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La cour internationale de justice face à  la question des dommages subis au services des nations unies

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par Michel MAGASANI
Université de Kinshasa - Licence en droit 2008
  

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Section I. La réparation du préjudice subi

On parle assez souvent de l'idéologie de la réparation (98), manifestée tant par les juges, sensibles à la dimension humaine de la réparation des atteintes à l'intégrité par exemple physique, que par le législateur qui a créé des régimes d'indemnisation spécifiques pour faire échapper la victime à l'application du droit commun et lui assure une meilleure protection.

§ 1. L'évolution en matière de réparation des dommages

Il est question dans ce paragraphe de dégager l'équité de la réparation des dommages et des résolutions ressortie dans cette affaire de réparation des dommages subis au service des Nations Unies.

97 SAVATIER, R. D. 66 chron. P. 149

98 CADIET, L., Les faits et les méfaits de l'idéologie de la réparation, Paris, éd. Dalloz, 1999, p. 495 et S.

A. L'équité de la réparation des dommages

La question de réparation demande à ce que le préjudice soit tout d'abord certain.

Ce fut, on le sait bien, au cours de la session de Paris, exactement à la 16ème séance plénière, que l'Assemblée générale a décidé de poser à la C.I.J. les deux questions dont il s'agit. La proposition préconisant que l'Assemblée générale demande à la Cour un avis consultatif a été présentée à l'origine par le représentant de la Belgique au sein de la Sixième Commission (99). Le test de la Résolution de l'Assemblée qui incorpore en définitive les questions mentionnées, est un texte de synthèse, élaboré par de nombreux représentants.

Avant de commenter les débats, peut-être sera-t-il utile de souligner à l'avance des cas particuliers et des mesures prises par le Secrétaire général qui ont motivé l'introduction de cette question devant l'Assemblée générale.

Cette question des réparations pour dommages subis par des agents des Nations Unies s'est posée à la suite de la série d'incidents tragiques qui ont eu lieu en Palestine, du mois de mai au mois de septembre de l'année 1948. Ces événements déplorables dont le principal a été celui du meurtre du comte Bernadotte (17 septembre 1948), médiateur des Nations Unies pour la Palestine et celui de son adjoint le colonel SEROT ont profondément ému le monde entier. Ces événements ont contribué à montrer l'urgence des questions dont la Cour a été à l'époque saisie et l'importance qu'elles revêtent du point de vue pratique.

Ce qui est à retenir est que la mort du comte Bernadotte et du colonel SEROT exige qu'il soit fait justice des responsables. Elle soulève à

99 Voir Avis Consultatif du 11 avril 1949 sur la Réparation des dommages subis au service des nations unies, p. 14

nouveau et de façon plus urgente que jamais encore la question des dispositions à prendre par les Nations Unies pour assurer à l'avenir à leurs représentants, dans toute la mesure humainement possible, une protection maximale dans l'accomplissement de leurs devoirs dans les zones dangereuses.

Par ailleurs, Dans le mémorandum qu'il a présenté à l'Assemblée générale, le Secrétaire général a retracé I'historique des cas particuliers. Les cas ont été exposés très brièvement pour servir de base à la présentation de certaines questions de droit, de politique à suivre et de procédure qui, de l'avis du Secrétaire général, devaient être précisées par l'Assemblée générale. Le Secrétaire général a présumé que l'Assemblée générale ne serait pas désireuse de jouer elle-même le rôle de commission d'enquête ou de tribunal judiciaire, ayant en ces matières à établir les faits ou à déterminer les responsabilités dans des cas particuliers. Ces questions, en ce qui concerne les cas particuliers, devraient être réglées d'autre façon, soit par le moyen de négociations directes entre l'organe compétent des Nations Unies et I'autorité intéressée, soit par un tribunal arbitral.

Les questions qui ont été posées à la Cour n'entraînent pas la détermination de la responsabilité de tel ou tel Etat dans tel ou tel cas particulier. Il n'est aucunement désirable à faire naître de la confusion en examinant dans le détail les divers cas gui se sont produit. Néanmoins, il a été, utile à la Cour que de lui rappeler en quelques mots la série des événements, tels qu'exposé dans le mémorandum du Secrétaire général du 7 octobre 1948.

Le Secrétaire général a également rendu compte dans son mémorandum des mesures qu'il a prises à la suite de ces incidents.

où les agents des Nations Unies avaient été tués au sujet de la protection des intérêts de l'organisation et, deuxièmement, paiement d'indemnités aux ayants droit, et paiement des frais médicaux, des frais d'hospitalisation, des frais d'obsèques et des autres frais du même ordre.

