B- les caractères des industries des pays de la
CEDEAO
Ce qui a été évoqué ci-dessous
colle à la réalité des Etats membres de la CEDEAO
qui appartiennent tous au groupe des pays en voie de développement.
Au sortir des indépendances formelles des années 1960, les
Etats de l'Afrique de l'Ouest sous domination française ou
Anglaise ont développé une politique
industrielle d'import substitution qui consiste à remplacer un certain
nombre de produits préalablement importés de la métropole
notamment, par des productions locales identiques. On assiste alors à
une prolifération d'industries dans les différents Etats de la
Communauté. Cette conception du développement ne pouvait
s'appuyer sur des potentialités propres aux Etats, mais se traduisait
par un recours à des ressources extérieures pour propulser le
développement. Ainsi ces Etats ont eu recours au marché financier
international pour financer les importations des biens d'équipements
indispensables à la politique d'industrialisation par l'import
substitution. Ceci a accru considérablement la dette extérieure
de ces pays.
Ces Etats ont également pris un certain nombre de
mesures économiques pour inciter les multinationales occidentales
à investir massivement dans leur pays. Le principal outil de cette
politique est le Code des investissements. Le Code des investissements est un
ensemble de dispositions élaborées par les pouvoirs
exécutifs ou législatifs pour régir tout ou une partie des
activités économiques financées par le capital
privé national ou étranger. Dans la mesure où les Codes
des investissements sont des actes unilatéraux, ils apparaissent comme
l'expression de la souveraineté, du libre choix d'une politique
économique.
Tous les Codes d'investissements sont des instruments
d'incitation et d'encouragement grâce aux avantages qu'ils octroient. Le
choix consiste toujours à faciliter l'activité économique
du capital international. Ils se traduisent donc, le plus souvent, par des
politiques économiques qui vont dans le même sens. S'il y a choix,
pourquoi donc les pays en voie de développement choisissent-ils toujours
des politiques semblables ?
Le recours aux Codes des investissements a pour but d'attirer
les investissements des entreprises étrangères dont on suppose
ainsi, que les apports en capitaux, en équipements et en connaissances
scientifiques et techniques sont de nature à pallier les insuffisances
et les retraits locaux dans ces domaines. Une telle politique suppose donc que
les entreprises étrangères peuvent avoir parmi leurs objectifs,
le développement des pays sous développés.
Ainsi, les Etats de la CEDEAO ont pris les mesures suivantes :
y' les mesures de productions tarifaires ou parfois de
contingentement ou d'interdiction pure et simple des importations ;
y' l'octroi de crédits à des taux
préférentiels par les banques et les organismes locaux de
financement ;
y' l'exoration totale de l'impôt sur les
sociétés durant une période d'autant plus longue pour que
l'unité de production s'implante dans un secteur jugé
prioritaire.
Les firmes multinationales, étrangères, ont
profité de ces mesures pour mettre au point une stratégie
commerciale par une autre voie que cette traditionnelle des exportations. Ainsi
dans chaque pays de la CEDEAO, les mêmes firmes multinationales vont
installer une unité de production identique, avec pour seule
différence la dénomination. Pour illustrer cette situation, on
peut citer en exemple :
y' dans le secteur textile, Agathe Villot, la compagnie
française pour le développement des textiles (CFDT), le groupe
Boussac Saint frères ont implanté la Sofitex (Burkina) la Nitex
(Niger), Itema (Mali), Icadi (Cote d'Ivoire) ;
y' dans la téléphonie cellulaire mobile, on a
Moove Togo, Moove Cote d'I voire, Moove
Nigeria, Moove Ghana qui appartiennent à la compagnie
internationale Moove .
Ces entreprises sont généralement de petite ou
moyenne dimension, compte tenu de l'importance du marché national. Il en
résulte qu'en plus des caractéristiques liées à
l'extraversion des économies des pays sous développés, les
économies des Etats de la CEDEAO sont caractérisées par
une industrialisation tournée vers la production des biens de
consommation destinés à la satisfaction des besoins solvables des
consommateurs urbains.
Une industrialisation basée sur des structures
extraverties et une politique d'import substitution, loin de conquérir
l'indépendance économique, secrète de nouvelles formes de
dépendance sur le plan financier, technologique et commercial. Dans ces
conditions, comment les échanges commerciaux intracommunautaires
peuvent-ils connaître un développement conduisant à une
amélioration du niveau de vie des populations ? L'existence de Codes des
investissements trop favorables aux investissements étrangers
(rapatriement des capitaux notamment ) ne peut que retarder la prise en mains
par les Etats de leur destinée économique, seule condition sine
qua non pouvant permettre la mise en oeuvre au niveau régional d'une
politique active de coopération économique. Ne faudrait-il pas
harmoniser les Codes des investissements ?
Une harmonisation des Codes actuels des investissements
contribuerait à creuser d'avantages le déséquilibre
industriel dans la région. Ce Code devenant à peu près les
mêmes dans la région, le capital financier international ne
s'implantera que là où il pourra bénéficier
d'une
infrastructure lui permettant d'amortir ses charges et
accroître rapidement ses profits. Or le déséquilibre actuel
entre les Etats de la CEDEAO est déjà fort important ; 85 % des
industries sont reparties entre le Nigeria, la Côte d'Ivoire, le Ghana et
le Sénégal et les autres 15% aux autres pays membres. Cette
situation est le résultat des politiques coloniales et « néo
coloniale » qui ont fait certains des pourvoyeurs de main d'oeuvre et
quelques matières premières et surtout des consommateurs des
produits importés d'Europe ou des produits manufacturés en
provenance des pays côtiers ( ayant un littoral).
La structure des économies des Etats de la
Communauté telle que nous venons de décrire ne peut favoriser le
développement du commerce entre les Etats membres. D'autres obstacles
structurels existent, mais en fait elles ne sont que la conséquence des
caractéristiques des économies dominées et
dépendantes dont nous venons de parler.
|