PREMIERE PARTIE :
LE RECOURS AUX SURETES CLASSIQUES DANS LE RESEAU
CamCCUL
Il existe un véritable débat doctrinal autour
de la notion de sûreté. La doctrine se divise en trois groupes et
en donne tantôt une conception étroite, tantôt une
conception large, tantôt une conception plus conciliante dite
intermédiaire. Pour le premier groupe, les sûretés
constituent une catégorie précise et limitée ayant des
critères précis et dont la finalité exclusive est la
garantie du paiement d'une créance. Le second groupe les définit
pour sa part comme tout procédé dont la fonction est de favoriser
le recouvrement d'une créance. La troisième conception
présente la sûreté comme l'affectation d'un ou plusieurs
bien, voire de tout un patrimoine au bénéfice d'un
créancier par adjonction d'un droit d'action accessoire au droit de
créance. Aux termes de l'article 1er de l'Acte uniforme
portant organisation des sûretés (AU-OS), « les
sûretés sont les moyens accordés au créancier par la
loi (...) ou la convention des parties pour garantir l'exécution des
obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci ». L'Acte
uniforme a donc opté pour une définition large. Cependant, son
contenu n'est pas aussi étendu que la définition qu'elle donne.
En effet cet acte dont la prétention est d'organiser les
sûretés donne bien une catégorie finie correspondant
à des critères précis, même s'il laisse la
possibilité aux Etats membres de la communauté OHADA de
créer de nouvelles sûretés26. C'est donc sans
embarras que les praticiens du droit considèrent les
sûretés comme une catégorie close de garanties dont dispose
le créancier, cette catégorie correspondant à l'ensemble
des moyens organisés par l'Acte uniforme. Les développements qui
suivent considèrent donc comme sûretés classiques ces
moyens organisés par l'Acte uniforme.
L'AU-OS organise deux grands groupes de sûretés.
D'une part, les sûretés réelles qui donnent au
créancier un droit de préférence sur le prix de
réalisation d'un bien meuble ou immeuble. D'autre part, les
sûretés personnelles qui consistent en l'engagement d'une personne
d'exécuter l'obligation du débiteur principal si celui-ci venait
à être défaillant le moment venu, ou simplement à
première demande du bénéficiaire.
Chacun de ces groupes de sûretés a ses avantages
et ses inconvénients. De façon générale, les
sûretés réelles sont considérées comme
étant très complexes dans leur
26 Voir ISSA-SAYEG (J), « (...) rien
n'interdit un Etat Partie de créer une nouvelle sûreté dans
son droit positif national (...) », in OHADA, Traité et Actes
Uniformes commentés et annotés, éditions Juriscope,
1999, p 625.
constitution et leur réalisation en raison des
formalités qui s'y rattachent. Plus simples, souples et moins
coûteuses, les sûretés personnelles sont cependant
considérées comme plus risquées que les
sûretés réelles en ce qu'elles dépendent de la
situation du patrimoine d'un tiers27.
Celui qui a pour profession habituelle et principale l'octroi
de crédit est donc logiquement conduit vers une certaine
préférence entre les différentes catégories de
sûretés. Un arbitrage doit alors être opéré
entre les préoccupations de coût et de procédure conduisant
vers une affection pour les sûretés personnelles d'une part, et
celles d'efficacité et de minimisation des risques qui poussent le
créancier vers l'option pour les sûretés réelles
d'autre part. La deuxième catégorie de préoccupations
l'emporte sur la première au sein du réseau CamCCUL : une place
de choix est accordée aux sûretés réelles (chapitre
1) tandis que le recours aux sûretés personnelles reste
subsidiaire (chapitre 2).
CHAPITRE 1: LE RECOURS PREPONDERANT AUX SURETES
REELLES
L'AU-OS distingue deux groupes de sûretés au
sein de la grande famille des sûretés réelles. On a ainsi
les sûretés réelles mobilières sont
constituées du droit de rétention, du gage, du nantissement et
des privilèges généraux et spéciaux, et de la seule
sûreté immobilière que constitue l'hypothèque.
