La condition juridique du salarié dans les procédures collectives( Télécharger le fichier original )par Cyrille MONKAM Université de Douala - DEA 2005 |
SECTION 1 : la sécurisation de la créance de salaire dansLE REDRESSEMENT JUDICIAIREPour parer à la situation dans laquelle le salarié serait privé de son moyen d'existence, à cause de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de son employeur, certaines dispositions provenant de législations diverses67(*), garantissent aux salariés le paiement de leurs créances. En effet, la protection de la créance de salaire se fait plus spécialement au stade de l'exécution du concordat de redressement (§1) et généralement, à travers les mesures de garantie (§2) qui couvrent cette créance faible. §1- DANS L'EXECUTION DU CONCORDAT DE REDRESSEMENTLes difficultés de l'entreprise obligent très souvent le débiteur à solliciter au premier plan, dans l'offre de concordat, des remises de dettes et de nouveaux délais de paiement.68(*) Il peut aussi solliciter l'annulation des dettes. Or, ce serait faire une part belle au débiteur que d'accepter qu'une créance normalement constituée soit annulée, et plus précisément une créance alimentaire. C'est dire que cette possibilité d'annulation est d'office à rejeter pour les créanciers de salaire qui participeront au vote. En principe, les plans de redressement reposent sur les délais de paiement ; les remises sont assez rares.69(*) L'objectif des procédures collectives étant avant tout le paiement des créanciers, les remises font partie du volet financier70(*). Si le concordat ne consiste qu'en l'obtention des délais, le tribunal peut les accorder sans vote des créanciers.71(*) C'est une innovation du droit OHADA qui traduit son souci de sauvegarder l'entreprise. Pourtant, il ne faut pas être dupe en pensant que la distinction formelle entre remises et délais est réelle. En termes financiers, remises ou délais sont équivalents puisqu'ils impliquent une réduction de la créance.72(*) Tout au contraire entre remises et reports d'échéance, les reports sont plus redoutables que les premières du fait de l'incertitude qui plane sur le paiement à la date sus dite. Afin d'amoindrir tous ces dangers, les remises et délais n'affectent les créances de salaire que sous certaines conditions. Ils sont limités dans le temps (A) et ne s'appliquent qu'à une partie de la créance (B). A-LA LIMITATION DES REMISES ET REPORTS D'ECHEANCE DANS LE TEMPSPour permettre aux salariés de profiter de leurs créances, puisqu'ils en dépendent, le législateur OHADA a fixé un délai au-delà duquel ceux-ci ne sont nullement obligés. En principe, la remise de dettes est un acte par lequel le créancier de salaire accorde une réduction totale ou partielle de sa dette à son débiteur. Perçues sous cet angle, les remises ne sont-elles pas une réduction voilée du salaire ou même le prix de son maintien dans l'entreprise ? Nous pensons que cette opération de remise de dettes est inutile pour un créancier qui risque par la suite de voir son salaire réduit une deuxième fois pour une même cause. Ceci est d'autant plus vrai que cette solution sera envisageable en cas d'échec du redressement par remise. Pour leur part, les reports d'échéance consistent à renvoyer le paiement d'une dette de salaire échue à une date ultérieure. La mise en redressement emporte dans tous les cas octroi de délai de paiement nouveau.73(*) Ces mesures, dès qu'elles aboutissent, permettent au débiteur d'assurer provisoirement et parfois définitivement le maintien des activités de l'entreprise. Elles visent aussi l'assouplissement des modalités de paiement. Par ailleurs, elles ne s'étendent pas dans le temps mais doivent être circonscrites à une durée précise notamment pour ce qui est des créances de salaire. En effet, les créanciers de salaire ne sont obligés que par des délais et remises particulièrement consentis par eux74(*). Mais exceptionnellement, si le concordat comporte des délais n'excédant pas deux ans, ceux-ci peuvent leur être opposés au cas où ceux consentis par eux seraient inférieurs.75(*) Il en ressort que les délais n'ont en principe pas un caractère impératif à l'égard des créanciers de salaire. Ceux-ci ne pourront être concernés que suite à leur consentement ou en cas de bref délai. Une fois de plus, il s'agit pour le législateur de mettre à l'abri le créancier qu'est le salarié. Ces remises et reports ne sont d'ailleurs cantonnés qu'à une partie du salaire. Cette situation est de nature à renforcer la protection et la position du salarié par rapport aux mesures de redressement. * 67Il s'agit des articles 2095, 2101-4e et 2104 2e du code civil ; 70 et 17 du code de travail de 1992 ; art 107, 113 et 114 A U sûretés et art 95, 122,127 et 134 AUPCAP. * 68 En l'espèce, il s'agit des principales mesures permettant d'apurer le passif dans la procédure de règlement préventif. * 69 Dans l'exemple français, une enquête du CREDA montre que moins de 15%de remises ont été octroyées au débiteur. In J.C.P.E 1976.I. 556, p.349. * 70 Pour un rappel, voir GUYON op. cit. n0 1188. * 71 Art. 127 al.3 AUPCAP. * 72 Nous savons que les délais sont accordés sans aucun intérêt ou indemnité. Or ne dit-on pas souvent que le temps c'est de l'argent ? Avant cette supposée date de paiement, la créance pouvait produire des intérêts équivalents ou supérieurs à la principale. * 73 C'est peut être pour cette raison que le législateur a interdit qu'après jugement d'ouverture aucune poursuite individuelle n'est autorisée ou accordée aux créanciers. * 74Art. 134 al.2 AUPCAP. * 75 Art. 134 al.3 AUPCAP. |
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