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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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2.1.2. Le premier filtrage des distributeurs ?

Si la production de films d'horreur est difficile en France, car ne bénéficiant pas de soutiens de la part des institutions publiques, elle ne l'est en revanche pas outre- Atlantique. Malgré l'impossibilité de cerner l'exhaustivité du marché mondial, nous pouvons affirmer que la grande majorité des films de ce genre diffusés en France viennent des Etats-Unis, dépassant largement le ratio calculé pour l'ensemble des films projetés dans les salles obscures hexagonales, qui se situe à plus de la moitié en 2007 sans distinction de genre4. Beaucoup de films d'horreur sont aujourd'hui financés par des firmes américaines qui ont à la fois une place importante sur le marché mondial et une tradition de production de films horrifiques, comme Universal (Horribilis, Frankenstein 2008,...) ou Lions Gate Films Inc. (Saw, Hostel, The Eye,...). Les producteurs états- uniens ne rechignent pas à s'engager sur ce genre de films, aux côtés d'autres genres comme l'action ou la comédie, considérant que celui-ci fait entièrement partie de l'économie du cinéma et qu'il a une légitimité à être exploitée (que les motivations soient économiques ou artistiques). Comme le rappelle le réalisateur Michel Leray, « les personnes travaillant dans la filière cinématographique américaine, malgré un important turn-over qui fait avorter de nombreuses initiatives, prennent beaucoup plus de risques

1 Article, Le film d'horreur atteint des sommets en 2006, op. cit.

2 Bilan 2007, CNC

3 Voir réactions sur le forum de Mad Movies après la sortie du film

4 Source CNC

que les Européens et les Français, notamment sur les films de genre1. » Et cela se vérifie au niveau des statistiques officielles établies par le CNC et le Film Français, portant sur la nationalité des longs-métrages distribués en France de 2004 à 2006. Le genre répertorié action/science-fiction (où sont rangés les films d'horreur) est la catégorie où le rapport films américains/films français désigne clairement la suprématie états-unienne, avant le policier et le jeune public. D'autre part, on remarque que le genre action/science-fiction est le genre venant des Etats-Unis le plus distribué en France, totalisant 30% des films états-uniens. En revanche, c'est le 3e genre français le moins distribué dans son propre pays, avec seulement 8% des films.

Afin de mesurer la part réelle des films d'horreur distribués, il faut procéder à une sélection empirique, effectuée à partir des longs-métrages déposés auprès du CNC en 20062 (la liste détaillée de la distribution pour l'année 2007 n'étant pas encore parue). La première observation montre que la part des films américains est importante et représente 36%, avec 171 oeuvres longues. Cependant, la part des films français et coproductions françaises s'évalue à 40%, soit 191 films (dont 26 sont des coproductions françaises minoritaires)3. Au sein de ces données, à quelle hauteur se situe la part des films d'horreur ? Le relevé composé à partir de la liste complète des oeuvres longues déposées cette année-ci comptabilise 23 films pouvant être classés dans une catégorie horreur, en y incluant quelques thrillers et films d'action horrifiques dans un souci d'exhaustivité4. En part du total des films, ceux-ci représentent 4,8% des 479 oeuvres déposées en 2006, ce qui est relativement peu, puisque cela correspond quasiment au nombre de nouveaux films à l'affiche chaque semaine dans les salles françaises. Parmi ceux-ci figurent 20 films étrangers (sur 279, soit 7% du total), dont 17 états-uniens (sur 171, soit 10%), et 3 films français ou coproductions (sur 191, soit 1,6% du total). Représentant moins de 10% des films distribués, sur l'exemple de 2006 qui semble assez représentatif de la tendance actuelle, nous pouvons affirmer que le marché de la distribution des films d'horreur est un créneau restreint sur lequel se lancent des distributeurs divers et variés. En effet, les plus prolifiques au sein de ce genre sont des filiales de distributeurs et producteurs américains : Metropolitan Film Export (5 films), Gaumont Columbia Tristar (4 films) et Twentieth Century Fox (3 films). Cependant, on ne peut pas parler de distributeurs spécialisés, car si un certain nombre de films d'horreur

1 Entretien mené le 17/07/08, annexe n°25, p.63

2 Liste des longs-métrages français et importés déposés en 2006, dépôt légal du CNC. Pour ceux-ci, l'obligation légale de dépôt concerne les producteurs de films français et distributeurs de films étrangers diffusés en salles, dans un délai d'un mois à compter de la première représentation.

3 Statistiques établies à partir du tableau Origines des longs-métrages déposés en 2006, dépôt légal du CNC

4 Liste des films d'horreur déposés en 2006, annexes n°40 et 40bis, p. 124-125

figurent à leur catalogue, ils côtoient d'autres genres filmiques tels l'action (Death Sentence, John Rambo), la comédie romantique (27 robes, Je crois que j'aime ma femme) ou encore l'animation (Horton, Les Rebelles de la forêt). S'il peut exister des éditeurs/distributeurs quasiment entièrement dédiés au fantastique/horreur dans le monde de la vidéo, il semble que cela ne soit pas une réalité au sein du marché de la distribution salles. D'une part, cela se vérifie à travers le fait que la majorité des films d'horreur transitent par des distributeurs bénéficiant de structures internationales, faisant partie de l'oligopole du top 10 (qui réalisent près de 75% du total des encaissements), au regard du classement 2006 du CNC : 1er rang pour Gaumont Columbia (le groupement d'intérêt économique créé en 2004 a été dissout en 2007, Columbia ayant depuis réintégré Sony pour son activité de distribution, se situant désormais à la 5eme place du classement), 2e place pour Twentieth Century Fox (relégué à la 4e place l'année suivante) et 10e place pour Metropolitan Film Export (passé à la 7e place en 2007). D'autre part, à côté de ces compagnies disposant de filiales dans de nombreux pays du monde, il semble qu'il n'y ait guère de distributeurs plus petits capables d'importer des films d'horreur étrangers en France. Parmi une centaine de distributeurs France en exercice chaque année, seule une dizaine réservent une place au cinéma fantastique/horreur au sein de leur catalogue.

