8. Le stress de mes élèves.
J'ai remarqué que chez mes élèves, et
quelque soit l'élève, quand je leur donne un exercice, par
exemple à allure lente, tourner pour changer la direction de la moto,
leurs jambes se mettent à trembler, et leurs gestes sont mal
organisés. Ils me disent qu'ils se sentent perdre l'équilibre et
ne savent plus quoi faire malgré mon assistance verbale.
Selon une étude menée à
l'Université de Stanford aux États-Unis, le stress
à haute dose aurait une action de détérioration sur la
mémoire. Il est en effet prouvé qu'un état de stress
prolongé produit une surproduction d'hormones dites de
glucocorticoïdes. Hors, en surnombre, la sécrétion de
glucocorticoïdes déclenche chez l'homme une atrophie de
l'hippocampe siège de l'apprentissage et de la mémoire.
En ce dimanche matin ensoleillé du mois de mai, j'ai
dispensé un cours un peu spécial, il me fallait
expérimenter la nouvelle moto. Cette machine conforme aux normes des
examens du permis de conduire, est réservée plutôt pour Le
model féminin. C'est la nouvelle Yamaha XJ 600 Diversion 2009.
Mes élèves, Stéphanie et Amandevi,
étaient stressées à l'idée de changer de machine.
Elles me l'ont fait savoir ouvertement. En faisant des comparaisons entre les
machines, du point de vue comportement pilotage et sur l'aspect
mécanique de la moto, la motivation est revenue et le stress disparu.
Les essais ont commencé. Au début, leur pilotage
était un peu délicat. Elles étaient hésitantes et
puis ça allait de mieux en mieux au niveau de leur comportement. Selon
Émile Coué psychothérapeute français, « on
ne peut avoir qu'une seule idée et une seule émotion à la
fois » et si je modifie la
pensée de mes élèves vers un sens positif,
il y aurait un impact important sur leur état affectif.
Le comportement de mes élèves
s'améliorait de plus en plus et elles commençaient à faire
corps avec leur nouvelle moto. Ce sont elles qui ont fait les comparaisons
entre les différentes machines et l'une des deux
préférerait rester sur la première machine.
Cela m'a permis grâce à leur critique positive et
négative d'apporter des corrections par exemple sur le rayon de braquage
pour le confort de tourner le guidon plus aisément et sur la hauteur de
la moto. C'est un peu comme un pilote de moto GP, Valentino ROSSI, qui demande
à ses mécaniciens un réglage plus adapté à
la course.
9. Le risque.
Selon les assureurs, la fréquence des accidents de
motos est plus de deux fois supérieure à celle des voitures
particulières et les frais d'indemnisation sont également, deux
fois plus élevées. Les accidents responsables de la moitié
des tués et de 40 % des blessés se situent entre mai et
août, parce que se sont pendant les périodes estivales où
il y a le plus de moto sur les routes.
Soit en 2006 :
1O2 000 blessés sur la route dont 18.000 motards, (soit
environ 18 %) et 4700 tués sur la route dont 770 motards (soit environ
18 %).
Une chute en moto par un apprenant motocycliste est toujours
envisageable. Cela arrive plus souvent que l'on pense. Un geste maladroit, un
coup de frein brutal sur un équilibre très précaire...
Selon la loi, l'enseignant moto n'est pas responsable d'une
chute de son élève. L'élève est responsable de ses
erreurs, de ses actes de pilotage sur la piste (plateau) et sur la route. Le
règlement du journal officiel prévoit que si le moniteur met son
élève en circulation, celui-ci doit être formé
suffisamment pour être habile et capable d'assurer un minimum de
sécurité. Le règlement
prévoit un système radio entre l'enseignant et son
ou ses élèves. L'enseignant n'a pas le droit à plus de 3
élèves sur route ouverte.
Le code des assurances prévoit que l'auto-école
doit posséder une assurance flotte pour tout matériel roulant.
Les enseignants sont assurés, pas les élèves. Ceux-ci en
cas d'accident sont pris en charge par la sécurité sociale.
