B- LES OBSTACLES ADMINISTRATIFS
Les difficultés concernent non seulement la
complexité de la procédure à l'importation ou à
l'exportation et des formalités à remplir, mais aussi de la
pratique administrative proprement dite à savoir le comportement des
agents.
1- La complexité des procédures
Nul n'ignore que cette complexité est un facteur entravant
la progression notable des échanges commerciaux. Parmi elles on peut
citer :
a) La dissymétrie des seuils entre l'UEMOA et la
CEDEAO : malgré la volonté D'harmoniser les
procédures entre l'UEMOA et la CEDEAO, il existe toujours un
déphasage au niveau des seuils (à ne pas dépasser) retenus
pour certains éléments constitutifs du prix de revient ex-usine
d'un produit et la valeur ajoutée. Il est ainsi :
y' Des traitements et des salaires : 20% du prix de revient pour
la CEDEAO et 15% du prix de revient pour l'UEMOA ;
y' des travaux, des fournitures et des services extérieurs
: 10% du prix de revient pour la CEDEAO et 7% du prix de revient pour l'UEMOA
;
y' des frais financiers : 3% du prix de revient pour la CEDEAO et
0% du prix de revient pour l'UEMOA.
Il n'est donc pas exclu de voir une demande d'agrément
être rejetée au niveau de l'UEMOA (agrément à la
Taxe Préférentielle Communautaire) et acceptée au
schéma de libéralisation de la CEDEAO. Il est donc judicieux de
mettre en place un système de gestion informatisée des
agréments accordés au niveau national, mais aussi ceux relevant
de la présidence de la commission (niveau communautaire) et de finaliser
l'harmonisation des critères d'agrément des produits entre
l'UEMOA et la CEDEAO. Il faut rappeler que l'Union Monétaire Economique
Ouest Africain (UEMOA) est le regroupement de huit (8) pays tiers 16
qui font également partie de la CEDEAO.
b) la dissymétrie au niveau des charges
fiscales : la mise en place d'une Union douanière devrait avoir
pour conséquence immédiate un allègement de la charge
fiscale qui pèse sur les biens lors de leurs échanges. Tel n'est
pas le cas en Afrique de l'Ouest où on
16 Ce sont les pays membres de la CEAO
assiste plutôt à un alourdissement de la charge
fiscale pour les particuliers dans l'espace CEDEAO ; ce, à cause de la
double imposition douanière inhérente au chevauchement et
à l'effet cumulé des impositions relevant de la CEDEAO et de
l'UEMOA. L'exemple typique en la matière concerne les
prélèvements opérés par les deux organisations en
vue de compenser les pertes de recettes de porte subies, du fait de la
libéralisation des échanges et la constitution des ressources
propres. Le Prélèvement Communautaire de Solidarité de
l'UEMOA et le Prélèvement Communautaire de la CEDEAO dont il
s'agit conduisent dans leur application à une double imposition des pays
de l'UEMOA. Le projet de budget du Burkina Faso exercice 2000 est illustratif
à cet égard. On peut, en effet, lire à l'article 22 dudit
projet de la loi de finances que « pour compter du 1er Janvier
2000, les dispositions des articles 3, 3 bis et 6 de la loi n°12/92/ADP du
22 décembre 1992 du tarif des douanes sont modifiées et
rédigées ainsi qu'il suit :
Article 3 : Le nouveau tableau des droits et taxes
d'entrée comprend :
V' le Droit de Douane (DD) 0% ; 5%; 10% ; 20% ;
V' La Redevance Statistique (RS), 1% taux unique ;
V' Le Prélèvement Communautaire de
Solidarité (PC S), 1% taux unique ;
V' Le Prélèvement Communautaire (PC) 0,5% taux
unique ;
V' Les Taxes de Consommation prévues par le Code des
impôts ;
V' La Taxe additionnelle sur le sucre ;
V' La Taxe Conjoncturelle à l'Importation (TCI) applicable
à certains produits sensibles dont la valeur est tributaire des prix
internationaux, son taux est de 10% ;
V' La Taxe Dégressive de Protection (TDP) ».
Cet exemple illustre cette question de la double imposition et
permet en outre, de toucher du doigt les incidences du
Prélèvement Communautaire (PC) de la CEDEAO sur le niveau du
Tarif Extérieur Commun de l'UEMOA. L'existence du PC dévoie la
philosophie du TEC fondée sur le protectionnisme minimal. Il y a ipso
facto un renchérissement de la charge fiscale de 0,5% pour les
importations en provenance des Etats tiers et en direction des Etats membres de
l'UEMOA. Ainsi, pendant que les pays de l'UEMOA doivent appliquer à la
fois le PCS et le PC, ceux de la CEDEAO, hors UEMOA, ne sont astreints qu'au
seul PC. Cette situation n'est pas sans danger pour les consommateurs et les
entreprises des pays faisant partie de l'UEMOA, ce d'autant plus que ces Etats
ne peuvent, du fait du système de recouvrement du PCS s'échapper
à son reversement à la BCEAO.
En effet, les Etats qui n'honorent pas ses engagements, voient
automatiquement leurs comptes débités auprès de la BCEAO
à hauteur de la somme due ; toute chose qui n'existe pas dans les Etats
hors UEMOA du fait de la souveraineté monétaire dont jouissent
ces Etats.