B. Les résolutions ressorties de cette Affaire

Il a été question des quelques projets de résolutions afin de palier et de prévenir d'autres incidents.

En ce qui concerne les projets de résolutions, on peut les réunir en trois groupes différents c'est-à-dire trois principaux modes d'action préconisés par la suite. Au premier lieu, c'est la proposition tendant à ce que l'Assemblée générale confère immédiatement certains pouvoirs au Secrétaire général. Cette idée est celle qui autorise le Secrétaire général à présenter toute demande pertinente au gouvernement de jure ou de facto responsable, en vue d'obtenir la réparation due à la victime ou à ses ayants droit (100..

) Cette demande doit être présentée « en consultation avec l'Etat dont la victime est un ressortissant (101)». C'est qui veut dire que le Secrétaire général devait exercer le recours devant les tribunaux nationaux compétents mais ceci avec le consentement de l'Etat dont l'agent victime du dommage est un ressortissant.

La « réparation complète » serait à déterminer « d'accord avec les règles techniques les mieux éprouvées, appliquées en la matière dans les pays les plus avancés et en tenant compte des conditions et sacrifices spéciaux qu'implique le service des Nations Unies ».

100 Voir Document A/C. 61279

101 Voir Document A/C. 61284

En deuxième lieu, ce sont les propositions tendant à ce que l'Assemblée générale renvoie la question à la CDI en lui demandant de rédiger un projet de convention internationale. Cette conception estimait qu'aux termes des principes du droit international à l'époque, l'organisation des Nations Unies n'avait pas capacité pour exercer un recours sur le plan international. Ainsi pour conférer ce droit à l'organisation des Nations Unies, il fallait rédiger une convention (102).

Enfin, les dernières propositions tendaient à ce que l'Assemblée générale fasse une demande à la Cour internationale de Justice. Cette tendance consistait à s'adresser à la Cour internationale de Justice pour lui présenter les questions juridiques que soulève le problème des déclarations et lui demander un avis consultatif. Ce qui a été fait.

Restant dans le même angle d'idée, il sied de rappeler que « Considérant que la série d'incidents tragiques arrivés ces derniers temps aux agents des Nations Unies dans l'exercice de leurs fonctions soulève et d'une façon plus urgente que jamais la question des dispositions à prendre par les Nations Unies pour assurer à l'avenir à leurs agents une protection maximum et la réparation des dommages subis ; Considérant aussi comme étant hautement souhaitable que le Secrétaire général puisse sans conteste agir de la manière la plus efficace en vue d'obtenir toute réparation due.

Au demeurant, le désir unanime exprimé dans les deux considérants évoqués ci haut, c'est-à-dire de doter l'organisation des Nations Unies de moyens efficaces pour assurer la protection de ses agents et obtenir toute réparation due, il est important à ce qu'il puisse se réaliser à l'abri de toutes contestations, d'équivoques juridiques, de procédures douteuses. Et c'est pourquoi, la question juridique fut avant tout soumise à la Cour. L'objet fut donc à l'époque de préciser

102 Voir Document A/C. 61276

l'étendue de la capacité juridique internationale de l'organisation des Nations Unies et la nature des procédures que la Charte et le droit international mettent à sa disposition pour la poursuite des buts précités car plus l'avis de la Cour sera constructif, mieux il répondra aux voeux de ceux qui l'ont demandé.

Par ailleurs, la question soumise à la Cour implique l'hypothèse qu'un agent des Nations Unies a subi dans l'exercice de ses fonctions un dommage dans des conditions de nature à engager la responsabilité d'un Etat. La Cour n'est pas priée de déterminer les conditions dans lesquelles la responsabilité d'un État peut être engagée. C'est pourquoi, l'Assemblée générale des Nations Unies est manifestement partie de l'idée que cette question doit, dans chaque cas, être résolue conformément aux principes du droit international.

L'hypothèse ci-dessus étant précisée, la question posée à la Cour vise essentiellement la capacité juridique de l'organisation des Nations Unies comme telle pour présenter une réclamation internationale en vue d'obtenir réparation d'un dommage. Pourtant la Charte ne contient pas, nous avions déjà évoqué, de dispositions stipulant spécialement cette capacité. Est-ce pour dire que ne contient-elle rien qui s'oppose à la reconnaissance de cette capacité ? Cela soulève immédiatement un point d'interprétation de l'article 104 de la Charte

(103).

