SECTION II : LES DIFFERENTS TYPES DE RELATION EXISTANT
ENTRE LA
MARQUE ET LE CONSOMMATEUR
Les variables centrales de la relation marque-consommateur
identifiées dans le cadre de cette recherche sont aux nombre de 7, nous
les avons regroupés comme suit :
-Six variables attitudinales : l'attachement ; la confiance ;
l'identification ; l'engagement ; l'attitude ; la satisfaction
- Une variable comportementale: la fidélité.
I) les variables attitudinales
I-1) La confiance en la marque
La confiance dans le partenaire de l'échange,
entreprise, prestataire ou marque, est depuis les travaux de Morgan et Hunt
(1994) largement reconnue comme une variable centrale du marketing de la
relation. Cette confiance en l'autre (trust) est essentiellement de type
cognitif à la différence de la confiance/confidence (sentiment de
confiance en soi) et de la confiance/reliance (s'en remettre à) dont les
contenus sont respectivement affectif et conatif (Guibert, 1999 ; Moorman et
al. 1992).
Les principales définitions de la confiance
intègrent cette dimension cognitive. Elle est :
- « la croyance d'une partie que ses besoins seront
satisfaits dans le futur par les actions entreprises par l'autre partie »
(Anderson et Weitz, 1989).
- « la croyance qu'a une entreprise qu'une autre
société remplira des actions qui aboutiront à des
résultats positifs pour elle » (Anderson et Narius, 1990).
- « une croyance, un sentiment ou une attente
vis-à-vis du partenaire de l'échange qui résulte de son
expertise, de sa fiabilité et de son intentionnalité »
(Ganesan, 1994).
- « le résultat d'un processus calculateur
basé sur la capacité d'un objet ou d'une partie à remplir
ses obligations de manière constante » (Doney et Cannon, 1997).
Cette confiance en l'autre se compose traditionnellement de trois
dimensions (Gurviez et Korchia, 2002) :
- la compétence ou l'expertise, -
l'honnêteté,
- la bienveillance.
La confiance se situe en amont de la chaîne
relationnelle. Elle précède l'engagement dans le modèle de
Morgan et Hunt (1994) selon un enchaînement qui a fait l'objet de
plusieurs confirmations empiriques (Hennig-Thureau et Klee, 1997 ; Garbino et
Johnson, 1999 ; Frisou, 2000 ; Wong et Sohal, 2002 ; Bansal et al. 2004). De
part sa composition cognitive, basée sur un processus spéculatif,
elle détermine essentiellement une relation de type calculé par
lequel l'individu évalue les gains et les pertes associés
à cette relation et son intérêt à s'y maintenir.
Le consommateur maintient les liens qui l'unissent à la
marque parce qu'il pense que celle-ci possède les aptitudes techniques
nécessaires (compétence), va réellement les mettre en
oeuvre (honnêteté) et fera tout son possible pour régler
d'éventuels problèmes (bienveillance).
I-2) L'engagement envers la marque
Notre conceptualisation de l'engagement s'inscrit
résolument dans l'approche attitudinale qui considère
l'engagement comme un état psychologique qui lie l'individu par
opposition à l'approche comportementale pour qui l'engagement est
assimilable à une persistance (persistence) du comportement (Becker,
1960 ; Crié et Ladwein, 1998 ; Oliver, 1999 ; Frisou, 2000).
