Le gage est une convention par laquelle un bien meuble
(corporel ou incorporel) est remis au créancier ou à un tiers
pour garantir le paiement d'une dette31. Le gage a donc l'avantage
non seulement de rendre un bien indisponible pour celui qui l'offre, mais aussi
et surtout de placer ce bien sous la garde d'un tiers ou du créancier
lui-même. Le débiteur ne saurait donc organiser son
insolvabilité dans ce cas en faisant disparaître le bien. Le gage
est également flexible et permet d'opérer une subrogation de la
chose gagée par une autre en cours d'exécution de la
convention32.
29 PICOD (Y), Op. Cit. p 136.
30 Le législateur OHADA fait
référence au gage pour le régime juridique du droit de
rétention (art 43 AU- OS). Voir ISSA-SAYEGH et al, Op. Cit. p 78.
31 Art 44 et 46 AU-OS
32 Art 46 AU-OS
Dans la pratique, les COOPEC acceptent plusieurs types de
bien en gage. Les bijoux, le mobilier, les appareils
électroménagers, les téléphones portables et autres
matériels et équipements tels que les moulins sont ainsi
acceptés.
Il convient de s'arrêter ici sur deux catégories
de biens. Les premiers sont des biens à valeur culturelle. C'est le cas
des tenues traditionnelles, masques et autres parures utilisées lors de
grandes manifestations. Ces biens sont dotés d'une forte dose de
sensitivité et de portée psychologique en raison de leur
caractère culturel. Ils représentent dans certains cas de
véritables « bijoux de famille ». Ils sont acceptés par
les COOPEC du réseau CamCCUL, mais restent très marginaux au sein
des biens conservés en gage. Même s'ils ne présentent pas
toujours une valeur vénale suffisante pour le paiement du crédit
à la suite de la réalisation du gage, ils offrent de par leur
nature et la valeur culturelle qui leur est accordée, un moyen de
pression des plus efficaces sur les débiteurs dont le patrimoine est
bien souvent pauvres pour le paiement de la dette. Seule la capacité de
générer des revenus afin de payer constitue dans ce cas le
véritable gage tandis que le bien détenu constitue la mesure
comminatoire nécessaire.
La deuxième catégorie de biens est
constituée d'actes juridiques. Dans certains cas, les COOPEC acceptent
de tels documents en gage. Il arrive aussi que la possession de ces documents
résulte d'une mauvaise prise de garantie, les COOPEC pensant prendre des
sûretés autres que le gage. Ceci est régulier lorsque les
actes de vente, les titres fonciers, des factures ou même des actes de
naissance comme ce fut le cas par le passé sont acceptés.
Seulement, elles se rendent compte par la suite que l'hypothèque, le
nantissement ... qu'ils pensaient réaliser n'est pas possible. La
question s'est alors posée de savoir si elles pouvaient conserver ces
biens et à quel titre. Certains ont évoqué le droit de
rétention. Seulement, malgré l'acharnement dans la
démonstration juridique des défenseurs d'un droit de
rétention conventionnel, cette sûreté reste en
l'état actuel du droit positif une « sûreté
légale », l'AU-OS ayant bien définit les circonstances dans
lesquelles le créancier peut « conserver la chose » sans le
consentement du débiteur33. Il ne relève donc pas du
droit de rétention que le débiteur remette lui-même ses
biens avec l'intention de constituer une sûreté.
Lorsque les documents en questions sont des actes de ventes
ou des titres fonciers, l'on essaye alors d'assimiler l'opération
à une prise d'hypothèque. Les procédures en la
33 PICOD (Y), Op. Cit. p 187
matière sont pourtant bien connues et ne laissent pas
de place au doute ou à l'hésitation34. Obtenir de
l'emprunteur le dépôt de son titre foncier, d'un acte de vente,
d'un acte de cession de droits coutumiers ou de tout autre acte qui donne ou
reconnaît un droit à celui-ci ou à un tiers ne constitue
autre sûreté que le gage ou une cession de créance au cas
où le titre est payable au porteur. Ce simple dépôt ne peut
en réalité donner aucun droit au créancier sur l'actif
qu'il concerne ou subroger celui-ci aux droits de l'emprunteur. Seul l'acte
ainsi déposé est visé par les droits de garde et de
préférence de la COOPEC. Bien entendu, cette dernière ne
pourra pas vraiment le vendre en cas de défaillance de l'emprunteur.
Comment vendrait-il un titre foncier ou un arrêté
d'intégration ou d'affectation? Une fois de plus, le principal
résultat est la pression exercée sur le débiteur. La prise
en gage d'actes juridiques présente à certains égards les
caractéristiques de sûretés négatives35.
Elle empêche en effet que le bien dont l'acte constitue le titre ne soit
aliéné, le débiteur ne pouvant plus prouver son droit sur
ledit bien. Par ailleurs, il ne pourra plus proposer ce bien, ou plutôt
ce titre, en garantie d'un emprunt dans un autre établissement
36.
Au demeurant, le gage est prisé des COOPEC, mais il
est fréquent qu'elles s'emmêlent entre cette sûreté
et d'autres. Dans le cas d'actes juridiques, elles ne devraient pas se
préoccuper du droit que confère ledit acte ; l'essentiel serait
de prendre un gage en bonne et due forme et de s'assurer que le débiteur
ne se fera pas délivrer un duplicatum. C'est ainsi que sans prendre un
nantissement sur un compte bancaire, elles pourraient accepter en garantie les
formules de chèque du titulaire du compte. L'enregistrement du contrat
de gage au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) devra alors
être notifié à l'établissement teneur du compte afin
que de nouvelles formules de chèque ne soient délivrées au
titulaire. Une telle sûreté pourrait être
intéressante à l'égard des personnes morales (PME). Ce
sont elles qui ont le plus recours aux comptes courants et qui font plus
régulièrement les paiements par chèque. Mais elle
constituerait simplement une mesure comminatoire. L'association d'autres
sûretés telles que les nantissements permettrait d'obtenir une
meilleure garantie de paiement.