Les coûts sont le pic des plaintes des COOPEC à
l'égard des sûretés. Pour la plupart, ces coûts sont
engendrés par les sûretés réelles. Les coûts
liés aux garanties aggravent le prix du crédit en augmentant le
taux effectif (global) subi par le bénéficiaire. En d'autres
termes, l'ensemble des charges supportées par le membre de la COOPEC et
qui comprennent les intérêts, les frais d'études de
dossiers, les frais de supervisions sur le terrain et les charges liées
aux sûretés deviennent élevés lorsqu'elles sont
ramenées à un pourcentage du crédit. Si toutes ces charges
sont intégrées dans le coût du crédit sans
ménagement, seuls les crédits d'un montant élevé
resteront intéressants pour la COOPEC et pour le membre58.
C'est ce qui a pu faire dire que la microfinance pratique des taux
élevés59 60.
L'examen des coûts de constitution (A)
précèdera celui des coûts de réalisation des
sûretés réelles (B).
58 Il faut noter avec emphase l'urgence d'une
réglementation sur l'usure dans la zone CEMAC comme c'est le cas dans la
zone UEMOA
59 NOVAK (M), Op. Cit. CGAP, « Microcredit
Interest Rates », OccasionalPaper N°1 revised, November 2002
60 Le taux d'intérêt dans les COOPEC
n'est pas élevé comme il se présente a priori. Il varie
entre 1% et 2% par moi applicable au solde restant dû (méthode
dégressive), ce qui ne correspond pas à 12% ou 24% l'an comme
annualisé par le CGAP et d'autres intervenants du secteur. Ces taux
varient en réalité entre 6,5% et 13% l'an.
A - Les coûts de constitution
La constitution des sûretés réelles met en
jeu des coûts directs et indirects.
Il s'agit d'abord de l'élaboration de l'acte. S'il est
fait sous seing privé, il aggrave les charges administratives de la
COOPEC (papier, encre, salaire, électricité, etc). C'est le
moindre mal. Lorsqu'il est fait par acte authentique, les honoraires du notaire
constituent l'essentiel de la dépense. Ceux-ci sont élevés
en règle générale pour les petits emprunteurs,
chiffrés en centaine de milliers de franc CFA.
En second lieu viennent les droits d'enregistrement et les
frais d'inscription. La question se pose de savoir si l'enregistrement des
sûretés réelles par les COOPEC est gratis.
L'imprécision du Code Général des Impôts (CGI) en la
matière a ouvert la voie à une véritable polémique
dans la pratique. Pour les agents du fisc, les sûretés
réelles (prises par les COOPEC) ne font pas partie de la liste des
exemptions des articles 338 et 546 nouveau CGI. Ces actes ne figureraient non
plus sur la liste des actes enregistrés gratis que donne l'article 337
CGI. Les COOPEC devraient donc s'acquitter simplement de leurs impôts.
Ceci n'est que l'opinion dominante des agents du fisc, car en
réalité, certains d'entre eux admettent volontiers qu'il existe
des fondements de l'enregistrement gratis des actes des COOPEC. Ils rejoignent
en cela l'opinion des acteurs du secteur.
Pour les professionnels des COOPEC, l'article 337 CGI fournit
un fondement légal et suffisant de l'enregistrement gratis de leurs
actes. Aux termes de l'alinéa 2) de cet article, sont enregistrés
gratis, « tous les actes dont les droits à la charge des
sociétés de prévoyance, de secours et de prêts
mutuels agricoles ou des organismes coopératifs qui y sont
affiliés, n'emportant pas mutation de propriété ou de
jouissance ». Les défenseurs de cette opinion soutiennent que
le législateur a entendu par ces dispositions, alléger la
fiscalité applicable au secteur mutualiste pour leurs actes n'emportant
pas mutation de la propriété ou de la jouissance. L'achat d'un
immeuble ne serait donc pas enregistré à titre gratis au
même titre que la prise d'hypothèque sur le même immeuble
par une société de type mutualiste ou coopératif. Une
COOPEC étant d'abord et avant tout une coopérative, rien ne
l'empêcherait de bénéficier de ces dispositions.
La solution dans la pratique est donnée au cas par
cas. Elle n'est pas la même ici et là. C'est sans doute le Code
Général des Impôts qui gagnerait à être plus
précis. En attendant, une étude qui traite des coûts
devrait prendre en compte le droit d'enregistrement par respect du principe de
prudence si cher aux comptables. Nous
considérons donc que les sûretés
réelles prises par les COOPEC en garantie des crédits
octroyés à leurs membres ne sont pas exclues de l'enregistrement
gratis.