Parmi les distributeurs français, quelques uns n'hésitent pas à se positionner sur l'horreur. Trois d'entre eux s'en détachent particulièrement ; il s'agit de La Fabrique de Films, de Mars Distribution et de Bac Films. Cette dernière a réalisé quelques unes des plus importantes sorties fantastique/horreur de 2008 : Eden Log de Franck Vestiel, Diary of the Dead de George A. Romero ou encore Shrooms de Paddy Breathnach. D'autre part Mars Distribution, qui appartenait au groupe StudioCanal jusqu'à la fin de l'année 2007, totalise plus d'une douzaine de films d'horreur depuis 1999, dont les récents Ils et The Eye de Xavier Palud et David Moreau, qui ont réuni chacun plus de 250 000 entrées. Cependant, ces distributeurs ne développent pas de réel discours sur le créneau horrifique, contrairement à la Fabrique de Films, qui, engagé depuis 2003 dans le secteur et à l'origine du Club du Vendredi 13, tend à défendre le cinéma de genre en France. C'est avec des films tel que A l'Intérieur, d'Alexandre Bustillo et Julien Maury (dont la Fabrique de Films est également producteur), The Descent de Neil Marshall ou encore les comédies horrifiques anglaises Shaun of the Dead d'Edgar Wright ou Bienvenue au Cottage de Paul Andrew Williams, qu'a émergé cette petite structure et lui a tout de suite procuré une visibilité sur le marché européen du cinéma d'horreur. Cependant, il semble que leur discours soit plus axé sur la rentabilité que sur l'amour du genre, beaucoup de professionnels du milieu les accusant d'être des opportunistes. Mais au regard de ces résultats, peut-on croire à une quelconque pénurie ou difficulté de distribution ?

Philippe Lux, directeur de la programmation chez Le Pacte1 a contribué à répondre à ces questions. Ce distributeur a notamment sorti [Rec] de Jaume Balaguero et Paco Plaza, qui s'avère être pour le moment le plus gros succès de ces dernières années dans le registre de l'horreur, avec plus de 550 000 entrées en France. Malgré une réelle volonté de sortir des films de genre horrifique, Le Pacte assure une ligne éditoriale résolument tournée vers le cinéma d'auteur : « Nous voulons essentiellement distribuer des films de genre, selon nos coups de coeur, pas dans une logique d'exploitation. (...) Nous ne voulons pas faire des films de franchise, cela ne nous intéresse pas. Nous laissons les Saw et Hostel à des gens qui cherchent plus l'argent que la qualité, qui effectuent un racolage sur un genre qui finit toujours par s'épuiser au bout d'un moment. (...) Notre politique relève plus de la création de l'envie que de la curiosité malsaine2. » En effet, le survival espagnol Les Proies de Gonzalo Lopez-Gallego côtoie dans son catalogue des films comme Valse avec Bachir d'Ari Folman. L'année prochaine, il assurera la sortie en France de deux films fantastiques/horreur coréens et du prochain film de Yanick Dahan, La Horde, connu pour son émission 100% Frisson sur Ciné Cinéma Frisson. Cette diversité ne semble cependant pas poser de problème et est au contraire nécessaire car une spécificité sur l'horreur ne semblerait pas viable aux yeux de Philippe Lux : « il n'y a pas de distributeur spécialisé dans les films d'horreur, et a fortiori de genre, en France. Et il ne me semble pas qu'une telle stratégie soit envisageable. En effet, le distributeur est l'acteur de la filière cinématographique qui prend le plus de risques et qui met en jeu le plus de fonds : les frais d'édition et de promotion sont considérables (tirage, doublage des copies, affichage, films-annonces,...). Résultat, le distributeur doit tenter de maximiser au mieux les sorties en salles, d'où cet énorme travail fourni par le service marketing. » Malgré le succès de [Rec], Philippe Lux assure que la valorisation et a fortiori la rentabilisation en salles de ce genre de cinéma, particulièrement lorsqu'il est français, est un pari, qui souvent se solde par une déception. Elle n'est pas impossible, comme l'atteste son expérience, mais reste difficile. Subordonnés d'un côté à la production, de l'autre aux exploitants, les distributeurs jouent les intermédiaires entre ces deux bouts de la filière cinématographique, faisant en sorte de les relier au mieux, tout en assurant la pérennité de leur activité auprès de ces deux acteurs essentiels du marché.

1 Une nouvelle société de distribution créée en février 2007 par Jean Labadie, en association avec Wild Side.

2 Entretien mené le 24/07/08, annexe n°27, p.70

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