En effet, cet article reprend les mots « sur le territoire de chacun de ses Membres ». Ces mots ont-ils un sens restrictif dont l'effet serait, somme toute, d'exclure toute capacité juridique internationale et, en particulier, de limiter aux procédures et instances nationales tout droit de recours de l'Organisation des Nations Unies. Une telle interprétation doit, à notre avis, être rejetée. Elle n'est commandée par aucune considération décisive de langue ou de logique. Elle se

trouve d'autre part en contradiction avec les nécessités fonctionnelles auxquelles se réfère précisément la disposition. L'idée d'insérer dans la Charte une disposition reconnaissant expressément que « l'organisation possède la personnalité internationale avec les droits qui en découlent » poussant à la Cour de bien donner sa position en la matière.

§ 2. La solution adoptée par l'ONU

Les questions soulevées par la demande de l'Assemblée générale des Nations unies furent discutées en comité laissant clairement apparaître la crainte d'accréditer la notion d'un super État, en raison sans doute d'une tendance à confondre les notions de personnalité juridique internationale et d'État. Une telle confusion est pourtant erronée. Il est vrai que les États ont une personnalité juridique internationale. Mais il n'en résulte nullement que toute personnalité juridique internationale soit un État. L'Organisation des Nations Unies n'a nullement la nature d'un État ni d'un super État, mais elle possède la personnalité juridique internationale qui la permet d'agir entant que sujet du droit international, au même pied d'égalité avec les Etats qui lui ont attribué cette personnalité. D'où, une consécration d'un principe universellement admis d'adresser une réclamation internationale à un Etat responsable d'un dommage lui subi.

A. Les réclamations internationales

La Cour a reconnu à l'ONU la compétence de faire des réclamations internationales en se basant sur la théorie des compétences implicites (104). Toutefois, il est important de signaler que cet acte qu'est la réclamation internationale vient se conjuguer à 4 autres droits ou obligations tels que celui de

(104) Voir l'article de Jeans ZIEGLER, sur http://orq.interna.blospot.com consulté le 13 octobre 2008

protéger ses agents, être demandeur ou défenseur devant les tribunaux internationaux mais aussi voir sa responsabilité internationale mise en jeu.

La doctrine est d'accord pour faire remonter l'origine de cette théorie à une jurisprudence ancienne de la Cour suprême des Etats-Unis élaborées sous l'impulsion du juge Marshall. Cette juridiction a reconnu à l'état fédéral le droit d'adopter des actes qui n'étaient pas expressément autorisés par la constitution fédérale (105).

Par conséquent, malgré le fait que la compétence de faire des réclamations internationales ne soit pas expressément énoncée dans la Charte constitutive de l'ONU, la CIJ lui reconnaît cette capacité (106) en tant qu'essentielle à l'exercice des fonctions de celle-ci. Suite à cette décision, la Cour fera une application constante de la théorie des compétences implicites. Les organisations internationales exercent conformément à leur spécialisation les compétences qui leur sont attribuées dans le cadre de leurs fonctions, lesquelles dépendent des buts que leur ont assignés leurs créateurs. Ce sont des compétences fonctionnelles comme on l'a vu précédemment. Au cas où cela ne serait pas suffisant, on a élaboré la théorie des compétences implicites, laquelle ne serait qu'une interprétation plus large du fonctionnalisme.

Mais la compétence de faire des réclamations internationales pose le problème de l'opposabilité de cet acte dans le cas où (comme en l'espèce) elle s'adresse à un Etat qui n'est pas membre de l'Organisation Internationale. « Cinquante états représentant une très large majorité des membres de la

(106) Voir Affaire Mc Culloc c. Maryland, 1819.

(106) La doctrine et la jurisprudence montrent une tendance marquée à reconnaître que si les organisations internationales jouissent bien de la capacité juridique internationale, cette jouissance ne revêt pas un caractère général et complet, mais comporte certaines limitations qui tiennent au fait qu'à la différence des Etats les organisations internationales ne sont pas des entités souveraines. Ces limitations sont définies par les buts pour lesquels l'organisation a été créée, et leur régime juridique est déterminé par la spécialisation de l'organisation. L'organisation est un moyen pour atteindre les buts d'intérêt général de ses créateurs.

communauté internationale avaient le pouvoir conformément au droit international de créer une entité possédant une personnalité internationale objective (et non simplement une personnalité reconnue par eux seuls) ainsi que la qualité de présenter des réclamations internationales ».