Depuis une vingtaine d'années et en particulier les
travaux de Meyer et Allen (1987, 1990), un consensus semble se faire quant
à la nature tridimensionnelle de l'engagement attitudinal. Trois
composantes apparaissent : affective, de continuité et
normative. Elles procèdent respectivement d'un processus
d'intériorisation, de soumission (compliance) et d'identification
(O'Reilly et Chatman, 1986) et affectent le comportement de rétention
(salariés, clients, adhérents,...) selon trois voies
différentes, le désir pour la première, le besoin pour la
seconde et le devoir (ought to do) pour la troisième. Nous nous
limiterons aux deux premiers types d'engagement puisque peu de recherches ont
été effectuées sur la composante normative de l'engagement
du point de vue marque et que cette dimension de l'engagement est toutefois
difficile à identifier et à mesurer particulièrement
lorsqu'il concerne des relations non formalisées de type purement
mercantile (commerciale). De ce fait il est souvent ignoré dans les
recherches sur le consommateur (Moulins et Roux, 2008)
I- 2-1) L'engagement affectif
L'engagement affectif fait référence aux liens
émotionnels qui lient le personnel à son entreprise, le militant
à son parti ou le consommateur à sa marque ou à son
enseigne. Il exerce généralement l'influence la plus
déterminante sur le comportement de l'individu définissant par
là une forte loyauté à l'entreprise ou une forte
fidélité à la marque ou à l'enseigne. De nombreux
travaux montrent la solidité de cette fidélité
basée sur une véritable adhésion à la marque ou
à l'entreprise (Bansal et al. 2004, Garbino et Johnson, 1999, Fullerton,
2003). Il s'agit donc d'une expression de la vraie fidélité du
consommateur incluant les dimensions attitudinale et comportementale. Le
consommateur s'efforce donc de faire partager ses convictions à son
entourage par un prosélytisme actif (Fullerton, 2005) qui se manifeste
à la fois quantitativement, par une forte activité de
bouche-à-oreille, et qualitativement, par un contenu très
favorable à la marque (Harrison-Walker, 2001). L'engagement affectif est
trop souvent confondu avec l'attachement à la marque, qui est son
antécédent, et parfois même avec l'implication
spécifique (Mowday et al., 1979) qui fait pourtant
référence à une situation d'achat, non à une
entreprise ou une marque, et généralement précède
l'engagement (Beatty et al. 1988 ; Coulter et al., 2003).
I- 2-2) L'engagement calculé
L'engagement de continuité (continuance commitment)
traduit la persistance d'une ligne de conduite essentiellement basée sur
les coûts et les risques liés à un changement ou à
l'absence d'opportunités satisfaisantes. Becker parlait
déjà à ce propos « d'engagement par défaut
».
L'intérêt ou le profit immédiat est le
moteur principal de cet engagement dont le ressort apparaît ainsi plus
transactionnel que relationnel. Si le terme d'engagement de continuité
peut s'imposer dans les rapports avec un employeur ou un prestataire de
service, le terme d'engagement calculé (ou instrumental) semble plus
approprié pour les relations aux marques. Nous retiendrons de ce fait ce
dernier terme.
I-3) L'identification à la
marque
L'identification à la marque peut être
envisagée comme une proximité psychologique forte du
consommateur et de la marque. Il en résulte des attitudes
fiables envers la marque, une forte loyauté à la marque et donc
un intérêt indéniable pour les managers (Gummesson,
2002).
L'identification du consommateur à la marque peut alors
être considérée comme un avantage concurrentiel inimitable.
Elle forme un lien impliquant directement la personne (Escalas et Bettman,
2003). Cette relation à la marque est plus stable que la connaissance de
la marque fluctuant au gré des nouvelles associations. L'identification
à la marque est mesurée suivant le degré
d'intégration par le consommateur des attributs et valeurs de la marque
dans son concept de soi (Aron, et al. 1992 ; Aron et alii, 1991 ;
Escalas et Bettman, 2000).
L'identification est ainsi à distinguer de la
congruence marque-concept de soi (Sirgy, 1982), parce que plus engageant. La
qualité de cette relation, selon Fournier (1998), est
déterminée tant par le consommateur lui-même que par les
actions de la marque. La communication fait partie de celles-ci.
La relation à la marque est supposée être
associée à la satisfaction des parties. Le concept de
l'identification décrit une relation essentiellement cognitive du
consommateur à la marque (Salerno, 2002). Cependant il n'est pas
uniquement centré sur la seule relation cognitive qu'entretient le
consommateur avec la marque. Il a également une dimension sociale qui
est, selon Tajfel (1972), un concept cognitif et affectif. La dimension
cognitive correspond à la perception d'appartenir à un groupe et
d'en partager les attributs. La dimension affective est liée à la
fierté d'appartenir au groupe et de s'en sentir reconnu.
