II) les variables comportementales
II-1) La fidélité à
l'égard de la marque
C'est sous la forme de répétition des achats
qu'elle a d'abord été définie et étudiée. A
la suite des travaux précurseurs de Brown (1952/1953), de multiples
recherches se sont ainsi attachées à une conceptualisation et
à une mesure de la fidélité basées sur
l'observation, l'analyse et parfois la modélisation des séquences
d'achat. Toutefois, les limites de cette approche strictement
béhavioriste de la fidélité ont été
clairement identifiées, même si des avancées
récentes lui donnent un nouvel élan (Frisou, 2003).
Ainsi depuis les travaux de Day (1969) et de Jacoby et Kyner
(1973), il est communément admis que pour être qualifié de
fidèle le consommateur doit non seulement racheter la même marque
(sans obligation d'exclusivité), mais ce ré-achat doit être
intentionnel, résulter d'un processus psychologique et être
susceptible de se poursuivre dans l'avenir.
Dans une approche transactionnelle, cette dimension
psychologique de la fidélité a été mesurée
par des échelles d'attitude (Day, 1969) ou de préférence
(Jacoby et Kyner, 1973), des évaluations sur des attributs (Baldinger et
Rubinson, 1996), des mesures de fidélité cognitive (Jarvis et
Wilcox, 1976), affective et conative (Harris et Goode, 2004) ou encore par des
intentions d'achat (Dufer et Moulins, 1989). L'approche relationnelle,
développée ici, offre un cadre d'analyse plus pertinent dans la
mesure où la fidélité intègre les multiples
dimensions d'une relation globale du consommateur à la marque (Moulins,
1998). Comme nous l'avons montré la fidélité du
consommateur résulte d'enchaînements relationnels qui lient
l'attachement, la confiance et à l'engagement. Celui-ci est à son
tour un antécédent immédiat du comportement de
fidélité (Amine 1993 ; Terrasse, 2003 ; Verhoef, 2003), si bien
que certains auteurs, les confondent (Harris et Goode, 2004).
De manière plus globale, Hennig-Thureau et Klee (1997)
et Garbino et Johnson (1999) ont montré que la confiance
précédait l'engagement et que celui-ci déterminait
à son tour la dimension psychologique de la fidélité.
Chaudhuri et Holbrook (2001, 2002) décrivent clairement un
enchaînement où confiance et attachement déterminent un
niveau d'engagement qui lui-même influence positivement le comportement
d'achat. Enfin, Bansal et al. (2004) définissent un modèle dans
lequel plusieurs variables (dont la
confiance) précèdent trois formes d'engagement
reliées négativement à l'intention de changer de
prestataire. La première forme de fidélité,
généralement identifiée à la « vraie
fidélité » a fait l'objet d'un grand nombre de recherches en
marketing qui montrent que les consommateurs concernés font preuve d'un
grand attachement et d'un fort engagement envers la marque rachetée. Les
liens qui les unissent à celle-ci, étant de nature affective,
sont particulièrement résistants à des tentations de
comportements opportunistes basés sur des considérations
économiques ou sociales (Morgan et Hunt, 1994). Ils sont par contre
particulièrement vulnérables à toute manifestation de
« trahison » sur les valeurs fondamentales qui unissent le
consommateur à sa marque. Fidélité et soutien
inconditionnel peuvent alors se transformer rapidement en
infidélité et dénigrement. Il s'agit du comportement de
fidélité par conviction (Moulin, Roux ,2008). La
littérature sur l'achat par inertie est à la fois beaucoup moins
abondante et présente des résultats moins probants. Sur le plan
conceptuel, il est depuis longtemps admis que le ré-achat de la
même marque peut simplement résulter de la volonté du
consommateur de simplifier son processus de décision tant que le rapport
bénéfices retirés / coûts consentis reste à
son avantage. Comme défini dans les modèles classiques de
décision (Engel, Kollat et Blackwell, 1973 ; Nicosia, 1966), ce
processus calculateur stabilise le comportement d'achat sans que celui-ci
traduise une profonde affectivité envers la marque. Tant que ce
mécanisme purement cognitif ne remet pas en cause son évaluation
initiale, l'individu n'a aucune raison de changer de marque, sauf si des motifs
intrinsèques ou extrinsèques ne l'y incitent : opportunité
d'essayer un nouveau produit, de profiter d'une autre offre commerciale ou
nécessité de faire face à une absence de la marque
régulièrement achetée. Il s'agit de la
fidélité par inertie (Moulins et Roux,
2008).
Conclusion
Au terme de ce chapitre qui porte sur les différents
types de relations consommateur-marque, il ressort que bien qu'étant
corrélées entres elles, les différentes relations
marque-consommateur ont des spécificités qui les singularisent.
