2.2.3. Le slasher et le post-slasher : l'explosion du
genre
Parallèlement à l'explosion des gialli en
Europe, les films mettant en scène des psycho-killers apparaissent sur
les écrans américains au milieu des années 1970. L'arme
blanche laisse la place à des outils peu communs mais plus efficaces en
terme de dommages corporels, prétextes à l'exposition de flots de
sang. Le plus célèbre de ces nouveaux instruments de torture est
certainement la tronçonneuse, que Wes Craven et Tobe Hooper mettent
respectivement à l'honneur dans La Dernière Maison sur la
gauche (1972) et Massacre à la Tronçonneuse (1974).
Mais c'est résolument avec les séries des Halloween, des
Vendredi 13 et des Griffes de la Nuit que sont
intronisés les tueurs en série les plus célèbres de
l'histoire du cinéma d'horreur : Michael Myers, Jason
Vorhees3 et Freddy Krueger, qui inspirent toujours les
réalisateurs contemporains.
' Do you like Hitchcock ? (2005) et Mother of
Tears (2007), malgré le très attendu Giallo,
conçu comme un hommage du réalisateur à cette vague de
gloire du cinéma italien
2 Qui s'inscrivent dans une politique
générale de baisse du budget de l'Etat italien consacré
à la culture
3 Deux remakes ont vu le jour dernièrement :
Halloween de Rob Zombie en 2006 et Vendredi 13 de Marcus
Nipsel en 2009 (qui avait déjà signé un remake de
Massacre à la Tronçonneuse en 2003)
Les grandes compagnies, comme dans les années 1930,
s'engouffrent dans ce secteur (Vendredi 13 est produit par la
Paramount) en réalisant des séries entières, dont
l'originalité baisse de film en film, ne tenant plus qu'à la
nouveauté des effets spéciaux. Le cinéma pour adolescents
est né, reproduisant des scénarii bien rodés mettant en
scène un tueur fou dont les meurtres rituels révèlent une
blessure psychologique ou physique, le tout baignant dans une atmosphère
pubère de libération des moeurs. Le slasher a souvent
été déprécié par les femmes à cause
des excès machistes de ses personnages et de l'intrigue. Mais certaines,
parmi lesquelles Isabel Cristina Pinedo, tentent de réhabiliter ce genre
auprès de la population féminine1. Malgré cela,
la rentabilité est au rendez-vous, puisque le premier volet des
aventures de Michael Myers, le tueur d'Haioween, La nuit des masques
réalisé par John Carpenter en 1978, rapporte 50 millions de
dollars pour un budget de 500 000 de dollars2.
Freddy contre Jason de Ronny Yu (2003)
Relancé au milieu des années 1990 avec
Scream de Wes Craven, le slasher devient un genre auquel on identifie
tout entier le cinéma d'horreur, avec ses nombreux clichés et
implications morales évoquées dans ce film à travers
l'intrigue, mettant en abyme le genre lui-même au sein de la
diégèse. Certains y ont vu de l'irrévérence,
d'autres du génie et une somptueuse réflexion sur le film
d'horreur lui-même, comme Eric Dufour. Le post-slasher devient alors la
nouvelle coqueluche des studios hollywoodiens, qui exploitent ce filon,
à force de remakes, de nouveautés peu inspirées et de
suites sans fin : Urban Legend (1998) de James Blanks,
Souviens-toi l'été dernier (1997) de Jim Gillespie ou
récemment le remake du Bal de l'Horreur (2008) de Nelson Mc
Cormick. Grâce à leurs histoires dont l'originalité ne
réside que dans l'invention de nouveaux
1 Voir le dernier chapitre de Recreational
Terror, op. cit., où elle analyse notamment Henry Portrait of a
serial killer, et montre comment il contient des potentialités
féministes latentes.
2 Philippe Ross, op. cit. p.1 12-113
tueurs, toujours plus pernicieux et qui se
révèlent souvent être liés aux victimes, laissant
une fin « ouverte », susceptible de produire des séquelles,
les post-slashers élaborent une machine qui tend à
s'épuiser aujourd'hui. Leur différence avec le slasher ? Aucune,
sinon la remise au goût du jour des acteurs et la
contemporanéité du style par rapport à l'environnement
actuel. Il intègre également, comme ses aînés, une
dimension de « survival », où non seulement les personnages
sont éliminés un par un, mais ceux-ci doivent lutter pour s'en
sortir (ou périr). Aujourd'hui les slashers sont un peu
déconsidérés, jugés trop faciles à
réaliser, la rentabilité étant toujours critiquée
dans l'intelligentsia cinématographique française, même si
certains semblent quelque peu sortir du lot, comme Jeepers Creepers de
Victor Salva. Cependant, c'est sans doute le genre qui représente le
mieux la dimension de cinéma dit d'exploitation dans les années
1990 et début 2000, étant vite remplacé, dès son
déclin amorcé, par des films plus violents que sont les
torture-flick ou par des films plus abordables et plus matures, comme les
thrillers.
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