«Les sûretés réelles immobilières (...) ne
connaissent pas de subdivision : qu'elles soient conventionnelles ou
forcée, qu'elles s'appellent hypothèque ou privilège des
créanciers séparatiste, elles suivent toutes le même
régime juridique »28 . Le pluriel en la matière
ne se justifie pas.
Une définition simple sans être
réductrice est donnée des sûretés réelles. La
sûreté réelle se reconnaît au droit de
préférence sur le prix de la réalisation du bien meuble ou
immeuble affecté qui s'y rattache. Le droit d'action accessoire
associé à toutes les sûretés est donc à ce
stade un droit réel sur le prix d'un bien déterminé et
rendu indisponible. Il s'agit donc d'un droit facile à liquider pour les
COOPEC et qui leur offre l'avantage de la fongibilité de certains des
biens en question (section 1).
Toutefois, les droits réels font très souvent
l'objet d'une protection particulière par le législateur. Ceci se
traduit par l'institution de formalités strictes d'ordre public visant
à prévenir les abus de droit et à garantir la
propriété. Aucune distinction n'ayant été faite
entre les créanciers assujetties à telle ou telle
formalité par l'AU-OS, les COOPEC sont exposées à ces
contraintes comme tous les autres créanciers, avec au surplus les
facteurs aggravants liés à la taille de certaines d'entre elles
et à la nature de leur cible (section 2).
Section 1 : L'attrait des sûretés
réelles
Les sûretés réelles portent sur des
actifs déterminés. Elles sont donc potentiellement liquides par
nature. Autrement dit, il est possible de déterminer le prix ou la
valeur du bien objet de la sûreté dont le créancier
bénéficie du droit de préférence. Ce dernier peut
d'ailleurs se voir adjuger le bien pour le montant déterminé au
moment de la réalisation de la sûreté. Avant cela, le
créancier peut accepter un bien de même nature ou de même
valeur contre le bien précédemment donné.
Il peut s'agir d'un meuble (corporel ou incorporel) ou alors
d'un immeuble (bâti ou non bâti). Ce sont dès lors la nature
et plus significativement la valeur du bien qui intéresse le
créancier. Conscientes qu'elles pourraient avoir affaire à un
patrimoine peut riche de la caution ou du garant, les COOPEC
préfèrent obtenir de leurs membres une sûreté
réelle. C'est tout ceci qui fait dire que « (...) du moment que le
bien affecté au paiement du
28 ISSA-SAYEG (J) (Coord), Op. Cit. p 2.
créancier a une valeur égale ou supérieure
au montant de la créance, le créancier peut espérer
être payé alors que la caution [ou le garant] peut être ou
devenir insolvable »29.
Dans une démarche qui prend essentiellement en compte
la nature du bien offert en garantie, l'étude des sûretés
réelles mobilières auxquelles ont recours les COOPEC (§ 1)
précèdera celle de l'hypothèque (§ 2).
§ 1 : Les sûretés réelles
mobilières
Les sûretés réelles mobilières
sont des sûretés dont l' « assiette », la chose offerte
en garantie ne peut être qu'un meuble. Elles sont au nombre de quatre aux
termes de l'article 39 de l'AU-OS, à savoir : le gage, le nantissement,
le droit de rétention et les privilèges. Les privilèges ne
sont pas une catégorie véritablement utilisée par les
COOPEC. Au regard de l'identité qu'ils présentent relativement
à leurs effets, le gage et le droit de rétention30, la
tentation est grande d'analyser leur usage par les COOPEC dans un mouvement
unique. Seulement, le droit de rétention ne fait pas l'objet d'un
recours formel ou même systématique par ces dernières. Il
est dissimulé dans des pratiques qui tantôt s'apparentent aux
mécanismes de certaines sûretés classiques et tantôt
apparaissent comme des garanties spécifiques développées
par ces établissements. Le recours au gage sera donc
étudié isolément (A) tandis que le droit de
rétention sera évoqué dans la suite de notre travail
chaque fois qu'une sûreté ou un autre mécanisme, dans sa
mise en oeuvre par les COOPEC du réseau CamCCUL, mettra en
évidence une de ses caractéristiques. Les nantissements sont par
contre prisées des COOPEC et méritent une attention
particulière (B).
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