A. Ouverture de la protection fonctionnelle
Pour ce point, il sied de souscrire aux conclusions de la Cour
telles qu'exposées dans son avis, aussi souligner un soutien , en
particulier, aux principes énoncés au paragraphe 61 de l'avis,
qui veulent que lorsque des tribunaux nationaux sont saisis d'une affaire
mettant en cause l'immunité d'un agent de l'organisation des Nations
Unies, toute conclusion du Secrétaire général relative
à cette immunité leur soit immédiatement notifiée
avec les documents dans lesquels elle s'exprime et que ladite conclusion
emporte une présomption d'immunité qui ne puisse être
écartée que pour les motifs les plus impérieux, de sorte
que les tribunaux nationaux doivent lui accorder le plus grand poids. L'on
souhaiterait toutefois ajouter quelques observations inspirées par les
questions soulevées à propos de cet avis.
A l'évidence, la protection des fonctionnaires du
système des Nations Unies dans l'exercice de leurs fonctions revêt
une importance primordiale pour le bon fonctionnement dudit système afin
d'échapper au risque dont ils courent (90). Les rapporteurs
doivent être à même de s'acquitter de leurs fonctions sans
être inquiétés ni bénéficier de faveurs car
leurs investigations touchent
(90) Cfr l'assassinat du Comte BERNADOTTE.
L'assassinat pose en outre la question de la sécurité des
personnels de l'ONU, et donc de l'autorité de l'Organisation. Bien que
selon la règle traditionnelle la protection diplomatique ne doive
être exercée que par l'Etat national, l'Assemblée
générale demande à la Cour internationale de justice si
les Nations Unies ont capacité pour intenter une action internationale
contre l'Etat responsable. Il s'agit de savoir de quelle manière cette
action pourrait se concilier avec les droits de l'Etat dont la victime
était le ressortissant.
souvent a des domaines sensibles dans le pays dont les organes
font l'objet de leur examen. Ils ne sauraient s'acquitter de leurs
responsabilités dans l'indépendance qu'exige une enquête
libre et exhaustive s'il leur fallait s'inquiéter à tout instant
des conséquences fâcheuses qui pourraient résulter pour
leur propre personne d'une telle mission.
En irait-il ainsi que l'efficacité du rapporteur et
l'intégrité de l'ensemble du mécanisme fondé sur
des enquêtes indépendantes (mécanisme
particulièrement vital pour le fonctionnement des Nations Unies) se
trouveraient amoindries. Pareille protection est importante aussi pour
préserver la capacité des Nations Unies de recruter les personnes
les plus qualifiées qui se trouvent disponibles.
Les intérêts de l'organisation seraient bien mal
servis si les personnes les plus aptes à s'acquitter d'une tâche
particulière devaient renoncer à exercer cette
responsabilité par crainte d'être victimes d'intimidations dans
l'accomplissement de leurs devoirs. Comme la Cour l'a fait observer en
l'affaire de la Réparation (91): «Pour que l'agent
puisse s'acquitter de ses devoirs de façon satisfaisante, il faut qu'il
sente que cette protection lui est assurée par l'organisation et qu'il
peut compter sur elle. »
Toutefois en dehors de telles considérations
fondamentales et des principes conventionnels en la matière, de
nombreuses résolutions de l'Assemblée générale des
Nations Unies ont souligné la nécessité de protéger
(92) le personnel
(91) Dans son avis du 11 avril 1949, la Cour reconnaît la
capacité d'intenter une action internationale en réparation du
dommage causé et de demander une réparation adéquate
visant également les dommages subis par la victime ou ses ayants
droit.
(92) Article 7. de la Convention du 09 décembre 1994
sur la protection du Personnel des Nations Unies et personnel associés
stipule : 1. Le personnel des Nations Unies et le personnel associé,
leur matériel et leurs locaux ne doivent être l'objet d'aucune
atteinte ni d'aucune action qui les empêche de s'acquitter de leur
mandat.
