1.1.2. Internet : le domaine de tous les possibles
Le développement de la toile a permis l'accès
à des informations venues de la terre entière. La multiplication
des sites Internet personnels et des forums -en un mot de ce que l'on appelle
le Web 2.02- a permis l'émergence d'une nébuleuse
immense, où tous les domaines, des plus respectables aux plus
répréhensibles peuvent bénéficier d'une vitrine
internationale. Le succès des pratiques amateurs témoignent de
cette engouement pour le monde virtuel, qui ne connaît aucune limite, ni
d'âge ni de localisation ni de rang social, et fait apparaître les
blogueurs comme des protagonistes, égaux face à leur écran
d'ordinateur (ou désormais de téléphone mobile). En ce
sens, Internet est la nouvelle république du XXIe siècle,
créant un espace public (le terme de forum, emprunté au
vocabulaire politique de l'Antiquité en témoigne) ouvert à
tous, mêlant l'intimité et la vie privée à
l'information publique relayée par les institutions et les médias
eux-mêmes ; il permet à leurs détracteurs comme aux tenants
d'une marginalité effective dans l'espace public réel, de
manifester leur existence et d'affirmer leurs revendications et leurs
goûts. Cette liberté d'expression nouvellement acquise est une
chance pour les uns, une malédiction pour les autres, mais n'en est pas
moins un outil incontournable dans le monde contemporain, pour qui veut et sais
l'utiliser.
1 Voir entretien mené le 24/07/08, annexe
n° 26, p.66
2 Symbolisé par les systèmes
Wikipédia, Myspace ou Facebook
En ce qui concerne les films d'horreur, de nombreux sites leur
sont consacrés dans toutes les langues : informations sur les sorties de
films, filmographies ou biographies de réalisateurs, chroniques de
sorties DVD, analyses de films, bibliographies, sites collaboratifs, forums
affiliés, concours avec cadeaux à la clé, bases de
données,...La logique mise en oeuvre dans le développement de
tels sites est résolument celle du partage, de la facilitation de
l'échange, comme l'affirme Jean-Michel, webmaster et créateur
d'Oh My Gore ! : « Au départ, Oh My Gore !
n'était qu'un site perso que je m'étais créé afin
de me faire une petite base de données de films que j'avais vus ou que
j'aimerais voir. Ensuite j'ai commencé à mettre des photos pour
égayer un peu les fiches et j'ai vu que quelques personnes
commençaient à surfer sur le site. J'ai donc décidé
de l'améliorer (...). Les visites ont suivi et donc maintenant, j'essaie
de proposer un maximum d'infos et d'actus sur le cinéma horreur et
fantastique (...) Le but essentiel est de partager une passion, donc oui,
plutôt un site d'échange. J'aime être au courant de
l'actualité et je prends le temps nécessaire pour partager mes
infos avec les personnes intéressées1. » Il n'en
demeure pas moins, malgré cette dimension amateur et plutôt
artisanale, que le sérieux des informations est garanti, dans un
réel souci de professionnalisme. Ce que souligne Christophe Lemaire,
journaliste cinéma : « Je ne suis pas un de ceux qu'avec Christophe
Gans nous appelons « les gardiens du temple », qui tiennent à
leur position en déplorant l'apparition de l'étonnant nouveau
média qu'est Internet. Au contraire, place à la nouvelle
génération et à son attirail de nouvelles technologies qui
lui permet de tout appréhender plus vite. C'est pour cela que je ne me
lance plus dans la critique, d'autres le font mieux que moi et plus rapidement
!2 » Comme le rappelle Jean-Michel, « la création
de news est un processus très long puisqu'il faut aller les chercher sur
un tas de sources différentes (...) puis les mettre en forme, uploader
les photos, les vidéos etc... ».
Et les visiteurs se comptent en dizaines de milliers, allant
de 15 000 en moyenne pour Zone Bis (mais le site fut en pleine
restructuration et n'offre pas toutes ses anciennes potentialités)
à plus de 50 000 pour Oh My Gore !. Face à leur
importance, tant quantitative que qualitative, les professionnels
n'hésitent pas à contribuer au fonctionnement de ces sites, en y
apportant leur savoir comme leurs produits. En effet, des concours sont souvent
organisés lors de sorties salles ou DVD, avec goodies à la
clé3. Malgré tous les efforts déployés
pour apporter et partager des informations sur le
1 Voir questionnaire, annexe n° 29, p.77
2 Voir entretien mené le 24/07/08, annexe
n°26, p.66
3 « Les lots sont souvent des produits dérivés
de films c'est-à-dire des affiches, des dvds, des places de
cinéma, des tee-shirts ou quelques fois des objets plus insolites comme
un couteau pour Haute Tension ou une fiole d'eau bénite pour
L'Exorciste : Au commencement » explique Jean-Michel, op. cit.
genre de films qui fait vibrer les passionnés, il faut
noter que ces sites restent bien souvent amateurs et que leurs contributeurs ne
sont pas rémunérés pour leur travail, quelle que soit son
importance. Tous les administrateurs, webmasters ou chroniqueurs
côtoyés ou interrogés sont des bénévoles.
C'est toute la caractéristique des pratiques amateurs ; une passion
motivant un travail sans toutefois bénéficier d'une
rémunération effective pour celui-ci (en dehors d'une
rémunération symbolique, celle de contribuer à la
diffusion de leur centre d'intérêt). Cependant, cela
n'empêche pas certains de se projeter un jour dans la filière
cinématographique, surtout parmi les plus jeunes. Mais il semble que
cette volonté reste marginale, constituant le propre de l'amateurisme ;
celle de ne pas vouloir mêler emploi et passion, reléguant cette
dernière dans le domaine de la sphère privée.
Souvent attachés à ces sites, les forums sont un
autre avatar de la communauté des cinéphiles en
général, et des fans de cinéma d'horreur en particulier,
et constituent à eux-seuls un véritable microcosme. En effet, les
« posteurs » suivent les discussions virtuelles de façon
quotidiennes, parfois sur plusieurs plateformes différentes, et donnent
leur avis différemment sur leur appréhension des films ; certains
adoptant une attitude détachée, procédant simplement de
l'affirmation ou de validation de leurs goûts, d'autres élaborant
un réel débat autour des enjeux économiques ou des
caractéristiques artistiques de tel ou tel oeuvre ou
événement plus ou moins affilié au genre en question. De
véritables affrontements sont en jeu dans ces espaces, allant jusqu'au
boycott et à la scission, comme ce fut le cas au sein du forum
attaché au site Devil Dead, dont les anciens se
reportèrent sur celui de Zone Bis1. En effet, la
position et l'ancienneté y sont très importantes : les
administrateurs et modérateurs y sont respectés pour leur
proximité supposée avec le monde professionnel (ce sont souvent
les responsables des sites affiliés), et a fortiori leurs connaissances,
tout comme les posteurs présents depuis l'ouverture du forum. Les jeunes
arrivants y sont souvent raillés, taxés de novice et
méprisés par les premiers. Or cette logique est à l'oeuvre
dans tous les milieux qui cultivent volontairement un certain degré
d'initiation, afin de préserver leur cercle de l'arrivée massive
d'individus attirés par une certaine marginalité, à la
manière des tribus musicales. Malgré ces comportements parfois un
peu fermés, il semble que ce soit néanmoins le partage qui prime,
la gratuité de l'échange, la relation humaine ou virtuelle, qui
est également à l'oeuvre dans le visionnage de films en groupe,
comme c'est le cas dans les séances spéciales et les
festivals.
1 Voir entretien mené le 10 juillet 2008 avec
Cyril Despontin, annexe n°24, p. 59
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