Après une longue genèse en droit
français et sous l'impulsion des commerçants, la lettre de
garantie est reçue et traitée par le droit OHADA comme une
garantie autonome ou indépendante. Elle n'est plus comme par le
passé « une variante » du cautionnement et revêt
désormais des traits distinctifs qui attestent de cette autonomie. Son
mécanisme et ses effets constituent l'essentiel de ces traits
distinctifs. Malheureusement, ils sont mal connus des COOPEC du réseau
CamCCUL (A). C'est for logiquement que son utilisation reste peu
fréquente ici (B).
A - La faible maîtrise de son mécanisme et
de ses effets
A l'observation, les COOPEC maîtrisent mal le
régime juridique de la lettre de garantie. Elles ne la distinguent pas
parfaitement du cautionnement et n'apprécient pas à leur juste
valeur les effets de cette sûreté.
La lettre de garantie est un contrat par lequel une personne
(le garant) s'engage envers une autre (le donneur d'ordre) à payer
à une troisième personne (le bénéficiaire) une
somme déterminée sur première demande de ce dernier. Le
donneur d'ordre est en principe débiteur ou débiteur potentiel du
bénéficiaire, et créancier ou créancier potentiel
du garant. Il existe donc de façon générale une obligation
de somme d'argent du donneur d'ordre envers le bénéficiaire.
C'est cette obligation que l'on se garde bien de traiter de principale qui est
garantie par la lettre de garantie à première demande. En effet,
l'obligation
contractée par le garant est autonome et
indépendante de la première obligation. Son objet est bien
distinct de celui de l'obligation garantie. Contrairement à la caution,
le garant s'engage à titre personnel de payer une dette aussitôt
que la demande du bénéficiaire est justifiée. Dès
lors que le bénéficiaire en fait la demande et de façon
justifiée, le garant doit s'exécuter mutatis mutandis.
Il ne peut opposer au bénéficiaire les exceptions
inhérentes aux liens d'obligation qui lient ce dernier au donneur
d'ordre. Bien sûr, le bénéficiaire doit se prévaloir
de la défaillance du donneur d'ordre. Après paiement, le garant
peut se retourner contre une autre personne appelée le contre garant
s'il avait lui-même fait garantir son obligation par cette
dernière.
Dans un effort ultime de distinguer la lettre de garantie de
l'unique sûreté personnelle qui avait existé jusque
là, à savoir le cautionnement, l'AU-OS a, malgré l'absence
d'unanimité entre ses rédacteurs à ce sujet93,
limité la garantie et la contre garantie à première
demande aux personnes morales94. Traditionnellement, la garantie
à première demande et la contre garantie sont offertes par des
établissements de crédit sous la forme d'engagement par
signature.
B - L'utilisation peu fréquente
La lettre de garantie est nouvelle et continue quoi qu'on
dise à être assimilée au cautionnement par certains
praticiens trop habitués jusque là à cette dernière
sûreté. Les COOPEC du réseau CamCCUL ne font que rarement
recours à cette sûreté. A la ligue et dans certaines des
grandes caisses de base, des efforts sont faits pour mieux appréhender
ses effets. Mais le chemin reste long pour arriver à une
appréhension suffisante et une utilisation significative de ce
mécanisme de garantie.
De par ses effets, la lettre de garantie ou de contre
garantie permettrait aux COOPEC de s'assurer le recouvrement de certains
crédits même contestés par le membre, en raison de son
caractère autonome. Elle permettrait également de
bénéficier du droit de gage général sur le
patrimoine d'une entreprise. Ceci constituerait une excellente
sûreté dans le cadre du financement des PME / PMI. Ces
unités économiques représentent actuellement au Cameroun
l'un des secteurs le plus nécessiteux en financements. La lettre de
garantie pourrait aussi avoir un rôle important dans le financement des
marchés publics en pleine re-florescence chez nous.
93 ISSA-SAYEGH, Op. Cit. p 637.
94 Art 29 AU-OS
Il est également malheureux que ces instruments ne
soient pas utilisés comme mécanismes de financement. A
défaut d'être requis des PME / PMI comme garantie, ils pourraient
leur être offerts comme mécanismes de financement. Ceci
permettrait de diversifier un peu plus les modes de financement
pratiqués par les COOPEC. En effet, la plupart des crédits
octroyés par cette catégorie d'EMF sont des crédits avec
décaissement, à l'exclusion des engagements par signature. Ceci
constitue un mécanisme de financement plus risqué et en
définitive plus coûteux car son coût d'opportunité
est plus élevé. Dans le cadre d'un engagement par signature,
l'établissement conserve les fonds et peut les employer même
à très court terme. L'effet est directement perceptible sur la
trésorerie de certaines COOPEC.
Aussi bien en tant que sûreté qu'instrument de
crédit, les lettres de garantie et de contre garantie restent mal
connues et peu usitées par les COOPEC. Cela reflète d'une
certaine façon le sort réservé aux sûretés
personnelles, assorties de nombreuses restrictions et limitations au moment de
leur usage.