Cet exemple nous démontre qu'il ne faudrait pas non
plus oublier le problème de la comptabilité UEMOA-CEDEAO. A cet
effet, pour que l'intégration des économies Ouest africaines
aboutisse, il est nécessaire de supprimer les divergences et
incompatibilités relatives aux politiques et programmes des deux
organisations intergouvernementales. Il est donc impératif de mettre en
cohérence les efforts de coopération en Afrique de l'Ouest si
l'on veut maximiser les gains de l'intégration régionale.
c) la dissymétrie dans le rythme de
désarmement : concernant ce volet, les schémas
de libéralisation de la CEDEAO et celui de l'UEMOA
affichent des divergences en ce qui concerne les règles d'origine, le
régime tarifaire applicable aux produits industriels originaires.
Se rapportant aux règles d'origine, si elles sont les
mêmes pour ce qui touche les produits du cru et de l'artisanat
traditionnel, elles diffèrent en ce qui concerne les produits
industriels. L'examen et la mise en rapport des deux systèmes de
définition de l'origine font ressortir que les règles de la
CEDEAO sont moins strictes ou plus lâches que celles en vigueur dans
l'UEMOA. Cette situation est propice au développement de la
duplicité et de l'arbitraire dans l'application des normes
douanières.
La politique de réductions tarifaires se
caractérise, elle, par un double rythme de désarmement. Chacune
des organisations a élaboré un schéma de
libéralisation assorti d'un calendrier d'exécution. La CEDEAO
avec son schéma de libéralisation aujourd'hui en vigueur et qui
fait l'objet de la décision A/SEC/6/6/89 du 30 juin 1989 entend asseoir
un désarmement progressif, modulé et empreint
d'équité. L'UEMOA quand à elle, a opté pour un
désarmement linéaire plus caractérisé par
l'idée de sélectivité que d'équité. Sous une
telle situation, les Etats membres de l'UEMOA sont exposés à un
désarmement à double vitesse et ceux de la CEDEAO hors UEMOA
à une vitesse, ce qui est une situation très difficile née
des divergences contenues dans les schémas de libéralisation.
Ainsi, l'effet d'équité recherché par le
schéma de la CEDEAO est mis à rude épreuve, sinon
annihilé par le désarmement entamé par l'UEMOA. Cette
situation aurait pu se compliquer
davantage si le TEC de la CEDEAO avait pu être
établi à la date du 1er janvier 2000. Que serait-il
advenu si le calendrier CEDEAO avait été respecté ? Les
Etats de l'UEMOA se seraient retrouvés devant une situation
inextricable, celle de devoir appliquer deux TEC. A cette simple
évocation, on mesure les conséquences qu'une telle situation
aurait eues sur l'activité des services des douanes mais surtout un
contentieux n'aurait pas manqué de se développer à propos
de la préférence accordée à l'un ou à
l'autre des TEC.
Il est donc impératif d'opérer une harmonisation
avant la naissance du TEC CEDEAO. Mais, il serait aussi
désintéressant d'aligner le TEC CEDEAO a celui de l' UEMOA dans
la mesure où le taux maximum de 20% appliqué par l'UEMOA est
très faible car il ne protège pas suffisamment les industries de
la Communauté. Il faudra donc négocier de nouveaux tarifs tout en
annulant ceux de l'UEMOA. En additif certaines pratiques administratives
concourent à la défaillance du système de
libéralisation mis en place.
2- Les pratiques administratives
Y referant, nous pouvons retenir parmi d'autres la lenteur
administrative et le comportement des agents.
a) les lenteurs administratives : il n'est pas
impératif de s'appesantir sur cet aspect.
Tout le monde a pu se rendre compte de l'inertie et de la
lenteur de nos administrations. Au Burkina Faso par exemple, si vous avez un
dossier qui doit être normalement étudié par
l'administration dans le mois de décembre, il est quasi certain que vous
ne l'aurez pas, dans ce mois. Il est coutume d'attendre que tout le mois de
décembre est inondé de fêtes et de grèves.
On pouvait penser que sur le plan strictement
économique, la situation serait meilleure mais telle n'est pas le cas.
Les opérateurs économiques se plaignent de la difficile
mobilisation et la lenteur d'instruction des agents des douanes pour les
visiter pour les apurements et qu'ils perdent un temps considérable pour
obtenir les certificats d'origine ; ce qui, pour les produits fragiles
(périssables) constitue un frein majeur dans le développement des
échanges. Il n'est pas rare de voir de cargaisons entières
avariées, faute d'avoir pu passer les services de douane. Les
industriels affirment par exemple avoir attendu plus de six (6) mois la
décision leur
autorisant à importer certaines marchandises
communautaires. Ils soulignent qu'ils sont obligés de payer des pots de
vin pour accélérer le processus.
D'autres facteurs qui sont soient exogènes, soient
endogènes influent négativement sur le développement des
échanges intracommunautaires.
b) Le comportement des agents administratifs
: les administrations invoquent souvent des usages indus du régime
suspensif pour justifier des contrôles administratifs abusifs. Des
régimes suspensifs résultant la plupart du temps des Codes des
investissements en vigueur dans les pays membres de l'UEMOA, permettant
à des entreprises de bénéficier, entre autres , des
franchises de droits de douane, en principe transitoires, sur leurs intrants
pour la production destinée à l'exportation. Alors qu'en principe
les mêmes règles d'origine régissent toutes importations en
provenance des pays de la CEDEAO. On observe en pratique que ces règles
ne sont appliquées que si les produits ne concurrencent pas les
producteurs nationaux. Cela semble confirmer que le zèle des douaniers
est à vocation de protection ; les exigences administratives ne
s'exercent que lorsque l'intérêt économique semble
être en jeu.
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