Les sûretés réelles sont soumises au
droit d'enregistrement super réduit61 au centre des
impôts du lieu de situation du bien62. Le minimum de
perception est de FCFA 2.000 (deux mille)63. Le taux super
réduit est de 1% (un pour cent)64 de la valeur du bien
indiquée dans l'acte de sûreté65. Il arrive que
la valeur du bien ne figure pas dans l'acte de sûreté. Dans ce
cas, c'est le montant garanti qui risque d'être pris en compte. Pour un
crédit de FCFA 100.000 (cent mille), il faut donc enregistrer l'acte de
sûreté à FCFA 2.000 (deux mille) qui constituent le minimum
de perception supérieur dans ce cas au montant déterminé
en appliquant le taux proportionnel. Cette somme n'est pas négligeable
si l'on garde à l'esprit que la convention d'ouverture de crédit
a été préalablement enregistrée ou qu'elle l'est au
même moment que la sûreté dans un acte séparé
ou dans le même acte mais sous le régime des dispositions
indépendantes des articles 268 et suivants CGI. Il est envisagé
une réduction de l'impôt au quart, dans le cas exclusif des mains
levées d'hypothèques. La réduction aurait pu
bénéficier à tous les actes enregistrés par les
COOPEC.
Les frais d'inscription constituent le dernier poste de
charges engendrées par la constitution d'une sûreté
réelle. A notre connaissance, le législateur OHADA n'a pas
clairement défini le régime de ces frais. On aurait pu s'attendre
à ce qu'il définisse clairement ce régime à
l'occasion de l'organisation du RCCM dans l'Acte uniforme relatif au droit
commercial général (AU-DCG). De tels frais existent pourtant car
il est par exemple prévu que le greffier puisse faire certaines mentions
d'office mais « aux frais de l'assujetti »66.
Finalement, les coûts de constitution des
sûretés peuvent représenter des sommes non
négligeables. Actes de constitution et formalités de
publicité attirent des impôts auxquels il faut d'ailleurs ajouter
le timbre. Les coûts induits de la constitution des sûretés
réelles doivent également être évoqués
même si l'on ne saurait déterminer leur montant. Toutes ces
charges sont de principe sont supportées par l'emprunteur. Dès
lors, l'exigence par les COOPEC du réseau CamCCUL de 2% (deux pour cent)
de la somme sollicitée par le
61 Art 344 al 2), 4) et 7) CGI 2007.
62 Art 303 CGI 2007
63 Art 272 CGI
64 Art 543 (e) CGI
65 Art 280 et s CGI.
66 Art 31 AU-DCG
membre aux fins de constituer la sûreté
réelle nécessaire semble le minimum. Ceci est d'autant plus vrai
que la somme ainsi collectée est en pratique conservée et les
formalités de publicité de la sûreté
effectuées seulement lorsque le membre est défaillant et qu'il
faille procéder au recouvrement forcé. Ce qui signifie que ces
formalités sont alors effectuées avec retard et attirent des
pénalités. Le cas est fréquent avec les petits emprunteurs
(centaine de mille). Lorsque le crédit est remboursé, la caution
pour prise de sûreté est en principe restituée au membre.
Ce n'est pas toujours le cas dans la pratique. Les COOPEC gagneraient à
respecter ce principe car c'est pour minimiser le coût effectif du
crédit au membre qu'il a été inscrit dans la politique de
crédit. Ces coûts peuvent être ainsi évités
pour certains débiteurs qui paient leurs dettes et ne font pas l'objet
de mesures de recouvrement forcé. Ceux qui feraient l'objet de telles
mesures subiraient en plus de la charge de constitution de la
sûreté, celle de sa réalisation.
B - Les coûts de réalisation
Au moment de leur réalisation, les créanciers
bénéficiaires de sûretés (réelles) ont
essentiellement recours à l'Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées et des voies d'exécution (AU-RVE).
Il convient de rappeler que les procédures organisées par l'AU
sont des procédures spéciales qui dérogent à la
procédure ordinaire ou de droit commun du Code de Procédure
Civile et Commerciale (CPCC). Elles sont donc en principe plus diligentes et
mieux adaptées à l'activité commerciale. Mais les
nombreuses procédures que cet Acte uniforme organise se résument
en dernière analyse en une aggravation des coûts
associés.
