Le cautionnement est un contrat par lequel une personne
s'engage envers le créancier d'une autre à exécuter
l'obligation de cette dernière si elle n' y satisfaisait pas
elle-même75. Il s'agit donc d'un contrat synallagmatique ou
bilatéral qui crée des droits et des devoirs réciproques
pour le créancier et la caution. Le créancier doit accepter
l'offre de cautionnement du débiteur et exécuter d'autres
obligations en sa faveur. Il devra notamment l'informer de la situation du
débiteur principal de l'obligation de payer76. La caution
doit payer si le débiteur principal est défaillant le moment
venu.
Le cautionnement est également accessoire car il
suppose l'existence d'une obligation dite principale à garantir. Ce
n'est que lorsque le débiteur principal n'a pas exécuté
son obligation que le créancier peut se retourner contre la caution. La
caution ne peut être plus tenue que le débiteur
principal77. Elle bénéficie des exceptions
liées à la dette qui appartiennent au débiteur principal
et est fondée à les opposer au créancier. La
74 Droit des Sûretés sur
www.members.fortunecity.com
75 Art 3 AU-OS
76 Voir ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 12 et s.
77 Art 7 et 15 AU-OS
déchéance du terme accordé au
débiteur principal ne s'étend pas à elle78. Il
s'agit donc d'une seule dette mais avec « une dualité des liens
obligataires »79.
Le cautionnement peut être simple ou solidaire. De
principe il est solidaire et n'est considéré comme simple que
lorsque les parties ou la loi le prévoit de façon
expresse80. La caution simple peut invoquer les
bénéfices de discussion et de division. Le bénéfice
de discussion permet à la caution de renvoyer le créancier vers
les biens du débiteur principal et de ne s'exécuter que lorsque
le patrimoine de ce dernier n'a effectivement pas permis le recouvrement
intégral de la créance. Le bénéfice de division
permet à la caution saisie de demander la poursuite des autres cautions
- s'il en existe - et de limiter le paiement au marc le franc. La caution
simple peut volontairement renoncer au bénéfice de discussion et
au bénéfice de division. La caution solidaire quant à elle
ne peut en aucune façon exciper le bénéfice de discussion
et le bénéfice de division81.
Le cautionnement peut être conventionnel, légal
ou judiciaire82. Dans chacun de ces cas, les formalités de
constitution sont les mêmes. Le cautionnement présente une forme
particulière. Il s'agit de l'aval. L'aval est un cautionnement
donné sur un effet de commerce. Il est reconnu par la mention « bon
pour aval » sur le billet à ordre, la lettre de change ou le
chèque. L'aval est peut connu des COOPEC. Celles-ci marquent leur
préférence pour la forme classique du cautionnement. Toutefois
elles n'admettent pour caution qu'un de leurs membres (A) de même
qu'elles sont très attachées aux formalités de
constitution du cautionnement (B).
A - La restriction de la caution aux membres de la
COOPEC
A la lecture de l'Acte uniforme, il n'existe pas de
conditions particulières et expresses liées à la caution
pour la formation du cautionnement. L'article 3 AU-OS parle simplement d'une
caution. Qui peut être caution ? Dans le silence de l'Acte uniforme, il
faut penser que tout le monde peut se constituer caution, aussi bien les
personnes morales que les personnes physiques. Il découle
néanmoins des dispositions de l'AU-OS que la caution doit être
solvable au moment où elle s'engage. Tous les éléments de
son patrimoine doivent être considérés à cet effet.
Une fois que la caution n'est plus solvable,
78 Art 17 AU-OS
79 ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 12.
80 Art 10 AU-OS
81 NYAMA (J. M.), Op. Cit. p 246.
82 Art 5 et 6 AU-OS
elle doit être remplacée par une autre caution
ou par une sûreté réelle suffisante. Le remplacement de la
caution est à la charge du débiteur principal, ce qui s'accommode
mal avec la possibilité d'accorder le cautionnement à l'insu de
celui-ci83.
Le cautionnement étant un contrat, les conditions
générales relatives aux parties à un contrat s'appliquent
à la caution. En tout état de cause, la caution doit être
une personne capable. Un mineur non émancipé ou toute personne
atteinte de troubles mentales au moment de l'acte ne peuvent se constituer
valablement caution. Toutefois, le tuteur ou l'administrateur légal
pourraient consentir un cautionnement au nom du mineur et dans son
intérêt. Cette pratique acceptée en droit
français84 permettrait de conforter le recours aux comptes de
mineurs dans les COOPEC du réseau CamCCUL. Les parents du mineur qui
ouvrent et opèrent son compte pourraient ainsi offrir un cautionnement
lorsqu'il y va de l'augmentation du patrimoine de la famille.