2. Les États parties prennent toutes les mesures
appropriées pour assurer la sécurité du personnel des
Nations Unies et du personnel associé. Les États parties prennent
notamment toutes mesures appropriées pour protéger le personnel
des Nations Unies et le personnel associé qui sont
déployés sur leur territoire des infractions visées
à l'article 9.
des Nations Unies contre toute entrave apportée au bon
accomplissement de ses devoirs. Une telle protection revêt une importance
particulière quand des membres du personnel de l'organisation examinent
des questions qui concernent 1 'Etat hôte ou ses institutions
gouvernementales. De même que 1 'Etat hôte a le devoir
exprès de prendre toutes mesures en son pouvoir pour éviter les
situations de nature à empêcher des fonctionnaires de
l'organisation des Nations Unies de poursuivre librement leur investigation,
l'organisation des Nations Unies a le devoir exprès de faire tout ce qui
est en son pouvoir pour que ceux-ci jouissent d'une telle liberté.
De plus, les responsabilités qui sont celles de tout
Etat étranger sont d'autant plus impératives lorsque cet Etat,
comme c'est le cas en la présente affaire, est le pays d'origine de
membres du personnel des Nations Unies appelés à exercer des
fonctions internationales dans leur pays d'origine lui-même.
B. Le statut des agents internationaux
Dans ce point, il est question de relever la différence
qui peut exister entre un agent international et un fonctionnaire
international. Dans une approche définitive, un agent international est
toute personne par qui l'Organisation internationale agit
(93). Tandis que « Le fonctionnaire international est tout
individu chargé par les représentants de plusieurs Etats ou par
un organisme agissant en leur nom (94), à la suite d'un
accord interétatique et sous le contrôle des uns ou de l'autre,
d'exercer, en étant soumis à des règles juridiques
spéciales, d'une façon continue et exclusive, des fonctions dans
l'intérêt de l'ensemble des Etats en
3. Chaque État partie coopère avec
l'Organisation des Nations Unies et les autres États parties, le cas
échéant, en vue de l'application de la présente
Convention, en particulier dans tous les cas où l'État hôte
n'est pas lui-même en mesure de prendre les mesures requises.
(93) GOURNELL M., Relations internationales, 4è
édition, Paris, LGDJ, p. 172
(94) L'expression « par un organisme agissant en leur
nom » n'est pas appropriée. En effet, les fonctionnaires
internationaux sont nommés par le Chef de l'administration
internationale agissant pour son propre compte. Cela veut dire, ce faisant, il
exerce des prérogatives qui lui sont propres et non celles qu'il
détiendrait des Etats membres d'une organisation internationale
donnée.
question ». Ainsi un fonctionnaire international
est un agent exerçant une fonction publique au service d'une
Organisation internationale interétatique, d'une manière
exclusive et continue et qui est soumis à un régime juridique
particulier de caractère internationale : d'où la conduite des
règles (95). Mais en tout, la catégorie la plus
importante d'agents internationaux est constituée par les fonctionnaires
internationaux.
En effet, se voir attribuer le statut de fonctionnaire
international par une organisation entraîne donc des conséquences
importantes, surtout au niveau des garanties et des avantages : le
fonctionnaire international bénéficie de nombreux
privilèges et immunités dont ne jouissent pas les fonctionnaires
nationaux. En contrepartie, les fonctionnaires internationaux s'engagent
à respecter certains principes, sous peine de sanctions (que vous
trouverez décrites dans les pages consacrées aux obligations des
fonctionnaires internationaux). Deux principes peuvent aider à
caractériser le fonctionnaire international : le principe
d'indépendance et le principe d'exclusivité dans l'exercice des
fonctions.
(95) Pendant près d'un demi-siècle,
les fonctionnaires internationaux ont été guidés dans
leurs actions par les Normes de conduite requises des fonctionnaires
internationaux, établies en 1954 par le Comité consultatif de la
fonction publique internationale. Ces normes ont fait leurs preuves; toutefois,
tant sur le fond que sur la forme, elles sont le reflet d'une autre
époque. Il a donc été décidé, à
l'approche du nouveau millénaire, de réviser ces normes afin de
tenir compte de l'évolution du monde, de les reformuler dans une langue
plus moderne et respectant mieux le principe de l'égalité entre
hommes et femmes, et de prendre acte de réalités et de concepts
qui, en 1954, n'existaient pas ou avaient une importance bien moindre. Le
regain d'intérêt que les fonctions publiques nationales et le
secteur privé, aux prises avec des problèmes éthiques
nouveaux, ont manifesté pour la question a également joué
un rôle dans cette décision.
