1.2. Projeter des films : pour qui et pour quoi ?
1.2.1. Les soirées ponctuelles
Dans la continuité des pratiques amateurs, des
passionnés organisent des soirées de visionnage dans des bars ou
dans des petits cinémas de quartier. Ces séances
s'élaborent souvent entre amis, avec la complicité des
responsables des lieux prêtés pour les projections, qui peuvent
partager leur passion ou espèrent en tirer un bénéfice
commercial (augmentation des consommations, évènementialisation
apportant une meilleure visibilité au lieu,...) ou symbolique (image
jeune, ouverture d'esprit,...). Les organisateurs ne sont pas des
professionnels et cela peut également causer quelques
désagréments, comme en témoigne l'expérience de
Cyril Despontin de Zone Bis, qui a commencé à organiser
des projections à Lyon : « D'abord ce fut dans un café, avec
cinq sessions où nous projetions des copies vidéo de Mario Bava,
Dario Argento ou encore Dan o'Bannon. (...) Puis nous avons pu
bénéficier de la salle de projection du Ciné Club de
l'INSA, une des écoles d'ingénieries lyonnaises, où nous
avons organisé quelques soirées bis, allant des films de la Troma
à ceux de Jean-Marie Pallardy1. » Cependant, à la
suite de ces projections, ce dernier, réalisateur de films
érotiques et bis, ayant appris que des individus passaient ses films
sans autorisation, il prit contact avec les intéressés. Nullement
décidé à réprimander ces « bisseux » pour
ces projections sans autorisation ni paiement de droits, Jean-Marie Pallardy
était simplement à la recherche de copies 35mm de ses films.
Cette rencontre inattendue signa cependant le début d'une collaboration
amicale. Le visionnage de classiques, en tant qu'événement
pouvant être facilement partagé en commun, accessible à
tout le monde, mélangé avec des réalisations plus
confidentielles ou parfois des courts-métrages d'amis. A la
manière des soirées thématiques musicales (autour d'une
époque, d'un style, d'un groupe), l'esprit de communion autour d'un
même thème, réduit quelque peu le clivage entre anciens et
nouveaux arrivants dans la communauté des fans. Ouverts au public, ces
séances sont souvent organisées par un groupe d'amis qui veulent
partager leur passion ensemble. Elles sont l'occasion d'attirer une nouvelle
catégorie d`amateurs, plus jeune ou des nostalgiques qui souhaitent
sentir à nouveau, le temps d'une soirée, le plaisir de revoir des
films qu'ils avaient pu voir auparavant.
1 idem
Cette dimension est également celle des séances
organisées dans des cinémas indépendants, comme l'Absurde
Séance, qui se tient régulièrement à Nantes depuis
octobre 2000 au cinéma Le Katorza, grâce à la
persévérance de Jean-Maurice. Cette volonté de faire
« revivre » aux jeunes générations ou à ceux qui
étaient de jeunes adultes dans les années 1980 des films qui ont
marqué leurs organisateurs est un des leitmotivs de ce genre
d'évènements, qu'ils soient de dimension purement locale et
volontariste ou prises en charge par des amateurs initiés dans le
domaine professionnel, comme en témoigne Jean-Maurice : « je
choisis les films en fonction de mes goûts personnels, je veux montrer
à la génération actuelle les films avec lesquels j'ai
grandi ». Dans chaque ville, il y eut ou il y a encore de tels
évènements, mais ils tendent à diminuer. En effet,
l'illégalité des projections vidéo en public (et donc la
difficulté de faire de la publicité pour ce genre
d'évènements, qui les exposerait pénalement) ainsi que la
difficulté de trouver des salles et d'y projeter des films tendent
à réduire les ardeurs de ceux qui souhaitent se lancer dans cette
aventure. Cependant, la prise de risque continue à en tenter certains,
qui se positionnent en fidèles héritiers des pratiques des
décennies précédentes. Alors que l'actualité nous
démontre tous les jours l'enterrement progressif du cinéma de
quartier (UGC attaquant plusieurs cinémas indépendants comme le
Comoedia à Lyon ou le Meliès à Montreuil), il y a encore
des amateurs courageux, qui avec le concours de professionnels, montés
en association ou par l'initiative personnelle arrivent à
réaliser leurs ambitions. Car pour acquérir une liberté de
fonctionnement et assurer une pérennité à ce type
d'événement, il faut désormais le relais de partenaires
institutionnels, gages de qualité : magazines spécialisés
comme Mad Movies, cinémas indépendants, journaux
locaux,...
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