Le cautionnement par l'un des époux mariés sous
le régime légal (communauté des meubles et
acquêts)85 est fréquent ici, sans beaucoup
d'égard pour les difficultés juridiques qu'il peut engendrer. La
question est notamment de savoir si un des époux communs en biens peut
engager l'ensemble du patrimoine de ladite communauté sans le
consentement de l'autre époux. Les solutions dégagées par
le juge français pourraient être reprises chez nous. La caution
devrait alors obtenir l'autorisation de son conjoint pour engager les biens de
la communauté86. Il est heureux que le nouveau contrat de
cautionnement élaboré par la ligue pour le réseau
prévoit un espace pour la signature du conjoint de la caution. La
démarche serait complète si cette signature était
systématiquement exigée par les responsables de crédit.
Le Consentement de la caution doit également
être valable. La question des vices de consentement n'est nullement une
préoccupation ici. Et pourtant, elle aurait pu contribuer à
éclairer cette institution aussi bien aux yeux des COOPEC que de leurs
membres. L'intérêt serait alors que les membres exigent le respect
de leur droit à l'information sur la situation du débiteur
principal avant tout engagement. La COOPEC, comme tout autre créancier,
ne doit pas que penser à se ménager la garantie d'un
débiteur solvable, mais également à informer de
manière précise la caution sur l'étendue de son engagement
et la situation du débiteur principal. Elle doit avoir au
préalable mis en place un mécanisme de financement
83 Voir ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 10.
84 Civ. 1ère, 2 déc. 1997,
Bull. civ. I. n° 343.
85 Art 1400 et s. C. Civ.
86 Civ. 1er, 11 avril 1995, D. 1995. Somm.
327, obs. Grimaldi.
approprié à la situation de l'emprunteur et
qui, suivant une analyse raisonnable, ne risque pas de constituer un
surendettement pour celui-ci. Si la COOPEC manquait à ces obligations,
elle se rendrait coupable de dol et/ou de n'avoir pas respecter ses obligations
de contracter de bonne foi et de conseil à l'égard de la caution
et du débiteur principal87.
Dans la pratique, une double restriction guide l'acceptation
des cautions par les COOPEC du réseau. La seconde se greffe à la
première. Ne sont ainsi acceptées que les cautions membres de la
COOPEC et qui disposent d'une épargne suffisante dans leur compte pour
rembourser le crédit le cas échéant. L'idée de
départ était que la caution est un codébiteur («
co-maker ») et qu'il était donc tenu au même titre que
l'emprunteur. Il va sans dire que ceci remettait en cause le caractère
accessoire du cautionnement. A la faveur d'un atelier organisé à
Bamenda les 3 et 4 septembre 2004 à l'initiative de ce qui était
alors la direction du crédit, les magistrats, avocats et autres experts
invités ont sévèrement critiqué l'usage de tels
termes. Suivant cette critique, la résolution N° 10 de cet atelier
recommandait de réviser les politiques en matière de
crédit pour y intégrer les notions propres au droit du
crédit et particulièrement celles du droit des
sûretés tel qu'organisé par l'Acte uniforme
OHADA88. C'est alors que la notion de « co-maker » a
formellement disparu des instruments de crédit pour céder place
à celle de « surety », plus appropriée.
L'exigence d'une caution membre de la COOPEC tire donc ses
fondements dans cette conception ancienne qui visait à avoir plusieurs
membres responsables d'un même crédit. Si le passage de la
situation de codébiteurs à celle de débiteur principal -
caution a pu se faire, il n' en est pas de même quant à l'exigence
de la qualité de membre pour être caution. Cette restriction se
comprend dans la mesure où les COOPEC ne visent en réalité
que l'épargne du membre caution.
