CHAPITRE II : LES AUTRES ENTRAVES
Les entraves résultant de la violation des dispositions
du Traité peuvent être facilement supprimées. Il suffit que
tous les Etats membres respectent la réglementation adoptée en
commun. Il en est tout autre en ce qui concerne celles que nous allons
étudier dans le cadre de ce chapitre. Sont principalement
concernées par ces difficultés, les entreprises qu'elles soient
exportatrices ou que leurs productions soient destinées à la
satisfaction des besoins nationaux. Cela nous amènera à
apprécier les obstacles à travers elles. Nous distinguerons donc
les entraves qui lui sont extérieures (exogènes) de celles qui
lui sont internes (endogènes)
SECTION I. LES ENTRAVES EXOGENES
Les entraves exogènes sont indépendantes de
l'entreprise. Elles peuvent se résumer à la structuration
même des économies des pays de la CEDEAO.
A. L'extraversion des économies des pays
sous-développés
Au fur et à mesure que l'occident s'industrialisait,
son commerce international avec les pays - sous développés
prenait les contours qu'il présente encore aujourd'hui : un commerce
animé et dominé par la recherche de la satisfaction des besoins
des pays industrialisés. Autrement dit, le commerce international des
pays en voie de développement (PVD) comprend dans ses exportations, des
produits recherchés par les pays développés pour leurs
différents secteurs d'activités, et dans ses importations la
production des pays développés qui ne peut être
consommée sur leurs marchés intérieurs. C'est dire que le
commerce international des PVD est déterminé dans sa nature et
dans son contenu par des centres extérieurs à ces pays.
Ce type de commerce conduit irrévocablement à la
désarticulation des économies des PVD. Une économie
désarticulée est une économie dont les différents
secteurs ne sont pas articulés ou reliés les uns aux autres
sur la base d'un projet cohérent de construction nationale ; la
croissance d'une branche ne produit pas tous les effets
attendus sur les branches voisines. Il n'y a pas de communication
organisée et régulière entre les différentes
branches de l'économie. Concrètement, les projets de
développement de chaque branche sont faits sans tenir compte des
capacités et réalité des autres branches.
Même lorsqu'il existe un plan économique de
développement, on constate l'incapacité des réalisateurs
à la traduire dans les faits par suite d'une
imperméabilité de telles branches vis-à- vis des autres
branches locales. Il en résulte que les demandes et les décisions
d'une branche ne peuvent pas être satisfaites dans le cadre local. Les
investissements sont conçus et formulés sur la base des relations
établies avec les pays développés. Tel en témoigne
les différents programmes d'ajustement structurel
«imposés« et adoptés par de nombreux PVD. Idem pour la
conditionnalité de financement par les bailleurs de fonds des
différents cadres stratégiques de lutte contre la
pauvreté.
Parallèlement à cette désarticulation,
les économies des PVD, notamment ceux de la CEDEAO, sont extraverties.
Une économie extravertie est celle dont les principales activités
sont mises en place et conduites sur la base d'incitations ou de
décisions venues de l'étranger. Dès le début de
l'industrialisation de l'Europe, celle-ci à eu tendance à
exporter des produits manufacturés à forte valeur ajoutée
contre des produits bruts à vil prix dans des pays d'Afrique, d'Asie,
d'Amérique Latine. Cet échange inégal dévalorise le
travail et les ressources de ces continents. Si nous prenons en exemple un pays
membre de la CEDEAO, tel le Nigeria, 8ème producteur du
pétrole brut : ce pétrole brut représente 80% des
exportations de ce pays. Ces exportations s'effectuent essentiellement vers les
Etats-Unis. Le Nigeria ne raffine que 10% de sa production
pétrolière contre 90% réservé à
l'exportation. Cet état de fait ne peut nullement favoriser le Nigeria
à terme de valeur ajoutée.
Les pays en voie de développement restent dans
l'ensemble des pays exportateurs de matières premières, mais ils
ne sont pas que cela. Plusieurs d'entre eux exportent certaines
catégories de produits manufacturés (cas de la Côte
d'Ivoire et du Nigeria qui exporte du textile vers l'Europe ou les Etats-Unis
d'Amérique). Il y a donc une transformation de la structure du commerce
international entre pays développés à économie de
marché et les pays en voie de développement. Le problème
est donc de savoir si cette transformation de la structure des échanges
Nord-Sud fait désormais du commerce international un facteur de
développement des pays sous développés.
La transformation de la structure du commerce international ne
permet pas de faire du commerce des PVD un facteur de développement. Il
y a plusieurs raisons expliquant cette situation. Le nombre de pays qui
connaissent une transformation significative de la structure de leur commerce
international est dérisoire. Sur 125 membres du groupe de 77,
près d'une centaine de pays ne connaissent pas cette transformation. Les
changements dans la structure du commerce international de quelques pays en
voie de développement sont le fait de décisions politiques
émanant l'extérieur. Dans plusieurs pays
sous-développés, ce sont les entreprises qui dirigent la
production et la commercialisation, de sorte que les véritables acteurs,
ceux qui occupent les centres de décision et qui élaborent les
politiques ne sont, dans ces cas, ni les gouvernants, ni les administrations,
ni même le capital privé national.
Pour étayer cette situation, on peut citer l'exemple
qui fait actuellement couler beaucoup d'encre à savoir la question des
Accords de Partenariat Economique (APE) que les Européens veulent signer
avec les pays membres de la CEDEAO. L'intégralité du projet des
APE a été mûri, écrit et proposé aux
africains sans même ni leur participation, ni leur avis, ni leur
réflexion à ce texte. Or les APE dans sa forme actuelle remettent
en cause les efforts de la communauté en matière de
développement du commerce et de construction économique dans la
mesure où les Européens demandent la réciprocité
dans les échanges ; or les économies des pays de la CEDEAO sont
encore embryonnaires.
Face à cette situation de commerce inégal, au
lendemain de leur indépendance, les premiers efforts des PVD ont
consisté généralement à essayer d'orienter
l'activité économique. Dans un premier temps, les nouveaux Etats
n'ont pas recherché le contrôle direct des activités
économiques. Les pratiques économiques de la plupart des pays
consistent à mettre en place les conditions susceptibles de permettre le
fonctionnement de l'appareil économique existant, en essayant, autant
que faire se peut, de l'améliorer et de le développer.
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