La procédure d'injonction67 de payer
devrait par exemple permettre au créancier de recouvrer sa
créance dans un délai bref. Une fois que celui-ci a introduit sa
requête et obtenu du Président du Tribunal de Première
Instance ou de Grande Instance une décision d'injonction de payer, il
dispose de trois mois pour signifier celle-ci au débiteur. Il faut
penser que le créancier ayant le plus intérêt à
faire avancer l'action judiciaire, il ne devrait pas attendre aussi longtemps
pour signifier l'ordonnance rendue par le juge. Le débiteur à son
tour dispose en principe d'un délai réduit pour faire opposition
; il est de quinze jours à compter de la signification. Par le
même acte, il est tenu de servir assignation à comparaître
devant la juridiction dont le Président a rendu la décision
d'injonction de payer à toutes les parties. Il fixe alors la date de
comparution et celle-ci ne peut excéder le délai de trente jours
à compter de la signification de son opposition à toutes les
parties et
67 Art 1er et s. AU-RVE
au greffe. Après une tentative de conciliation et
lorsque celle-ci s'est soldée par un échec, la juridiction statue
sans délai sur la demande en recouvrement. Sa décision a les
effets d'une décision contradictoire même si elle a
été rendue en l'absence de l'opposant et est susceptible d'appel
dans les trente jours de son prononcé.
Au total, quelques mois suffiraient pour l'aboutissement de
la procédure d'injonction de payer. Mais s'il faut en principe compter
six à huit mois pour cet aboutissement, un élément
fondamental suggère que la procédure pourrait être plus
lente dans la pratique. En effet, l' AU-RVE n'assigne pas des délais
précis à la juridiction saisie. Il n'est ainsi pas
précisé quel est le délai dont dispose le Président
de la juridiction compétente pour statuer sur la requête
d'injonction de payer et surtout le délai dont dispose celui-ci pour
conduire la tentative de conciliation. L'aboutissement rapide de la
procédure d'injonction de payer est donc conditionné par
l'absence d'opposition. Or, le débiteur a le droit de faire opposition
et par la suite l'obligation d'assigner à comparaître même
s'il ne dispose pas d'un motif valable. De même, la rigidité des
procédures, le formalisme de leur formulation et le contrôle
juridictionnel constituent d'autres sources de blocage68. Le souci
d'assurer une meilleure garantie des intérêts du créancier
suggère que compétence soit donnée au juge pour se
prononcer sur la recevabilité des motifs de l'opposition afin
d'éviter que le débiteur ne trouve dans la procédure un
subterfuge pour retarder inutilement le paiement d'une dette certaine, liquide
et exigible.
Le cas de la saisie immobilière appelle beaucoup plus
de commentaires. Il faut noter de prime abord que toutes les formalités
prescrites par l'Acte uniforme relativement à la saisie
immobilière sont d'ordre public aux termes de l'article 246 AU-RVE. Ici,
toute poursuite doit être précédée d'un commandement
aux fins de saisie signifié au débiteur et au tiers
détenteur le cas échéant. Le débiteur ou le tiers
détenteur ont vingt jours pour payer la créance ou
délaisser la propriété. Le commandement est
déposé au bureau de la conservation foncière ou de
l'autorité administrative concernée dans les trois mois de sa
signification, puis publié : il vaut alors saisie. A partir de ce
moment, le créancier dispose de cinquante jours pour faire
rédiger et déposer le cahier de charges par son avocat au greffe
du tribunal du lieu de situation de l'immeuble. A l'occasion du
dépôt, la date de la vente est fixée entre le quarante
cinquième jour et le quatre vingt dixième jour suivant le
dépôt. Sommation doit être faite sous huitaine au
débiteur et éventuellement aux autres
68 Sur l'application du contrôle strict de
ces procédures par le juge, voir à titre d'illustration CA
Ndjamena N° 281/2000, 5 mai 2000, SDV Tchad et SDV Cameroun c/ Star
National, Revue juridique tchadienne, n° 1, mai-juin-juillet 2001,
p.21 et s. Bouake, Civ, 1ère, n° 13 / 2001, 24 janvier
2001.
créanciers inscrits de prendre communication du cahier
de charges au greffe en vue de la vente. Ils sont alors informés des
jour et heure de l'audience éventuelle devant se tenir au moins trente
jours après la dernière sommation, ainsi que du jour de la vente
devant se tenir entre le trentième et le soixantième jour
après l'audience éventuelle. Le jugement à l'issue de
l'audience éventuelle est pris après échange de
conclusions des parties effectué dans le respect du principe du
contradictoire. L'audience éventuelle peut être reportée
pour causes graves ou d'office par la juridiction compétente à
l'occasion de son contrôle sur le cahier de charges. Dans ce dernier cas,
elle informe les parties de son intention de modifier le cahier de charges et
les invite à présenter leurs observations dans les cinq jours.