L'identification sociale identifie deux types de groupes d'individus. Les
premiers, les groupes officiels, ceux définis et ciblés par la
marque (Crawford, 1985, Grier et Brumbaugh, 1999). Ils ne correspondent pas
forcément aux
groupes de clientèles mais des recouvrements sont
possibles. Les seconds sont les groupes construits ou de clientèles,
dans lesquels les consommateurs classent les autres personnes et
eux-mêmes (Turner, 1984). L'identification du consommateur d'une marque
aux groupes définis par lui-même, plus ou moins
précisément, se fait par auto-catégorisation.
La relation du consommateur avec la marque peut ainsi
être analysée à partir du modèle des relations
sociales. Ce dernier suppose que, dans une relation, les partenaires sont
évalués sur la base des normes établies par le groupe.
Appliqué à la relation marque-consommateur, cela suppose que
l'achat d'une marque peut refléter les relations sociales de l'acheteur
et donc que les marques à acheter peuvent être
déterminées par les normes sociales (Aggarwal, 2004).
L'intérêt du processus d'identification pour le
consommateur est d'ailleurs qu'il lui permet de bâtir son
identité, de la renforcer et de la communiquer au travers des produits
qu'il consomme (Huffman, Ratneshwar, & Mick, 2000 ; Escalas, 2004). Cette
assertion, valable pour les produits, s'étend aux marques
consommées (Escalas et Bettman, 2003 ; Fournier, 1998).
I-4) L'attachement émotionnel à la
marque
Selon l'approche interpersonnelle, l'attachement procure un
sentiment de sécurité (Main, 1999). L'attachement, dans son
acception marketing, est une prédisposition affective à long
terme du consommateur envers la marque (Mc Queen et al. 1993 ; Feldwick, 1996 ;
Heilbrunn, 1996 ; Lacoeuilhe, 1997). Elle se présente sous la forme d'un
concept bidimensionnel, temporel et identitaire (Belaïd et Lacoeuilhe,
2005). La dimension temporelle de la marque tient au fait que celle-ci peut
symboliser une connexion avec des événements récents ou
anciens de la vie du consommateur. Dans ce cas, elle agit comme une
mémoire de l'individu (Divard et Robert-Demontrond, 1997), lui rappelant
des événements de sa vie.
L'attachement est une variable qui révèle une
relation affective avec la marque. Ce concept est « indépendant
d'un contexte d'achat particulier et dépasse la valeur instrumentale ou
fonctionnelle de la marque » (Belaïd et Lacoeuilhe, 2005). La
dimension identitaire de l'attachement trouve, elle, son origine dans la
dimension symbolique des objets. Les produits auxquels les consommateurs
peuvent s'attacher doivent être porteurs d'émotions (Park et
Srinivasan, 1994). L'attachement est induit par la possession
d'objets mais également par le couple individu-marque.
Chaque individu a une personnalité et un style de vie qui lui sont
propres. Il en est de même pour les marques. Un individu s'attache
à une marque à la condition que celle-ci dégage des
valeurs culturelles et personnelles identiques aux siennes ou répondant
à ses aspirations (Richins et Dawson, 1992). L'attachement exprime une
relation de proximité psychologique avec la marque (Lacoeuilhe, 1999).
Autrement dit, pour qu'il y ait attachement, il faut qu'il y ait congruence
entre le concept de soi du consommateur et la personnalité de la marque
(Onkvisit et Shaw, 1987). Cette congruence ne peut être comprise sans
référence aux événements passés vécus
par la personne (Divard et Robert-Demontrond, 1997 ; Lacoeuilhe, 2000).
