naîtront. Alors, le travailleur sera fondé à entrer en possession de ce qui lui revient en contrepartie du service fait. En effet, compte tenu du lien de subordination qui l'unit à son employeur, le salarié se présente comme une partie faible au contrat. Sa protection s'avère dés lors comme une nécessité. Elle devient même impérieuse du fait de la fonction vitale que remplit le salaire. Ce dernier élément permet de rechercher, à la fois la stabilité voire l'équilibre dans sa famille et dans une mesure large, la préservation de la dignité humaine64(*). C'est dire que le salaire doit assurer dans les conditions décentes65(*)et par un versement régulier, la subsistance du travailleur et de ceux qui dépendent de lui. Cette importance du salaire est réitérée par les conventions internationales.66(*) C'est soucieux de toutes ces réalités que le législateur a entendu sécuriser la créance de salaire contre les aléas découlant des procédures collectives (Section 1ere). Cependant, cette sécurisation n'empêche pas totalement que certains obstacles (Section 2) viennent menacer l'efficacité des garanties accordées aux salariés. * 52 Notons à cet effet que l'un des reproches qui a été adressé au législateur OHADA est de n'avoir pas suffisamment confier un rôle aussi important aux salariés dans les entreprises. * 53 La seule institution prévue par notre législateur est celle des délégués du personnel. * 54 Cass. Soc. 19 fev. 2002; Cass. Soc. 11 mars 2003. * 55 Voir à ce propos, MAURO, la co-gestion en droit allemand cité par KEM TCHEKEM op. Cit. p.48. * 56 En France, cette procédure est reconnue aux salariés par l'article L 435-5 C.T et la loi du 1er mars 1984 sur la prévention et le règlement amiable les difficultés des entreprises. * 57 Art 40 code de travail. * 58 cf. art 110 al 4 de l' AUPCAP. * 59 Ce peut être des dommages intérêts. * 60 Le juge peut qualifier le défaut de consultation comme un délit d'entrave aux fonctions des représentants du personnel, cf. Cass. Crim. 4 mai 1971, J.C.P, 16888. * 61 Il s'agit beaucoup plus des entreprises du secteur public et parapublic, cf. loi n° 90/004 du 22 juin 1990. * 62 cf. Cameroun Tribune, n°2774 du 26 novembre 1997, p.2 cité par KEM TCHEKEM (B) p.63. * 63 Cf. la loi française du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise. * 64 Pour une meilleure appréhension de cette notion en droit du travail, voir NGUIHE KANTE (P), Dignité humaine et formes d'embauche en droit Camerounais du travail in juridis périodique n°53, janv-fev-mars 2003, p.83. * 65 Voir art 23 al.3 DUDH. * 66 Voir convention n°95 sur la protection du salaire du 1er juillet 1949, art 11 al.1er... |
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