La vente doit être précédée quinze
jours au moins et trente jours au plus de formalités de
publicités consistant en des placards et insertions du cahier de charges
dans un journal d'annonces légales69. Ces modalités
sont susceptibles d'extension ou de restriction par ordonnance du
président de la juridiction compétente rendue sur requête.
De même, l'adjudication peut être remise par décision
judiciaire rendue sur requête introduite au moins cinq jours avant le
jour fixé pour la vente. Le créancier poursuivant a le droit de
demander la remise de l'adjudication s'il ne survient pas d'enchère
après que l'on est allumé successivement trois bougies d'une
durée moyenne d'une minute chacune. Les formalités de
publicité doivent alors être réitérées. Si
aucune enchère n'est portée lors de la nouvelle adjudication, il
est déclaré adjudicataire pour la mise à prix sur
procès verbal du notaire en l'étude de qui la vente a eu lieu, ou
sur décision judiciaire de la juridiction à la barre de laquelle
elle a eu lieu. En cas de surenchère dans les dix jours qui suivent
l'adjudication, une nouvelle audience éventuelle en vue de l'examen des
contestations de la validité de la surenchère est prévue.
Les mêmes formalités de publicités sont exigées en
vue de la nouvelle adjudication. La procédure peut être encore
plus longue pour le créancier en cas de folles enchères et de
survenance d'incidents de saisie, notamment en cas de pluralité des
saisies.
Ces deux exemples (injonctions de payer et saisie
immobilière) ainsi sommairement revisités sous l'angle des
délais et des formalités à respecter par le
créancier poursuivant présente véritablement une grande
rigidité et un formalisme qui se traduisent financièrement par
des coûts substantiels, voire excessifs. Ce sont d'abord les coûts
directs qui se déclinent en termes de frais de justice et d'honoraires
d'avocats et huissiers. Il s'agit
69 La pratique est devenue courante que les
exigences d'insertion dans un journal d'annonces légales soient
satisfaites par la publication à Cameroon Tribune en l'absence d'un
véritable journal d'annonces légales. Le Ministère de la
justice pourrait pourtant créer ce journal et le tenir.
aussi des coûts induits que constituent les diverses
charges administratives liées au suivi des procédures :
téléphone, transport, fournitures de bureau, voir même le
salaire car si un responsable de crédit passe en moyenne quatre jours
par mois au tribunal, l'on peut envisager d'imputer une certaine portion de son
salaire à cette activité. A titre de droit comparé, il
n'est donc pas étonnant que le gérant d'une SFD béninoise
affirme avoir dépensé FCFA 300.000 (trois cent mille) en frais
d'avocat et FCFA 190.000 (cent quatre vingt dix mille) en frais de justice
(frais de justice, frais d'huissier, vente du bien) pour une créance
à recouvrer d'un montant de FCFA 150.000 (cent cinquante
mille)70.
Une citation de l'Avocat parisien Boris MARTOR résume
et justifie la critique faite par les EMF au droit communautaire du
crédit et du recouvrement. Celui-ci écrit relativement aux
sûretés qu'elles « sont en effet essentielles pour faciliter
les opérations de crédit liées aux grands projets et aux
financements structurés liés aux investissements en
matière d'énergie, d'infrastructures, de
télécommunications ou de transports en Afrique
»71 . Le régime des sûretés réelles
et du recouvrement ne semble donc pas être conçu pour des
créances de faibles montants à l'instar des microcrédits
octroyés par les COOPEC. La majorité de ces établissements
et de leurs membres sont incapables de supporter les charges qui se rattachent
à ces procédures. De plus, bien que le formalisme de ces
règles soit moins significatif que celui des règles
antérieures, celui-ci reste source de lourdeur pour les COOPEC, de
même que ces dernières ne disposent pas toujours de
compétences suffisantes pour les mettre en oeuvre. Ces différents
griefs peuvent justifier le recours des COOPEC aux sûretés
personnelles malgré leur préférence pour celles qui
viennent d'être étudiées.
70 AZAKLI (R), cité par LHERIAU (L), Op. Cit.
p 463.
71 MARTOR (B), « Comparaison de deux
sûretés personnelles : le cautionnement et la lettre de garantie
», Semaine Juridique, JCP- Cahiers de Droit de l'Entreprise, N° 5
2004, p 21.