1.1.1. La presse spécialisée : fanzines et
magazines
Comme toute culture, le cinéma d'horreur dispose de ses
magazines. Comme toute subculture, il compte de nombreux fanzines. Cette
profusion de titres produits artisanalement, sans autorisation d'éditer,
découle des pratiques amateurs et de la volonté des fans de
s'impliquer et de « faire vivre » le mouvement. D'autre part, des
titres aujourd'hui nationaux sont vendus dans les kiosques et les librairies,
faisant collaborer des journalistes spécialisés dans ce domaine.
Il s'agit de l'Ecran Fantastique, fondé par les frères
Schlockoff dès 1970 mais surtout de Mad Movies,
créé deux ans plus tard par J, an-Pierre Putters, qui
n'était d'abord qu'un fanzine édité à moins de 300
exemplaires. Une revue spécialement axée sur le cinéma
gore, Toxic, a même vu le jour en 1989, dirigée par la
même équipe que l'Ecran Fantastique mais traitait essentiellement
des effets spéciaux, du maquillage et de tous les aspects visuels du
cinéma horreur/gore. Citons également le légendaire
Starfix (1er numéro en 1983, Christophe Gans et
Christophe Lemaire faisaient partie des rédacteurs) ou encore Evil
Z, qui furent la référence des inconditionnels du festival
de Paris au Grand Rex, dont se souvient avec nostalgie Marie- Agnès
Bruneau1. Ces titres ne paraissant plus, les fans n'ont
désormais plus qu'un mensuel de référence
réellement spécialisé dans le fantastique/horreur :
Mad Movies, qui compte une dizaine de journalistes aux goûts
hétéroclites mais défendant leur passion avec humour et
rigueur. Le mensuel constitue une véritable bible pour certains, un
univers trop partial pour d'autres, qui n'hésitent pas à pointer
du doigt la dégradation dans la
1 directrice du bureau parisien du MipTV Mag et
passionnée de cinéma fantastique/horreur
qualité des numéros, tout en assurant que c'est
une bonne chose qu'un tel magazine continue d'exister. En effet, la ligne
éditoriale est rarement homogène, cela étant
également du à la variété des thèmes et des
oeuvres abordées, qui, bien que recouvrant un genre particulier, peuvent
aller de l'action à l'animation en passant par le film de zombies gore
et le fantastique onirique et merveilleux. Avec une promesse annonçant
la couverture du « plus fort du cinéma », Mad Movies
table sur une cible masculine et jeune, sans pour autant occulter les femmes,
malgré les interjections à l'adresse du lectorat, supposé
être composé de « gars », avec des rubriques
plutôt orientées sexuellement comme la page pin-up ou un
numéro spécial Scream Queens à l'été 2008.
Dans un langage résolument détendu, agrémenté de
nombreuses blagues qui ne peuvent être comprises que par des lecteurs
fidèles et assidus, le magazine affiche une sérieuse culture
filmique. Se positionnant en véritables critiques, les journalistes de
Mad Movies délivrent des informations sur les films à
venir, élaborent des dossiers sur des phénomènes
contemporains à l'oeuvre dans le genre (Les remakes, Sexe et gore,...),
scannent l'actualité des jeux vidéos, des séries et des
sorties DVD, rendent des hommages à des personnalités, font des
reportages sur les festivals,... De plus, récemment se sont
insérées des pages portant plus sur l'histoire du cinéma
fantastique/horreur, avec des biographies et filmographies de Boris Karloff ou
de Jacques Tourneur et des analyses plus pointues de chefs-d'oeuvre du
cinéma de genre. Il semble donc que le mensuel soit en train
d'évoluer vers un plus grand registre, afin d'attirer un public
différent et de satisfaire les lecteurs les plus cinéphiles.
Cependant, les photographies présentes sur les couvertures ou illustrant
les sorties de films risquent encore d'en choquer plus d'un ; on ne
lésine pas sur le sang et la chair lorsqu'il s'agit de dévoiler
des images gores à propos d'un long-métrage attendu. Le magazine
est également proposé avec un DVD (hors abonnement), à un
prix plus élevé que l'édition papier seule. Cette
pratique, désormais courante en ce qui concerne la presse du
7e jour1, permet d'attirer ponctuellement de nouveaux
lecteurs, dont le but principal serait d'acquérir l'objet vendu en
annexe, le magazine passant au second plan.
De plus Mad Movies est impliqué dans beaucoup
d'évènements liés au genre de cinéma qu'il
défend : partenaire média sur divers festivals (L'Etrange
Festival de Lyon, Le Festival du Film Fantastique de Gérardmer, La Nuit
de l'Horreur à Courbevoie,...), soutien de la chaîne de
télévision thématique Sci-Fi (un des anciens journalistes
de Mad Movies est désormais responsable éditorial de la
chaîne) ou encore sponsor de sorties salles ou DVD. L'équipe du
mensuel entend bien se poser en défenseurs du genre, sans pour
1 C'est-à-dire la presse hebdomadaire (ex : Le
Monde 2 ou Le Figaro Magazine)
autant perdre sa faculté de jugement lorsqu'un film ne
leur sied pas. Il semble que la défense du cinéma de genre
français leur incombe, comme en témoigne le dernier numéro
de juillet-août 2008, où la critique dithyrambique de
Martyrs de Pascal Laugier, écrite par Alexandre Bustillo, comme
l'avait été celle d'A l'intérieur (dont l'un des
réalisateurs n'est autre que Bustillo lui-même), semble plus
relever de la croisade que de l'analyse cinématographique. Même si
leur vision est parfois un peu partisane, Christophe Lemaire félicite
les gens qui assument ces positions, en allant à l'encontre de la
majorité bien-pensante des critiques de cinéma1. Les
débats au sein de la rédaction sont également suivis et
alimenté par de nombreux aficionados, qui peuvent s'exprimer sur le
forum Mad Movies, affilié au site Internet. Cette extension du
magazine était indispensable afin de continuer à jouer un
rôle primordial sur le web, parmi une multitude de sites, blogs et autres
forums d'amateurs.
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