Cette double restriction pourrait être
considérée comme une adaptation pratique du cautionnement
à la situation des COOPEC. Elle tend cependant à priver ces
institutions de garanties car ce n'est pas pour la seule raison de se porter
caution qu'une personne adhèrera ou changera de COOPEC. Elle a surtout
l'inconvénient majeur de se traduire par une dénaturation de la
garantie que constitue le cautionnement. Ce n'est plus tout un patrimoine qui
est visé, mais un bien précis ; ce qui suggère la tendance
aux « sûretés
87 A titre de droit comparé, voir Civ.
1ère, 18 fév. 1997, CRCAM de la Gironde c/ Mme
Dorian, JCP E 1997, II, 944, note LEGEAIS (D). LEGEAIS (D), Travaux
dirigés de droit des sûretés, 3ème
édition, Litec, Groupe LexisNexis, Editions du Juris-Claseur, p 3et
s.
88« Workshop on the review of collateral as security
for loan granting in Credit Unions to meet the OHADA Law standard», B
amenda, September 3rd and 4th 2004, Lending Department,
CamCCUL Ltd.
mixtes »89. Le champ de cette
sûreté devrait d'autant plus être élargi dans la
pratique que les COOPEC y tiennent énormément, comme en
témoignent leurs efforts en vue de respecter ses modalités de
constitution.
B - Le respect rigoureux des formalités de
constitution
Au lendemain de la publication de l'AU-OS, certains
commentateurs ont affirmé que cet acte faisait du cautionnement un
contrat solennel. Après une vive critique, les affirmations sont
désormais plus nuancées. Pendant que ceux qui ont critiqué
parlent sans façon de caractère consensuel du cautionnement, la
plupart de ceux qui avaient cru voir un contrat solennel parle désormais
d'un minimum de formalisme. Quelle est la valeur des différentes
formalités exigées par l'AU-OS en matière de constitution
du cautionnement ? Permettent-elles seulement de constater l'existence du
cautionnement ou sont-elles exigées à peine de nullité ?
Dans le premier cas, le cautionnement serait un contrat consensuel alors que
dans le second, il s'agirait d'un contrat solennel.
Un acte juridique est dit solennel lorsque sa validité
est conditionnée par l'accomplissement de certaines formalités
exigées par la loi et qui accompagne le consentement des parties.
Lesdites formalités sont donc exigées à peine de
nullité de l'acte : on dit qu'elles sont ad validitatem ou
ad solemnitatem. Un acte juridique consensuel par contre est celui qui ne
nécessite pour sa formation aucune formalité particulière
et qui résulte du seul échange des consentements des parties.
Toutes formalités qui seraient requises par la loi le seraient pour des
besoins de constat et de preuve : on dit qu'elles sont ad
probationem.
Le cautionnement doit être consenti par écrit
à peine de nullité. Il doit porter la signature des deux parties
et la mention de la somme maximale pour laquelle il est donné,
écrite de la main de la caution ou certifiée par ces
témoins si elle-même ne sait lire et écrire90.
La jurisprudence précise que la nullité est également la
sanction de l'absence signature des deux parties sur l'acte91. En
d'autres termes, si le cautionnement n'est pas formé par écrit
avec la signature des deux parties, il est nul92.
L'acte constitutif de l'obligation principale doit être
annexé au cautionnement. Mais le législateur ne dit pas quelle
est la sanction attachée à cette formalité. On pourrait
penser
89 Voir Section 2 du présent chapitre.
90 Art 4 AU-OS
91 TPI Abidjan, n° 31 du 22 mars 2001, CSSPA
c/ Sté Afrocom, Ecobank et BACI, Revue Ecodroit, n° 1,
juillet-août 2001, p 39.
92 LHERIAU (L), Op. Cit. p 457, note 48.
qu'il s'agit d'apporter la preuve de la validité de
l'obligation principale. Ce qui signifierait que la seule modalité de
preuve admise pour l'existence d'une créance cautionnée est la
preuve par écrit. Dans la pratique, le cautionnement est soit
intégré dans la convention d'ouverture de crédit, ou
alors, les termes de celle-ci sont repris par l'acte de cautionnement. Ce qui
parait suffisant pour faire la preuve de la validité du droit de
créance, encore faudrait-il que le débiteur soit dans le dernier
cas partie au cautionnement. Après avoir longtemps intégré
le cautionnement dans la convention d'ouverture de crédit, les deux
actes ont étés séparés à la suite de
l'atelier sur les garanties de 2004. Mais il semble moins complexe de joindre
ces deux actes comme le suggèrent déjà certains dirigeants
des COOPEC de base et de la ligue.
Le cautionnement se présente finalement comme une
sûreté d'un usage fréquent mais limité dans son
étendu dans le réseau CamCCUL. Le recours à la lettre de
garantie constitue à cet égards une alternative.