Tout d'abord, l'attachement se différencie de l'implication dans le sens
où il s'exprime à un niveau plus désagrégé
(Belaïd et Lacoeuilhe 2007). L'implication se rapporte à une
catégorie de produit alors que l'attachement fait
référence à une marque en particulier. L'attachement se
différencie également de la fidélité et plus
particulièrement de l'engagement à la marque. L'attachement se
situe en amont. Il alimente l'engagement mais on peut tout à fait
envisager une personne attachée à une
marque sans pour autant observé un comportement de
fidélité. Par ailleurs, les individus fortement attachés
à un objet montrent des comportements spécifiques tels le
maintien de la proximité ou l'angoisse de la séparation (Bowlby
1979) alors que ces manifestations ne sont pas spécifiques à
l'engagement. Par contre les individus attachés à un objet ou
à une personne s'engagent généralement à
préserver la relation (Miller 1997). Amine (1994) révèle
qu'en comportement du consommateur, l'engagement renvoie souvent à
l'attachement tout en considérant que ces deux concepts sont
différents. La discussion précédente conduit à la
conclusion que l'attachement, la fidélité et l'engagement sont
des construits distincts.
Ainsi dans le chapitre suivant, nous déterminerons en nous
appuyant sur la littérature existante les différents
antécédents de l'attachement à la marque
CHAPITRE II : LES DETERMINANTS DE L'ATTACHEMENT
A LA MARQUE
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CHAPITRE II : LES DETERMINANTS DE
L'ATTACHEMENT
A LA MARQUE
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Introduction
Ce chapitre fera l'objet de la définition du processus
de formation de l'attachement à la marque ainsi que des variables qui
selon Smaoui (2008) permettraient d'expliquer l'attachement à la marque,
certaines variables en effet semblent se répéter dans les
chapitre I et II, il s'agit en effet de deux champs d'analyse
différents. Dans le chapitre I nous analysons, les types de relation
qu'un individu peut entretenir avec une marque. Dans le chapitre II notre
réflexion concerne la mise en évidence de ces variables en tant
que facteurs déterminants de l'attachement à la marque
SECTION I) LE PROCESSUS DE FORMATION DE L'ATTACHEMENT
A LA MARQUE
Seuls les objets chargés d'émotion sont capables
de constituer des figures d'attachement. Ainsi, le transfert du concept
d'attachement est facilité par l'étude des différentes
associations à la fois fonctionnelles et abstraites (Park et al. 1991 ;
Park et Srinivasan, 1994) qui constituent l'image d'une marque. L'attachement
à la marque peut être alimenté de différentes
manières. Il peut être alimenté tout d'abord par des
connexions nostalgiques où la marque agit comme mémoire de
l'individu (Divard et Robert-Demontrond. 1997). Les recherches sur les
relations individu-objet montrent que la valeur d'une possession, l'attachement
que l'on y porte, sont notamment liés au fait que celles-ci
établissent un lien avec les événements de la vie de
l'individu.
En effet, chaque personne développe des significations
symboliques qui lui sont propres à l'égard des objets, et que ces
significations ne sauraient être pleinement élucidées si
l'on ignore le passé de l'individu
(Diard et Robert-Demontrond. 1997). La marque peut jouer le
même rôle que l'objet et agir ainsi comme un dépositaire par
rapport à des événements de la vie de l'individu
(Lacoeuilhe, 2000). Le consommateur peut également percevoir une
congruence d'image (réelle ou idéale) entre lui-même et la
marque. Ainsi, la marque peut être utilisée de manière
symbolique par l'individu pour mieux se définir et s'exprimer que ce
soit vis-à-vis de lui-même ou des autres ; il se sert de la marque
pour projeter une certaine image de lui. Cette théorie de la congruence
postule que le consommateur préfère une marque dont la
personnalité est en adéquation avec la sienne ou plus exactement
avec son concept de soi, c'est-à-dire sa représentation (Onkvisit
et Shaw, 1987).
La perception d'une congruence entre le concept de soi et la
personnalité de la marque est ainsi susceptible d'expliquer
l'attachement d'un individu à l'égard de celle-ci. Aurier et
al (2001) dans une étude sur la « chaîne
relationnelle » de la marque pour expliquer la fidélité
identifient la chaîne suivante : Qualité _ valeur _ satisfaction _
confiance _ attachement. La confiance serait alors un déterminant de
l'attachement, lui-même expliqué par le niveau de satisfaction.
Enfin, une recherche récente de Matzler et al. (2006) met en
relation deux traits de personnalité : "extraversion" et "ouverture aux
expériences" (openeness to experience) et la valeur
hédonique et étudient leur effet sur la réponse
émotionnelle positive du consommateur (brand effect) et la
fidélité à la marque. Les résultats montrent que
l'extraversion et l'ouverture d'esprit sont positivement liées à
la valeur hédonique du produit et que les traits de personnalité
influencent directement (l'ouverture) et indirectement (l'extraversion) la
réponse émotionnelle positive à la marque.
Smaoui (2008) a quant à elle a mis en évidence une
liste de variables pouvant être considérées comme les
facteurs explicatifs de l'attachement à la marque et celle-ci fera
l'objet la section suivante
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