Par contre il existe bien une assurance pour les apprentis
motards, qui les couvre pendant toute la formation, mais ce n'est pas à
l'auto-école de proposer ni de payer. C'est à l'apprenant de se
prémunir. Nul n'est sensé ignorer la loi.
En 2006, un élève moto en formation circulation,
sur un objectif de gestion d'allure aux approches de passages piétons et
d'intersections, a fait une chute très brutale suite à un
freinage mal maîtrisé. Je lui ai pourtant signalé par la
radio de lâcher le frein avant d'abord. Après constat, il avait
freiné et glissé sur une feuille de salade. Il n'a pas eu mal,
aujourd'hui c'était son jour de chance, car comme le prévoit le
règlement, il était très bien protégé. Il a
toutefois pu reprendre le cours. Je lui ai demandé quand même de
consulter un médecin. C'est la sécurité sociale et sa
mutuelle qui l'a pris en charge.
J'ai constaté, dans le cadre d'une pratique
routière supposant une connaissance, une expérience, un
comportement correct, une technicité suffisante, c'est-à-dire
d'une part, plus la maîtrise est forte, plus l'occurrence du
risque se réduit. D'autre part, dans le même contexte, plus la
maîtrise est faible, plus l'occurrence du risque est grande. Et lorsque
la maîtrise atteint un niveau moyen avec un comportement correct,
l'occurrence du risque reste parfaitement proportionnée.
Quand je prends la route, la circulation y est souvent
très dense, et il y a souvent des lignes continues, car le relief du
terrain à la Réunion, ne permet pas une bonne visibilité.
Le code de la route dit qu'il ne faut pas franchir une ligne continue pour
dépasser. J'ai remarqué que beaucoup de motard franchissait la
ligne blanche et même se tenait sur la voie de gauche. Le code autorise
le partage de la voie, sans dépasser la ligne continue et sans forcer
l'autre à se pousser.
La loi tolère à un pilote de moto une
remontée de file, d'une part par la gauche et sous certaines conditions.
Par exemple, ne pas franchir une ligne continue, même si la circulation
est bloquée. Le motard doit attendre que l'automobiliste partage son
espace en se poussant légèrement vers la droite autant que le
permet l'état et le profil de la chaussée. Il ne doit pas
dépasser par la droite, sauf si le conducteur de la voiture tourne
à gauche. Ce que mes élèves motards apprennent, c'est une
partie de mon expérience personnelle, en plus du programme d'examen.
Ce que j'enseigne à mes élèves, c'est ce
genre de situation, le partage de la voie en situation d'embouteillage, qui
comporte quand même un risque. C'est le risque de l'accrochage au moment
du dépassement, soit par un acte manqué, soit par l'automobiliste
ou le poids lourd qui se rabat subitement à gauche. Selon le code des
assurances, c'est celui qui fait la manoeuvre perturbatrice qui est en tort.
Comment puis-je influencer les attitudes adéquates pour
mes élèves ? Comment pourrai-je amener un processus cognitif de
la dimension humaine au sein même de l'apprentissage ?
Lorsque le référentiel fait allusion à la
dimension humaine, il se cantonne aux thèmes de la prévention et
de la sécurité, il oriente son action sur l'attitude qu'un bon
motard se doit d'adopter quotidiennement sur la route.
Mais, d'une part, si le GFM fait constamment
référence au motard, d'autre part, le moniteur
d'auto-école que je suis, est face à un apprenant moto. Mon champ
d'action va jusqu'à celui du devenir du motard sur route ouverte.
J'accompagne souvent mes élèves après la réussite
finale de l'examen tant convoité, jusqu'au choix de leur machine et du
concessionnaire locale.
Il existe bien chez les motards plusieurs moteurs d'engagement
qui façonnent leur personnalité, leurs attitudes et leurs
caractères. La vie du motard, n'est pas qu'un long fleuve tranquille,
elle commence d'abord par sa formation.
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