Les Normes de conduite requises des fonctionnaires
internationaux énoncées dans la présente brochure sont le
résultat d'un travail de révision et de mise à jour
mené pendant trois ans par la Commission de la fonction publique
internationale en consultation avec les organisations participantes et les
représentants du personnel. Achevées en 2001, elles ont
été présentées à l'Assemblée
générale, qui en a pris note avec satisfaction dans sa
résolution 56/244. Lorsqu'elle a adopté le Cadre
intégré de gestion des ressources humaines (qui a
été approuvé par l'Assemblée générale
en 2000), la Commission a souligné le caractère fondamental des
Normes de conduite, notant qu'elles étaient étroitement
liées à tous les éléments du Cadre et
déclarant que « même s'il peut exister des disparités
dans la culture interne des organisations, celles -ci doivent faire face
à des problèmes éthiques de même nature. Des normes
de conduite (ou règles de déontologie) permettent de promouvoir
des valeurs communes et de définir la conduite et le comportement
professionnel attendus des fonctionnaires internationaux ». L'objectif de
ce nouveau texte est d'établir pour la fonction publique internationale
des normes qui, comme celles de 1954, deviendront un élément
indispensable de la culture et du patrimoine des organisations et sauront
résister à l'épreuve du temps.
Parce que le fonctionnaire international remplit une mission
qui dépasse le cadre étatique national, son statut lui assure une
entière indépendance dans l'exercice de ses fonctions
(96). Cela signifie qu'il n'est responsable que devant
l'organisation internationale qui l'emploie et que les Etats membres ne peuvent
en aucun cas s'interposer et faire pression sur leur ressortissant national
dans l'accomplissement de ses fonctions.
Il y a ensuite le principe d'exclusivité dans
l'exercice des fonctions se transformant en un passage de l'administration au
gouvernement (c'est souvent lorsque les organisations disposent de
véritables pouvoirs dans des matières politiquement importants).
Parce qu'il est investi d'une mission internationale, le fonctionnaire doit se
consacrer entièrement à l'accomplissement de ses devoirs au sein
de l'organisation. Il ne peut donc accepter de missions d'ordre privé
parallèlement à ses fonctions publiques. Le fonctionnaire
international est donc un personnage investi par une structure juridique
internationale de certaines prérogatives qui ne le placent certes pas
au-dessus des lois nationales, mais qui lui permettent de remplir les missions
décidées par les autorités exécutives de
l'organisation en question.
En définitive, nous devons souligner une très
grande diversité des statuts d'agents et fonctionnaires internationaux.
Mais, nous allons toutefois relever une double tendance à
l'harmonisation. Premièrement dans le cadre universel de la «
famille » ou « système » des Nations Unies, le
régime commun désigne l'ensemble des règles relatives aux
conditions d'emploi du personnel (de l'ONU et des Institutions
spécialisées à l'exception des institutions
financières) sous les auspices de la Commission de la fonction publique
internationale, disposant, suivant les questions traitées, d'un pouvoir
de recommandation ou d'un
(96) Ici il est question d'un accroissement de
l'indépendance de certains agents internationaux qui se résume en
des personnalités indépendantes agissant en dehors de tout
pouvoir hiérarchique pour exercer des fonctions d'expert (ex : CDI), ou
juridictionnelles comme la CIJ par exemple.
véritable pouvoir de décision.
Deuxièmement, dans le cadre régional des « Organisations
européennes coordonnées » : exemple les travaux du
comité de coordination sur les rémunérations.
Chapitre II. LES POSSIBILITES DE REPARATION ET LA
PRATIQUE ACTUELLE DE LA PROTECTION DES AGENTS DES N-U
C'est devenu une évidence de rappeler que le droit de
la responsabilité a évolué notamment sous l'effet du
développement de l'assurance de responsabilité, vers une
objectivisation toujours plus poussée, se traduisant par un
déclin marqué de la faute et qu'il est maintenant principalement
orienté vers l'indemnisation des victimes. La responsabilité au
lieu de remonter à ses causes ne s'inspire plus que de ses
résultats. Elle ne part plus du responsable, mais de la victime
(97). C'est l'indemnisation du dommage qui est
considéré comme l'objectif essentiel de la responsabilité
civile.
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