Heilbrunn (1996) s'est intéressé au processus
psychologique de cette relation de proximité entre le consommateur et la
marque. Selon lui l'attachement serait « le lien émotionnel et
affectif tissé par un consommateur à l'égard d'une marque
donnée » (Heilbrunn, 2001). Il définit deux types
d'attachement, l'attachement fonctionnel et l'attachement existentiel. Seul le
denier serait l'expression de liens émotionnels et affectifs
tissés au cours du temps. Lacoeuilhe (2000) parle d'une proximité
psychologique entre le consommateur et la marque, il définit
l'attachement comme « une variable psychologique qui traduit une relation
affective durable et inaltérable (la séparation est douloureuse)
envers la marque et qui exprime une relation de proximité psychologique
avec celle-ci ». Cristau (2003) quant à elle, définit
l'attachement à la marque en intégrant en plus les notions
d'amitié et de dépendance : «une relation psychologique,
émotionnelle, forte et durable à une marque qui résulte
d'une concomitance de sentiments d'amitié et de dépendance
vis-à-vis de la marque. Les liens entre l'attachement et l'attitude
semblent assez forts. L'attitude est un concept composé, selon les
définitions, de dimensions cognitives et affectives. Elle est proche de
l'attachement mais différente quant à la force de la relation que
le consommateur entretient avec la marque (Richins, 1994). De ce fait,
l'attitude du consommateur peut être favorable envers de nombreux objets
ou produits alors que ce dernier ne s'attache qu'à un petit nombre
d'entre eux. Pour Thomson, McInnis et Park (2005), en effet, un consommateur
peut avoir une attitude positive envers un objet sans jamais l'avoir
rencontré. L'attachement, lui, se construit dans la durée. Il est
fondé sur une relation forte entre l'objet et la personne
attachée (Baldwin, Keelan, Fehr, Enns et Koh-Rangarajoo, 1996),
même s'il peut évoluer selon les périodes de la vie du
consommateur (Michel, 2004). L'attitude vis-à-vis de la marque est donc
une relation moins engageante que l'attachement. Enfin, l'attachement à
la marque est un concept d'essence affective et cette dimension de l'attitude
est la dimension évaluative des croyances du consommateur
vis-à-vis de la marque
I-5) La satisfaction vis-à-vis de la
marque
La satisfaction du consommateur a longtemps été
définie comme le fruit d'une expérience spécifique d'achat
et de consommation à travers laquelle le consommateur évalue la
performance d'un produit ou d'un service.
Cependant, la satisfaction repose sur des expériences
dont la complexité et la fréquence peuvent fortement varier. Dans
une théorie de la relation à la marque, la satisfaction du
consommateur prend un caractère cumulé. Elle se forme au cours
d'expériences d'achat, de consommation et de possession de la marque
diverses et variées. Elle ne résulte pas, comme il est
généralement postulé, d'un simple processus de
consommation ponctuelle et spécifique d'un produit ou d'un service. Elle
est fondée bien souvent sur des informations multiples parfois
contradictoires portant sur des produits et des services qui sont eux-
mêmes divers et variés (Audrain-Pontevia, 2003). Avec le
développement d'une approche relationnelle, la recherche sur la
satisfaction connaît ainsi un véritable renouveau. Depuis peu,
l'idée d'une satisfaction cumulée trouve un écho en
marketing (Anderson et al, 1994 ; Bitner et Hubbert, 1994). Johnson, Anderson
et Fornell (1995) définissent la satisfaction comme « un
construit abstrait et cumulatif qui décrit l'expérience
totale de consommation d'un produit ou d'un service ». La
diversité et la fréquence des expériences vécues
par l'individu doivent désormais être intégrées
(Fornell et Johnson, 1993). Selon Oliver (1997), la satisfaction met en oeuvre
un processus « d'intégration » des épisodes d'achat et
de consommation au sein de la mémoire du consommateur (épisodes
discrets, fréquents ou continus, expériences simples ou
complexes), elle résulte d'un processus identique quelle que soit la
perspective temporelle adoptée et quelle que soit la nature de
l'expérience. Un individu émotionnel lement attaché
à une marque est généralement satisfait par elle. Cette
satisfaction peut fournir une première base à cet attachement
émotionnel. Cependant, attachement et satisfaction ne sont pas
synonymes. Si deux consommateurs sont aussi satisfaits l'un que l'autre par la
performance d'une marque, leurs liens respectifs envers cette marque peuvent
être totalement différents. La satisfaction n'entraîne pas
des comportements comme le maintien de la proximité ou l'angoisse de la
séparation. De plus, si la satisfaction peut apparaître
immédiatement après la consommation, l'attachement
émotionnel se développe dans le temps, suite à de
nombreuses interactions. Pour finir, la satisfaction est un jugement
évaluatif, et donc différent du construit de l'attachement,
chargé émotionnellement (cf. Mano et Oliver, 1993)
|