3.2.2. ...à la classification
Le décret 90-174 du 23 février 19902
fait évoluer ces critères et dicte le statut, la mission et la
composition de la commission de classification des oeuvres
cinématographiques, rattachée au Centre National de la
Cinématographie3. Son objectif consiste principalement en la
protection des mineurs et l'information du public vis-à-vis du contenu
d'un film, en gardant le principe d'un avis a priori, le seul encore en vigueur
dans les industries culturelles et a fortiori dans tous les secteurs
économiques. Cet avis consultatif peut prendre la forme d'une
autorisation dite tous publics (de catégorie I : TP ou TP+Avertissement)
ou d'une restriction d'accès (catégories II à IV :
interdiction aux moins de 12 ans, aux moins de 16 ans ou aux moins de 18 ans,
assorties ou non d'un avertissement), adossée au visa d'exploitation du
film qui doit être validé ensuite par le Ministère de la
Culture - celui-ci conservant son droit d'aller à l'encontre de cette
proposition. Pour chaque type de restriction, et notamment celle de
catégorie III (interdiction aux moins de 16 ans) et IV (interdiction aux
moins de 18 ans), l'accès des salles aux mineurs en dessous de la limite
établie doit être empêchée, l'exploitant s'exposant
à des sanctions civiles et pénales en cas de non-respect de ces
dispositions. Rappelons avant toute chose que le système français
est souvent jugé comme un des plus laxistes dans les réunions des
commissions de classifications internationales, beaucoup de pays fonctionnant
selon le paradoxe du tas (à partir d'un certain quota de meurtres, de
sang ou d'insultes) et prenant en compte d'autres critères (comme le
1 Voir entretien avec les secrétaires de la
commission de classification, mené le 13 février, annexe
n°8, p.38
2 Annexe n°39, p.115
3 Pour les modalités de prise de
décision et la composition de la commission, voir les rapports annuels
d'activité de la commission, disponibles auprès du CNC ou
brochure en annexe n°34, p. 93
langage ou le montage) pour renforcer le classement des films
et l'élaboration des interdictions. La commission française dont
l'un des avantages est de prendre en compte l'ensemble du propos
déroulé dans le film, est cependant l'objet de nombreuses
critiques, notamment à cause de son système d'interdiction (les
commissions anglo-saxonnes tablent sur l'accompagnement des mineurs, ils n'en
interdisent pas l'accès).
Un dispositif législatif spécifique a en outre
vu le jour par le décret 2001-618 du 12 juillet 2001 qui modifie le
décret de 1990 en y insérant l'article 3-1. Il a
été mis en place à la sortie du film Baise-Moi de
Virginie Despentes, pour lequel des règles renforcées ont
été mises en place. Le problème posé par la
classification de ce film, ne rentrant pas dans les critères classiques
du film pornographique classé X, a notamment motivé le
rétablissement de l'interdiction aux moins de 18 ans, qui avait
été transformée en moins de 16 ans en 1990. A ce jour,
depuis cette modification législative, sept films en ont fait l'objet ;
quatre l'ont été pour « scènes de sexe explicite
»1 et trois pour « violence extrême ». Le
premier à en être frappé fut le troisième volet de
la saga Saw, réalisé par Daren Lynn Bousman. A l
`automne 2007, un autre film de genre est depuis venu s'ajouter à cette
liste : Quand l'embryon part braconner, un film japonais du
réalisateur Kôji Wakamatsu, produit en 1966 que le distributeur
Zootrope a décidé de sortir en salles. La polémique sur
cette fameuse interdiction s'est vue relancée au début de
l'été 2008 à propos de Martyrs de Pascal Laugier
(se voulant être à la fois un film d'horreur et un film d'auteur),
dont le passage en commission en a résulté l'application de la
catégorie IV, provoquant de nombreuses réactions et donnant
même lieu à une manifestation initiée par le Club du
Vendredi 13, association de réalisateurs, producteurs et distributeurs
désireux de soutenir le cinéma de genre
français2. Deux films d'horreur (même si le film de
Wakamatsu peut plus être qualifié de film de genre que d'horreur
au sens strict) figurent donc au nombre de ces longs-métrages uniquement
visibles par des adultes. Ces décisions ont surpris et ému les
professionnels, notamment en raison de la précision des critères
(scènes de sexe non simulées ou d'une très grande
violence), qui se sont inquiétés d'un retour de la censure,
dénoncé par de nombreuses associations professionnelles à
travers des communiqués3. Ces affaires de classification ont
donné l'occasion aux professionnels et aux amateurs de faire entendre
leur opposition et a permis au problème du cinéma de genre
d'émerger dans les médias grand public. La Société
des Réalisateurs Français (SRF) a ainsi exigé des seconds
visionnages, avec
1 Il s'agit de Baise-Moi de Virginie
Despentes, 9 songs de Michael Winterbottom, Ken Park de Larry
Clarck et Polissons et Galipettes de Michel Reilhac.
2 Le 2 juillet 2008, après un second
visionnage, la commission de classification a rectifié son premier avis
en abaissant l'interdiction à moins de 16 ans assortie d'un
avertissement.
3 Communiqué de presse SRF Saw III et
Martyrs, annexes n°44, 44 bis et 44ter, p.135-137
ou sans succès (rectification pour Martyrs
mais pas pour Saw III). En effet, pour des raisons économiques,
une interdiction aux moins de 18 ans, au regard des règles du CNC et du
CSA, restreint l'exploitation en salles et rend quasiment impossible la
diffusion télévisée : « L'interdiction aux moins de
18 ans est une forme de censure qui ne dit pas son nom. Son application
paraît floue et arbitraire1 ». Si les enjeux sont
importants, parler de censure paraît quelque peu exagéré,
aucun film n'ayant été totalement interdit ou censuré au
sens propre (c'est-à-dire coupé) depuis plus de 20 ans.
Malgré les conséquences, les mots de la SRF semblent un peu
déplacés lorsqu'elle parle de « l'irresponsabilité de
la Commission » ou de « mesures arbitraires2 ». A
ceux qui parlent d'un retour de la censure, rappelons les résultats de
la saison cinématographique 1974- 1975 : sur 607 films diffusés
sur les écrans français, 162 se virent attribués une
interdiction aux moins de 18 ans, dont 145 pour scènes de sexe et 17
pour excès de violence.3 D'autant plus « qu'à
cette époque, l'atmosphère malsaine suffisait à voir
tomber l'I-18 ans : des loulous de banlieue qui se bagarrent dans La Rage
au poing, des marginaux qui se droguent dans Fender l'Indien, des
malades mentaux dans Asylum,(...) ».
Martyrs de Pascal Laugier (2007)
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