Par l'expression « personnalité internationale objective », il faut entendre que celle- ci s'oppose de fait et de droit à tous les acteurs de la scène internationale et non simplement comme le dit l'extrait par ceux qui l'ont crée. Rappelons donc que l'Etat d'Israël n'était pas encore membre de l'ONU, ce qui ajoute à l'ampleur de la décision. Il est remarquable de constater que cette solution s'oppose à la règle res inter alios acta (la chose convenue n'a pas d'incidence sur l'opposabilité aux tiers de la personnalité internationale « objective » de l'ONU). A l'exception de l'ONU, « le type le plus élevé d'organisations internationales » qui possède donc une personnalité internationale objective, les effets de la personnalité internationale des autres organisations ne concernent pas les états tiers car comme le souligne COMBACAU « on ne saurait prétendre que la solution dégagée par la CIJ dans cette affaire fonde n'importe quelle organisation à prétendre son existence opposable aux tiers s'ils ne l'ont pas reconnue ».

B. Consécration d'un régime d'exception

Lorsque I'Organisation réclame la réparation des dommages causés à son agent, elle ne peut le faire qu'en se fondant sur un manquement à des obligations envers elle et le respect de cette règle aura d'ordinaire pour conséquence de prévenir un conflit entre l'action de l'organisation et les droits que pourrait posséder l'Etat dont la victime est ressortissant; pour le surplus, la conciliation dépendra de considérations propres à chaque cas d'espèce et d'accords à conclure entre I'Organisation et les divers Etats individuellement.

En effet, l'examen de la demande de l'avis consultatif, quelques observations préliminaires méritent d'être énoncées sur la question posée à savoir : définir certains termes de la demande d'avis puis l'analyse du contenu de la formule "qualité pour présenter une réclamation internationale". Pourtant cette qualité appartient assurément à un Etat. Appartient elle aussi à I'Organisation ? Cela équivaut à se demander si l'organisation est revêtue de la personnalité internationale déjà démontrée plus haut, alors que cette question n'est pas clairement tranchée par la Charte des Nations Unies mais lui a reconnu certains droits. C'est dans ce sens que la Cour a considéré les caractères que la Charte a entendu donner à l'organisation (107).

Ainsi, l'Organisation étant titulaire des droits et obligations possède une large mesure de personnalité internationale et qu'elle a la capacité d'agir sur le plan international bien qu'elle ne soit assurément pas un super-Etat.

Entrant ensuite dans le vif du sujet parmi les droits internationaux dont jouit I'Organisation, est compris celui d'introduire une réclamation internationale pour obtenir d'un Etat réparation à raison d'un préjudice causé à un agent de l'organisation dans l'exercice de ses fonctions (108). Et que l'organisation a qualité pour présenter une réclamation internationale contre un Etat (Membre ou non membre) qui, par un manquement à des obligations envers elle, lui a causé un dommage. L'Organisation a aussi qualité pour présenter (comme une protection diplomatique) une réclamation internationale en vue d'obtenir réparation des dommages causés, non à I'Organisation elle-même, mais à la victime ou aux ayants droit de cette dernière.

(107) Voir les articles 104 et 105 de la Charte des Nations Unies

(108) Voir CIJ, recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances sur la question de « Réparation des dommages subis au service des nations unies ». Ordonnance du 11 décembre 1948 ; p. 121

D'emblée, le régime de réclamation est l'oeuvre prioritairement des Etats qui, en tant que sujets primaires de droit international, pouvaient sans doute engager leur responsabilité internationale. C'est avec le principe ressorti par l'avis sur les réparations des dommages subis au service des Nations Unies dans lequel l'on reconnaît à l'ONU une personnalité juridique internationale et donc la capacité à réclamer la réparation des dommages subis à son personnel qu'il est observé une avancée en la matière. Il ressort en effet de cet avis que seule I'Organisation a vraiment qualité pour présenter une réclamation dans les circonstances énoncées puisque, à l'origine de toute réclamation internationale, il faut que soit relevé un manquement de I'Etat prétendu responsable à une obligation envers l'organisation.

Or, en l'espèce, l'Etat dont la victime est ressortissante ne saurait se plaindre d'un manquement à une obligation assumée envers lui. Ici, c'est l'organisation qui est bénéficiaire de cette obligation. C'est ainsi que la Cour a admis cependant que l'analogie tirée de la règle traditionnelle relative à la protection diplomatique des ressortissants à l'étranger ne saurait par elle-même justifier une réponse affirmative.

En réalité, l'avis dans on application n'est pas obligatoire mais seulement qu'il a une force ou autorité morale évidente car liant presque les Etats membres de l'ONU.

C'est dans ce contexte qu'il nous est permis d'affirmer qu'il s'agit d'un régime d'exception au départ que, par la reconnaissance de tous les Etats et la pratique postérieur des Nations Unies a été converti en un principe générale de droit international des organisations internationales.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway