SECTION II LES DETERMINANTS DE L'ATTACHEMENT
Les variables explicatives de l'attachement à la marque de
Smaoui (2008) peuvent être regroupées en deux catégories
:
- les variables « relationnelles »: ce sont
des facteurs qui décrivent la relation du consommateur à la
marque (satisfaction, confiance dans la marque, connexions nostalgiques et
congruence d'image « individu- marque »)
- la variable plus traditionnelle relative au produit
(implication dans la catégorie).
II-1) Les variables relationnelles individu-marque
II-1-a) les connexions nostalgiques
Fournier (1994) et Fournier et Yao (1997) tendent à
rapprocher la relation marque-consommateur du concept de monogamie dans les
couples. Pour ce faire, Fournier (1994) développe un construit
appelé Brand Relationship Quality (BRQ) destiné à
évaluer la qualité, la profondeur et la force de la relation avec
la marque. Celui-ci comprend six facettes différentes relatives aux
croyances cognitives (intimité ; qualité du partenaire), aux
liens comportementaux (interdépendance; engagement) et à
l'attachement affectif et socio-émotionnel (amour/passion; attachement
nostalgique). C'est essentiellement sur ce dernier que se porte notre
attention. Pour Fournier (1994), l'attachement nostalgique est le moyen
d'exprimer ses valeurs, son identité, son histoire et de retranscrire
ainsi le degré de proximité atteint entre le consommateur et la
marque. L'attachement nostalgique se subdivise lui-même en deux facteurs
empiriques :
· les connexions nostalgiques
s les connexions au concept de soi.
Les connexions nostalgiques traduisent le caractère
unique et irremplaçable de la marque. La marque sert de repère et
entretient des souvenirs relatifs à certains lieux, individus ou
événements importants. Fournier (1994) reprend ici les apports de
Belk (1988, 1990) dans la mesure où l'objet symbolise un soi- même
extérieur à sa personne permettant l'extension de son territoire.
Il contribue de ce fait à la définition de son « moi »,
rattachant l'individu à ses souvenirs d'antan et distinguant son
autonomie vis-à-vis d'autrui. Les connexions au concept de soi, tendent
à retracer la congruence entre les images passées,
présentes, réelles, idéales que le consommateur a de
lui-même et celles qu'il a de la marque.
Si les travaux de Fournier (1994) remettent en cause
l'incidence de la nostalgie sur la fidélité, la relation entre
nostalgie et attachement n'est en aucun cas testée. Lacoeuilhe (2000)
propose de considérer les connexions nostalgiques comme un
antécédent de l'attachement à la marque mais ne
procède à aucune vérification empirique. Heilbrunn (2001)
de son côté, stipule l'existence d'un lien entre les deux
variables dont la nature reste à être identifiée. C'est en
cela que Kessous et Roux (2006), en menant une étude qualitative ont pu
identifier des marques générant la nostalgie. Trois fonctions
principales sont assurées par ces marques : la définition et le
maintien de son identité, la volonté de revivre le passé
et de celle de transmettre son histoire. Associé à un
événement particulier de la vie de l'individu, la marque ou le
produit lui sert alors de repère. . Selon Smaoui (2008) les connexions
nostalgiques, montrent une absence d'effet explicatif de l'attachement à
la marque. Son résultat se justifie par le fait que dans un passé
très récent la Tunisie avait une économie fermée et
le nombre de marques de produits de grande consommation existantes était
faible et à dominante tunisienne, offrant peu de variété
et une qualité très moyenne. Mais ce constat n'est pas forcement
justifiée pour les boissons gazeuses d'où l'hypothèse
suivante :
H1- Les connexions nostalgiques influencent
positivement l'intensité de l'attachement.
II-1-b) la congruence d'image
individu-marque
Le concept de soi est conçu comme une notion
multidimensionnelle où se côtoient plusieurs facettes.
Deux d'entre elles sont régulièrement
évoquées dans la littérature : la facette réelle
(actual self ou real self) et la facette idéale
(ideal self). Le concept de soi réel correspond à
l'image que l'individu a de lui- même dans la réalité,
alors que le concept de soi idéal renvoie à l'image qu'il
voudrait avoir dans l'idéal. Dans cette optique, les individus
perçoivent les produits qu'ils possèdent, aimeraient ou
n'aimeraient pas posséder en terme de signification symbolique d'un
produit, et l'image de soi qu'a un consommateur implique une plus grande
probabilité d'évaluation positive, de préférence ou
de possession de ce produit ou de cette marque. Son intérêt
réside dans l'hypothèse que les choix des consommateurs sont
influencés par l'image qu'ils ont d'eux-mêmes et que la
consommation permet d'exprimer une certaine image de soi (Sirgy, 1982). La
consommation prend donc une place centrale dans la société car,
non seulement, les individus expriment qui ils sont à travers leurs
possessions, mais ils expriment également qui ils voudraient être.
C'est l'écart entre l'image que l'individu a de lui-même et
l'image qu'il aimerait donner qui détermine
un grand nombre de comportements de consommation (Onkvisit et
Shaw,1987; Sirgy,1982) L'individu est donc fortement motivé pour faire
en sorte que l'écart entre son « soi réel » (qui je
pense être), ou son « soi social » (qui je pense être aux
yeux des autres) et son « soi idéal ou soi social idéal
» (qui j'aimerais être à mes yeux ou aux yeux des autres)
soit le plus réduit possible.
Fournier (1994) suggère que le développement de
la relation individu-marque s'explique par les connexions de celle-ci avec le
concept de soi de l'individu. De ce fait, la marque apparaît comme une
entité symbolique à laquelle les consommateurs attribuent une
personnalité par delà l'évaluation de son utilité
(Aacker, 1997, Ferrandi et Valette-Florence, 2002).
La marque permet ainsi de servir une fonction d'expression de
soi, puisqu'elle permet au consommateur d'exprimer une vision de lui même
de manière à lui procurer des bénéfices symboliques
valorisants (Keller, 1993). L'effet de la congruence d'image marque- individu
sur l'attachement a été testé par Lacoeuilhe (2000a) dans
le cadre de son modèle sur la fidélité. Smaoui (2008)
confirme la congruence d'image marque- individu qui explique l'attachement
à la marque.
En nous appuyant sur son travail nous formulerons
l'hypothèse suivante :
H2- La congruence d'image marque-individu influence
positivement l'intensité de l'attachement.
II-1-c) la satisfaction
Il existe de nombreuses définitions de la satisfaction
client, cette notion étant difficile à cerner de façon
rigoureuse. Westbrook et Oliver (1991) qualifient la satisfaction « d'une
réponse évaluative (cognition) qui provoque différents
sentiments et émotions (affects) et qui finalement influence ou
déclenche un certain comportement (conation) ». En 1996, Oliver
donnait la définition suivante : « La satisfaction est
l'accomplissement de la demande du client sous forme de réponse de la
part de l'entreprise. C'est le jugement du client sur le produit ou le service,
lié à la consommation du produit ou du service ». Kotler et
Dubois définissent quant à eux la satisfaction client comme
« le sentiment d'un client résultant d'un jugement comparant les
performances d'un produit à ses attentes ».
Lendrevie et Lindon (1997) proposent la définition
suivante : « la satisfaction est un état psychologique après
l'achat et la consommation d'un produit (ou service) qui se traduit par un
sentiment
fugace résultant de la différence entre les
attentes du consommateur et les performances perçues. La satisfaction
dépend également de l'attitude préalable envers la marque
et le produit.
Dans la perspective relationnelle, "la satisfaction est
définie comme un construit abstrait et cumulatif qui décrit
l'expérience totale de consommation d'un produit ou d'un service
(Johnson et al, 1995, in Aurier et al, 2001, p. 5). Thomson
et al (2005) parlent de la satisfaction comme d'une première
base à un attachement émotionnel, "un individu attaché
à une marque est généralement satisfait par elle".
Cependant, attachement et satisfaction ne sont pas synonymes et un individu
satisfait d'une marque peut ne pas lui être forcement attaché.
L'attachement a une composante émotionnelle importante
qui n'existe pas nécessairement dans la satisfaction (Manon et Oliver,
1993). Cette dernière est plutôt un jugement évaluatif.
Aurier et al. (2001), en développant une chaîne
relationnelle pour expliquer la fidélité à la marque,
considèrent que la satisfaction est un déterminant de la
confiance qui est, elle, un déterminant de l'attachement. L'étude
empirique confirme les relations énoncées, mais n'exclue pas de
relation directe entre la satisfaction et l'attachement. De leur
côté, Thomson et al. (2005) trouvent une très
faible corrélation, non significative entre l'insatisfaction et
l'attachement, ce qui veut dire qu'une personne insatisfaite n'est pas
attachée à la marque. Smaoui (2008) affirme que la satisfaction
est la base de l'attachement. D'où l'hypothèse suivante:
H3- La satisfaction explique positivement
l'intensité de l'attachement émotionnel.
II-1-d) la confiance
Dans la littérature plusieurs recherches ont
été menées dans le cadre de la définition de
l'attachement, Filser (1998) est le premier chercheur a intégré
cette variable en comportement du consommateur. Selon Gurviez (1998), la
confiance est : «La présomption par le consommateur que la
marque, en tant qu'entité personnifiée, s'engage à avoir
une action prévisible et conforme à ses attentes, et à
maintenir avec bienveillance cette orientation dans la durée
».Frisou (2000) voit la confiance comme étant :
«L'ensemble des croyances confortant le client dans la certitude que
les intentions et les comportements de son partenaire d'échange
produiront les résultats attendus».
La confiance est présentée comme une variable,
sans laquelle il ne peut y avoir de relation stable et durable et dont les
conséquences se traduisent par un engagement envers la marque (Gurviez,
1998; Gurviez et Korchia, 2002). Fournier (1998) intègre
également la confiance et l'engagement dans le BRQ (la confiance est
présente dans la facette qualité du partenaire de la relation).
Selon Gurviez (1998) et Frisou (2000), la confiance est un concept
tridimensionnel. Plus précisément, Gurviez (1998) et Gurviez et
Korchia (2002) retiennent les trois facettes suivantes :
- crédibilité (action prévisible et
conforme aux attentes), - intégrité (engagement dans la relation
avec la marque), - bienveillance (orientation dans la durée).
Ces trois facettes de la confiance envers une marque portent
sur les différents types de qualité et de motivation que le
consommateur lui attribue en tant qu'entité personnifiée. Les
recherches en psychologie sociale et en marketing relationnel s'accordent
à dire que la confiance est omniprésente dans
l'établissement des relations à long terme (Morgan et Hunt, 1994
; Garbarino et Johnson, 1999). Par ailleurs, si une partie perçoit que
le partenaire d'échange est honnête et bienveillant à son
égard, elle devient émotionnellement impliquée dans cette
relation (De Ruyter et al. 1998). On peut considérer alors que
la confiance est un antécédent de l'attachement. Aurier et
al. (2001) ont pu établir une relation positive et
significative entre la confiance et l'attachement. Smaoui (2008) atteste que la
confiance dans le cadre de sa recherche explique à 60 %
l'intensité de l'attachement à la marque
H4- La confiance explique positivement
l'intensité de l'attachement émotionnel.
La section présente nous ayant permis de faire le tour
des variables relationnelles pouvant expliquer l'attachement à la
marque, nous verrons ce qu'il en est des variables relatives au produit dans la
prochaine section.
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