La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole( Télécharger le fichier original )par Anne Gometz Paris 8 Vincennes Saint-Denis - Master 1 2008 |
3.5.3 - De l'importance de la présence de l'Autre.« Le sujet se construit dans des interactions avec l'autre, car il n'y a pas d'auto, de je sans inter », (Barbot, 2008)95(*). L'autre est source d'enrichissement, bien que les contacts soient insuffisants à créer la véritable rencontre (Abdallah-Pretceille, 1999)96(*). De tous ces savoirs mobilisés, ceux qui apparaissent dans les discours des bénévoles comme étant les plus importants sont les savoir-être. Les capacités d'écoute sont mentionnées dans chaque entretien comme étant primordiales pour établir la relation à l'autre. Et elles se construisent par l'expérience, la confrontation aux personnes dans de multiples contextes à travers la diversité des rencontres. Il semble presque évident aux bénévoles que leurs activités altruistes convoquent la figure de l'altérité comme le coeur de leurs actions et l'origine de leurs motivations. « Si il n'y avait pas l'autre, il n'y aurait pas de bénévolat. L'autre explique notre bénévolat », affirme Annie avec conviction. La compétence interculturelle ne peut s'exercer qu'au sein des communications interpersonnelles dans des expériences partagées avec d'autres individus. Ici, il faut évoquer l'interactionnisme comme théorie car ainsi que le rappelle Barbot (2006)97(*) "l'autre me révèle à moi-même et me modifie et l'autre se modifie en regard" (p.173). Être compétent sur un plan interculturel implique d'être capable de se décentrer pour entrer en contact avec un autre, opération qui exige des qualités d'empathie. Les savoirs élaborées dans ce domaine sont peut-être alors les savoirs qui comptent le plus. Échange, dialogue, rencontres, convivialité, contacts, être membre d'une équipe sont des termes récurrents qui témoignent de l'accent particulier que mettent les retraités dans leurs fonctions bénévoles. Ce moment de la vie est privilégié à cet égard; il semblerait en effet, que les différents témoignages confirment cette tendance de la prégnance de l'autre et des espaces nouveaux de sociabilité qu'offrent le terrain associatif, dans cette période de rupture que représente la retraite. L'autre également est à l'origine des gratifications symboliques. Ainsi que le formule Gagnon & co. (2004)98(*), le bénévolat serait une expression de l'individualisme. Le monde moderne impose de se recomposer sans cesse une identité et pousse l'individu à rechercher la confirmation des ses choix et de ses valeurs à travers la reconnaissance. La pratique bénévole pourrait remplir ce rôle de recomposition de l'identité; motivations altruistes et plus personnelles (acquisition de compétences, relations...) participeraient de « cette recherche de construction de soi dans et par la relation à l'autre »99(*). Jean l'explique bien lorsqu'il dit recevoir « des grâces » en faisant référence à la présence de l'autre, cet autre sans qui, exercer des activités parfois très fatigantes n'aurait pas d'intérêt. Jean s'investit dans des actions bénévoles « par amour du prochain » dit-il, et pour lui « c'est vraiment du bénévolat, du bénévolat à 120% ». Pour Abdallah-Pretceille (1999)100(*), l'hétérogénéité au sein des groupes est la norme et la diversité culturelle se vit au quotidien dans toutes les structures et organismes, lieux de rencontres multiples et d'échanges sociaux. Il devient nécessaire d'en tenir compte, de la prendre en considération afin de permettre dialogue et vraie rencontre pour une reconnaissance mutuelle de l'altérité envisagée comme une richesse et une possibilité de croissance de l'être humain. La prise en compte du fait interculturel est ici centrale puisqu'il ne s'adresse pas uniquement aux contacts entre nationalités différentes, mais il est le fait de tous les groupes sociaux : cultures générationnelles, sociales, professionnelles, religieuses. Toute personne est concernée, chaque individu se situant au carrefour de cultures multiples qui s'enchevêtrent incessamment. Notion dynamique, la culture s'exprime à travers les individus, et il serait plus juste de parler de cultures au pluriel, tant il est vrai que les individus appartiennent simultanément à plusieurs groupes. Et le groupe favorise et facilite cette élaboration commune de savoirs construits dans l'action. * 95 Barbot, M-J., « L'autre dans l'autoformation, une ingénierie de la rencontre à créer ? » Colloque sur « l'autre dans l'autoformation », coordonné par Dr Genevièreve Lameul, 15e Congrès international, Mondialisation et Éducation : vers une société de la connaissance, Université cadi Ayyad, Marrakech, Maroc (2-6 juin 2008). * 96 Abdallah-Pretceille, M. (1999) L'éducation interculturelle, Paris, Presses Universitaires de France, 2e édition, 2005. * 97 Barbot M-J. (2006) "L'accompagnement de l'expérience interculturelle : construire la rencontre?". In H.Bézille & B. Courtois (dir.), Penser la relation expérience-formation. Lyon : Ed. De la Chronique Sociale. (p.171-187). * 98 Gagnon, E., Fortin, A., Ferland-Raymond, A-E. Mercier, A. (2004) « Donner du sens. Trajectoires de bénévoles et communautés morales », Lien social et Politiques, n°51, 2004, p. 49-57. Sur erudit. * 99 Ibid., p. 51. * 100 Op. Cit., Abdallah-Pretceille, 1999. |
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